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Interview de Ramez Shehadi : Facebook à l'épreuve de la pandémie Covid-19
20/05/2020 | 16:00
10 min
Interview de Ramez Shehadi : Facebook à l'épreuve de la pandémie Covid-19

L'activité de Facebook face à la pandémie Covid-19 a été l'objet de l'interview exclusive de Ramez T. Shehadi, directeur général de Facebook pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA). Facebook a veau être un monstre, il a quand même dû subir l'impact de cette crise sanitaire mondiale. Ramez T. Shehadi nous explique l'impact de la pandémie sur l'activité de Facebook, non seulement en matière de traffic mais aussi de mesures mises en place pour s'y adapter. Entretien.

 

 

1. Dans quelle mesure la crise Covid-19 a-t-elle affecté l'activité de Facebook ?

Nous vivons une période d'incertitude pour tout le monde. C'est une perturbation massive du “business as usual”. Mais aujourd'hui notre priorité absolue est de faire en sorte que chacun puisse accéder à des informations fiables et précises sur le virus et que nos systèmes puissent faire face à la demande supplémentaire. Nous examinons également ce que nous pouvons faire d'autre pour aider les petites entreprises qui utilisent notre plateforme pour atteindre les gens. C'est pourquoi nous avons créé un programme de subvention de 100 millions de dollars pour aider 30 000 petites entreprises dans le monde entier.

 

2. Quelles sont les solutions mises en œuvre par Facebook au profit des entreprises dans le cadre de cette crise sanitaire ? 

Les petites entreprises sont le moteur de nos communautés et de nos économies, et nombre d'entre elles sont fortement touchées par la crise, d'autant plus que de plus en plus de personnes restent raisonnablement à la maison et que l'engagement physique quotidien, traditionnellement essentiel pour ces entreprises, est entravé. Plus la crise se prolonge, plus le risque est grand pour les petites entreprises et pour les moyens de subsistance de leurs propriétaires, de leurs employés et des communautés qui en dépendent.

Nous avons entendu les petites entreprises pour mieux les aider. Nous avons clairement compris qu'un appui financier peut permettre à beaucoup d'entre elles de garder la flamme et de payer les personnes qui ne sont pas en mesure de venir travailler. C'est pourquoi Facebook investit 100 millions de dollars pour aider 30 000 petites entreprises dans plus de 30 pays où vivent et travaillent nos employés. Nous souhaitons également faciliter l'accès des entreprises du monde entier à l'aide, à la qualification et au soutien de nos équipes.

Dans ce contexte, nous facilitons la tâche des gens qui veulent aider leurs entreprises locales préférées en leur offrant des cartes-cadeaux numériques sur Facebook. Les gens pourront voir la manière de soutenir les entreprises locales avec des cartes-cadeaux numériques dans leur fil d'actualité. Les entreprises souhaitant promouvoir leurs cartes-cadeaux peuvent découvrir comment s'inscrire auprès de l'un de nos partenaires. Nous travaillons également à l'offre de cartes-cadeaux sur Instagram.

Nous avons étendu notre programme de collecte de fonds personnels afin de permettre aux particuliers de collecter des fonds pour les entreprises locales touchées par le COVID. Les entreprises ne pouvaient auparavant pas utiliser nos fonctionnalités de collecte de fonds personnelle, mais considérant les difficultés rencontrées par de nombreuses PME lors de COVID-19, nous souhaitons donner aux gens les moyens de supporter leurs entreprises respectives, ou permettre au propriétaire de l'entreprise de lancer une collecte de fonds personnelle sur Facebook.

 

Nous avons créé un centre de ressources pour entreprises pour soutenir les entreprises touchées par l'épidémie de coronavirus (COVID-19). Ce centre propose des recommandations ainsi que des cours pour aider les entreprises et les marques à rester en contact avec leurs clients et à maintenir leur activité sur la bonne voie. Afin de sensibiliser à la pandémie mondiale et d'enrayer la désinformation autour de la nouvelle souche du virus, ce centre comprend également un accès à des informations crédibles et précises sur COVID-19 et d'autres ressources pour aider les entreprises et les communautés qu'elles servent.

 

3. Quel est le programme de subvention mis en place par Facebook ?

Pour aider l'industrie de l'information qui travaille dans des conditions exceptionnelles et tenir les gens au courant, Facebook a annoncé un investissement de 100 millions de dollars - 25 millions de dollars de subventions d'urgence pour les nouvelles locales par le projet de journalisme de Facebook, et 75 millions de dollars de dépenses de marketing supplémentaires pour transférer l'argent aux organismes de presse du monde entier.

 

4. Cette crise sanitaire a provoqué une augmentation significative du trafic sur Facebook, y a-t-il lieu de s'inquiéter ? Facebook peut-il être en panne ? 

