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ZLEC: le seuil de ratifications atteint, que va-t-il se passer maintenant?
16/05/2019 | 16:59
7 min
ZLEC: le seuil de ratifications atteint, que va-t-il se passer maintenant?

 

Il y a un an, alors qu’Oxford Business Group publiait son premier Business Barometer: sondage auprès des PDG du continent africain, près de cinquante nations ont signé un accord visant à créer la plus grande zone de libre-échange au monde : la Zone de libre échange continentale (ZLEC).

Suite à la ratification du traité début avril par la Gambie, qui a permis d’atteindre le seuil requis de 22 signatures pour que l’accord entre en vigueur, la ZLEC n’a jamais été aussi proche de voir le jour.

L’union fait la force

Couvrant un marché de 1,2 milliard de personnes, avec un PIB total de 2500 milliards de dollars, l’accord vise à créer un marché africain unique pour les biens et les services, et de permettre la libre-circulation des personnes/des hommes et femmes d’affaires/des personnes issues du milieu des affaires et des capitaux sur l’ensemble du continent. L’objectif à terme est de booster le commerce intrarégional, de promouvoir l’investissement et la création d’emplois, et de contribuer à transformer le paysage économique de l’Afrique de façon à générer davantage de valeur ajoutée et de richesses.

Dans l’ensemble, les objectifs définis ont été bien reçus par le milieu international des affaires, et les résultats du deuxième Business Barometer: sondage auprès des PDG du continent africain témoignent de l’optimisme ressenti par les chefs d’entreprise. Sur 787 hauts-dirigeants interrogés dans huit pays à travers le continent, 72 % ont déclaré que la ZLEC aurait un impact positif ou très positif sur le commerce intrarégional.

 

D’après la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies, la ZLEC pourrait faire augmenter les volumes commerciaux de 50 % dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur. Par rapport aux autres blocs régionaux, l’Afrique est actuellement en retard en matière de commerce, avec seulement 16 % du volume des échanges commerciaux intracontinentaux, contre plus de 50 % pour l’Asie et plus de 60 % pour l’Europe.

L’Afrique a toutefois de bonnes raisons d’être optimiste avec l’entrée en vigueur de la ZLEC qui est prévue dans le mois suivant le dépôt des signatures requises au siège de l’Union Africaine. Cela ne s’annonce pas facile pour autant, car de nombreux défis devront être surmontés avant que les effets de l’accord se fassent pleinement sentir : retards en infrastructures, instabilité de l’alimentation électrique, lourdeur de l’administration et corruption. Il n’en reste pas moins que l’Afrique dispose de nombreux avantages stratégiques qui l’aideront à mettre en oeuvre l’accord, notamment la jeunesse de sa population, l’abondance de ses ressources naturelles et la forte croissance de ses économies.

L’Afrique abrite certaines des économies les plus dynamiques au monde

D’après le dernier rapport du FMI « Perspectives de l’économie mondiale », publié en avril 2019, l’économie du Ghana enregistrera la plus forte croissance en 2019 – pas seulement en Afrique, mais dans le monde entier – avec un taux de croissance prévisionnel du PIB de 8,8 %. L’Ethiopie (7,7 %), la Côte d’Ivoire (7,5 %) et Djibouti (6,7 %) figureront également dans le peloton de tête.

Certains résultats de notre sondage sont en accord avec ces prévisions prometteuses : 84 % des dirigeants interrogés ont qualifié leurs attentes concernant l’environnement local des affaires d’élevées ou très élevées, et 78 % ont déclaré qu’il était probable ou très probable que leur entreprise réaliserait un investissement significatif au cours des douze prochains mois.

De nombreuses raisons expliquent cet optimisme, notamment l’intérêt croissant pour le continent africain ces dernières années – de la part de la Chine, mais aussi de pays comme la Russie, l’Inde et la Turquie –, et les investissements qui se sont ensuivis, les efforts pour mettre en oeuvre des réformes monétaires et fiscales, ainsi que le lancement de programmes d’investissements publics pour développer les infrastructures.

Néanmoins, aussi encourageantes que puissent paraître ces perspectives, la croissance actuelle dans la plupart des marchés africains reste fragile et sujette à un certain nombre d’événements externes qui risquent d’impacter les économies à court et moyen terme. Pour le plus grand nombre de chefs d’entreprise interrogés (38 %), le facteur le plus susceptible d’influer sur leur économie serait une hausse des prix du pétrole, et pour 23 % d’entre eux, l’instabilité dans les pays voisins. En classant les résultats pays par pays, on constate sans surprise que les sondés qui ont désigné la hausse des prix du pétrole appartiennent essentiellement aux nations productrices de pétrole comme le Nigéria, l’Algérie, le Ghana et le Kenya, tandis que le reste des pays – excepté la Côte d’Ivoire – a majoritairement évoqué l’instabilité dans les pays voisins.

 

Bien que Djibouti soit un pays relativement sûr et stable, il est situé dans une région qui connaît des tensions depuis longtemps ; environ 65 % des sondés installés à Djibouti considèrent que l’instabilité potentielle dans les nations voisines pourrait avoir un impact immédiat sur son économie. En Egypte, ce pourcentage s’élève à 52 % et peut principalement s’expliquer par les retombées potentielles de la crise en Libye.

Quant au Maroc, l’instabilité dans les pays voisins est l’un des principaux problèmes auxquels il est confronté depuis les soulèvements de 2011 dans la région. Bien que le pays soit resté relativement sûr et stable pendant cette période, sa réputation n’a pas été épargnée par l’agitation dans le reste du Maghreb. Toutefois, pour assurer la sécurité sur son territoire et promouvoir cette image à l’étranger, le Maroc déploie depuis des années des efforts importants qui n’ont pas été vains, comme en témoigne sa fréquentation touristique : en 2018, le nombre de visiteurs étrangers a dépassé les 12 millions, tandis qu’en Egypte et en Tunisie, il était respectivement d’un peu moins de 9 et 8 millions.

La Côte d’Ivoire est le seul pays où la majorité des chefs d’entreprise interrogés (61 %) ont désigné la volatilité du prix des matières premières comme le facteur externe le plus susceptible d’impacter leur économie sur le court et moyen terme. Cela n’a rien de surprenant, compte tenu de la dépendance de son économie aux exportations de matières premières comme le cacao, l’or et les noix de cajou. À lui-seul, le cacao représente environ un tiers des recettes d’exportation, et toute fluctuation de prix ou de volume risque donc d’avoir de sérieuses conséquences.

Pour se prémunir contre ces risques, le pays est en train de mettre en place des changements importants pour diversifier son économie et générer davantage de valeur ajoutée, notamment en favorisant l’investissement dans le développement des infrastructures de différents secteurs tels que les transports, les télécommunications et l’énergie, et en augmentant la transformation locale de la production de cacao à 50 % d’ici 2020.

Un avenir numérique

La transformation numérique est l’une des priorités du développement économique. Bien que sa mise en oeuvre soit impressionnante dans certaines pays – comme le Kenya, avec son service de transfert d’argent mobile M-Pesa –, seuls 22 % des foyers du continent ont accès à Internet.

Alors que les prévisions annoncent qu’une personne sur quatre vivra en Afrique d’ici 2050, il est devenu de plus en plus urgent pour les pays africains de combler leurs retards dans ce domaine, du fait de l’importance économique et sociale croissante de la numérisation. D’après la Banque mondiale, la transformation numérique pourrait annuellement faire augmenter la croissance du PIB par tête de 1,5 point de pourcentage et faire baisser le taux de pauvreté de 0,7 point de pourcentage.

Il est crucial de soutenir la révolution numérique de l’Afrique avec les emplois requis pour la mettre en marche. La bonne nouvelle, c’est que la région dispose d’un large vivier de main-d’oeuvre, avec 10 à 12 millions de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail. Selon un rapport réalisé conjointement par la Banque Mondiale, la Forum économique mondial et la Banque africaine de développement, la population en âge de travailler en Afrique devrait croître de 450 millions de personnes dans les 20 ans précédant 2035.

En plus de témoigner de l’existence d’une main-d’oeuvre abondante, ces chiffres soulignent également la réelle urgence qu’il y a à créer des emplois. D’après le sondage d’OBG, le leadership est la compétence dont les pays africains ont le plus grand besoin – 36 % de réponses – , suivie par la recherche et le développement (14 %) et l’ingénierie (14 %).

 

Il est intéressant de noter que Djibouti est le seul pays sur les huit sondés qui a désigné l’ingénierie comme la compétence dont il a le plus besoin. Dans un sens cela n’a rien d’étonnant, compte tenu des volumes considérables investis ces dernières années pour développer le réseau de transport et logistique du pays.

Depuis 2016, trois nouveaux ports ont été ouverts, une ligne de chemin de fer reliant la capitale à Addis Adaba en Ethiopie a été mise en service, et la première phase des négociations de la plus grande zone de libre-échange d’Afrique a été conclue. Djibouti doit notamment ce développement à la position stratégique qu’il occupe dans la Corne de l’Afrique : le pays est limitrophe de certaines routes commerciales parmi les plus fréquentées au monde – la mer Rouge et le golfe d’Aden – ainsi que de l’une des économies à plus forte croissance d’Afrique, l’Ethiopie. En s’assurant d’avoir à sa disposition les compétences nécessaires pour accompagner ce développement, Djibouti mettra toutes les chances de son côté pour réaliser ses ambitions économiques.

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