Nous voyons que les gens utilisent les services de manière vraiment remarquable. Nous constatons une hausse de l'utilisation, en particulier pour la messagerie et les appels vidéo, car les gens utilisent nos services pour rester connectés, montrer qu’ils là. Dans la plupart des pays les plus touchés par le virus, le nombre total de messages a augmenté de plus de 50 % au cours du mois dernier et les appels vocaux et vidéo ont plus que doublé sur Messenger et WhatsApp. Mais en même temps, nos activités, comme celles de nombreuses entreprises durant cette période, sont affectées. Nous ne monétisons pas beaucoup de services pour lesquels nous constatons une augmentation de l'engagement et il y a eu pour nous une perturbation certaine de notre activité habituelle, comme cela a été le cas pour l'ensemble du secteur de la publicité dans le monde. 

 

5. Quelle politique Facebook a-t-elle mis en place pour protéger ses propres employés ? 

Nous avons pris des mesures précoces pour assurer la sécurité de nos employés et avons adopté une position globale de travail à domicile le 6 mars, la semaine précédant la déclaration par l'OMS du Covid-19 comme étant une pandémie mondiale. Plus de 95 % de nos employés à temps plein travaillent actuellement à domicile, tout en veillant à ce que la sécurité soit la priorité numéro un pour les travailleurs essentiels qui doivent se rendre dans nos datacenters et autres installations. Nous avons été en mesure de soutenir nos employés actuels et d'accueillir de nouveaux employés tout au long de cette période. Bien que nous ne soyons pas à 100% de nos capacités dans tous les domaines de nos activités, nous avons continué à livrer de nouveaux produits, à maintenir la disponibilité des services, à réviser le contenu et à rester en contact avec nos clients professionnels. La plupart des employés de Facebook peuvent travailler depuis leur domicile jusqu'à la fin de l'année 2020. Compte tenu des circonstances, nous sommes heureux du dévouement et du professionnalisme avec lesquels l'équipe de Facebook relève les défis posés par cette crise. 

 

6. La crise du coronavirus est une excellente opportunité pour la diffusion de Fake News, que fait Facebook pour contrer ce phénomène au niveau mondial et dans la région MENA ? 

 

Il est également essentiel de mettre un terme à la diffusion de fausses informations et de contenus nuisibles sur COVID-19 dans nos applications. C'est pourquoi nous travaillons avec plus de 60 organismes de vérification des faits qui examinent et notent les contenus dans plus de 50 langues dans le monde entier. Au cours du mois dernier, nous avons continué à développer notre programme afin d'ajouter de nouveaux partenaires et de nouvelles langues. Depuis le début du mois de mars, nous avons ajouté huit nouveaux partenaires dans le monde et étendu notre couverture à plus d'une douzaine de nouveaux pays. Par exemple, nous avons ajouté MyGoPen à Taiwan, l'AFP et la DPA aux Pays-Bas, Reuters au Royaume-Uni et, plus près de chez nous, Fatabayyanu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Sur Facebook et Instagram, nous supprimons les informations erronées liées au COVID-19 qui pourraient contribuer à des dommages physiques imminents. Depuis janvier, nous appliquons cette politique à la désinformation sur COVID-19 afin de supprimer les messages qui font de fausses déclarations sur les cures, les traitements, la disponibilité des services essentiels ou le lieu et la gravité de la pandémie.

Pour les allégations qui n'entraînent pas directement de dommages physiques, telles que les théories de conspiration sur l'origine du virus, nous continuons à travailler avec notre réseau de plus de 55 partenaires de vérification des faits couvrant plus de 45 langues pour démentir ces allégations. Pour soutenir le travail de la communauté mondiale des vérificateurs de faits sur COVID-19, nous nous sommes associés au réseau indépendant de vérification des faits, International Fact-Checking Network, pour lancer un programme de subvention d'un million de dollars afin d'accroître leur capacité pendant cette période.

 

7. Tout le monde s'accorde à dire qu'il y aura un avant et un après corona, pensez-vous que ce sera également le cas pour Facebook ? Qu'est-ce que cette crise va changer ?

Aujourd'hui, avec des communautés immergées dans des conversations, des réunions, des rassemblements et des expériences virtuels, le pouvoir et l'impact de la technologie sont devenus plus profonds. Au cours de cette période, les gens ont découvert leurs familles, leurs amis, leurs passe-temps et bien d'autres choses encore d'une manière totalement différente, et partagent leurs compétences, leur expertise et leur temps, mettant en évidence le pouvoir de la communauté et de la connexion lorsque les gens se rassemblent. 

La façon dont les gens se divertissent, que ce soit par la vidéo à la demande ou les vidéos en ligne, la façon dont nous socialisons et interagissons avec les autres ou même faisons des achats et payons nos achats a changé de façon spectaculaire. Personne n'a de boule de cristal pour prédire ce qui va se passer, mais ces changements de mode de vie sont là pour rester.  

Pour les entreprises, COVID-19 les a amenées à s'interroger sur la nécessité d'un espace de bureau physique. La numérisation n'est plus un mot à la mode, mais est devenue la nature et l'essence fondamentales des entreprises qui vont de l'avant. Les entreprises qui ont traditionnellement compté sur l'interaction en face à face ont réalisé que si elle joue toujours un rôle essentiel, il en va de même pour la nécessité de s'adapter à un marché numérique. L'accent est également mis sur l'acquisition de compétences numériques, ce qui constitue une grande leçon pour les entreprises. Ces changements survivront invariablement et continueront à être la nouvelle norme pour les entreprises. 

L'information vs. la désinformation, les mouvements nationaux en réponse aux mouvements mondiaux, l'établissement et le maintien de la confiance du public, l'équilibre entre les priorités nationales en matière de santé et les priorités économiques ont tous été prioritaires pour les gouvernements et continueront à façonner les interactions du gouvernement avec le public. Ce que COVID-19 a montré, c'est que les gouvernements ne peuvent pas, et ne devraient pas, avoir à faire face à ces questions seuls. Le secteur privé joue un rôle crucial en soutenant l’accès à d'informations précises, en utilisant des plateformes telles que Facebook. 

C'est si souvent en temps de crise que nous voyons le meilleur des gens, et les remarquables façons dont la technologie est utilisée. Ces dernières semaines, nous avons vu des exemples inspirants d'individus et de groupes qui s'entraident sur nos plateformes - du groupe Nomads en Égypte, qui soutient les membres de communautés globalement touchées par les restrictions de voyage et les fermetures de frontières ; à Mona El Kheshen, qui rejoint les parents de sa communauté pour les aider à trouver un équilibre entre le travail et la fermeture des écoles ; à Mohammed Najjar du groupe Jordan Thought Leaders Circle, qui fait du bénévolat dans le groupe de gestion de crise du ministère de la santé, et qui crée des contenus incitant les autres à rester chez eux. 

Au Liban, l'ONG libanaise Sawa for Development and Aid (SDAID) soutient les réfugiés syriens depuis 2011. Cette année, alors que le Ramadan fait son chemin pendant l'épidémie de COVID-19, Sawa (qui signifie "ensemble" en arabe) vise à atteindre 3 000 familles de réfugiés syriens pendant le mois saint. Aux Émirats arabes unis, le groupe Facebook Stop and Help a un objectif : aider les familles en difficulté financière à Dubaï. Par ailleurs, par l'intermédiaire des UAE Fusion Socialites, la Pakistanaise Ayesha Sohail, basée à Sharjah, et son mari encouragent les 19 658 membres du groupe à faire des dons d'épicerie aux familles à faibles revenus.

Un autre groupe Facebook basé en Tunisie, Bénévoles Contre le Coronavirus, a réussi à rassembler, en une semaine seulement, des centaines de milliers bénévoles tunisiens pour soutenir le pays et ses citoyens, tandis qu'au Maroc, JOOD a rassemblé les cœurs bienveillants des Marocains pour aider à collecter et à distribuer de la nourriture aux sans-abri. 

Cette crise a été un moteur essentiel de l’empowerment - la capacité des gens à s'autonomiser les uns les autres, celle des entreprises à autonomiser leurs employés et, surtout, celle de millions de personnes à donner de l'espoir.

 

*Ramez T. Shehadi est le Directeur Général de Facebook pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA). Il dirige la croissance commerciale et l'impact de Facebook et de son portefeuille croissant d'applications, de services et d'entreprises à travers la région.
 
*Ramez T. Shehadi apporte une vaste expertise dans la création, la mesure et la gestion d'activités régionales et mondiales et de portefeuilles interprofessionnels pour des sociétés de conseil de premier plan, notamment en tant qu’Associé Principal et Directeur Général du portefeuille MENA de Booz Allen Hamilton, Associé Dirigeant de la division MENA Digital Business & Technology de Booz & Company et co-dirigeant de Booz Digital, entre autres.
 
*Ramez a toujours été passionné par la responsabilité sociale, soutenant activement l'entrepreneuriat et les startups dans le digital à travers la région ainsi que les ONG autonomisant les communautés dans le besoin. Il siège au conseil d'administration de grandes institutions publiques, privées et à but non lucratif mondiales et est membre et modérateur de la Middle East Leadership Initiative de l'Institut Aspen.
 
*Originaire du Liban, Ramez est titulaire d'un Bachelor en génie mécanique de l'Université Rutgers et d’un Master en génie industriel de l'Université de Toronto


Interview réalisée par mail par Marouen Achouri

 

20/05/2020 | 16:00
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