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Les médecins balancent tout!
12/03/2019 | 19:59
6 min
Les médecins balancent tout!

 

La campagne « balance ton hôpital » est devenue virale sur les réseaux sociaux et les médias tunisiens et même étrangers. Plusieurs médecins, en majorité des jeunes, ont dénoncé sur la toile « la médiocrité et le niveau alarmant » des hôpitaux. Les détails qui en ressortent sont à peine croyables.

 

Une page a été créée hier, lundi 12 mars 2019, sur Facebook afin de dénoncer les bévues constatées dans les hôpitaux tunisiens et ce depuis de nombreuses années. En l’espace de 24 heures, la page a déjà comptabilisé plus de 18.000 membres. Les médecins ont le cœur gros et le décès des 12 nouveau-nés au centre de maternité et de néonatologie de Tunis a permis de délier des langues qui n’étaient pas vraiment liées. En effet, plusieurs de ces détails racontés ces jours-ci ont déjà été dits et redits par des médecins en colère, mais n’ont pas eu l’impact attendu. La mort des 12 nourrissons se présente comme la triste occasion de faire que les choses changent enfin. La dernière cartouche pour sauver la situation de ces établissements de santé publique devenus insalubres et constituant, parfois même, une véritable menace pour les patients qui s’y font soigner.

 

 

Parmi les dizaines de publications, parfois anonymes d’autres tout à fait assumées, qui ont commencé à affluer depuis hier, et qui ne cessent d’être partagées sur la toile, des médecins décrivent des hôpitaux infestés de rats et d’araignées où de gros chats circulent librement et se nourrissent même du placenta des patientes, déposés dans des seaux après leur accouchement. Les mêmes chats qui circulent tout aussi librement dans les services de néonatologie et côtoient de près de nouveau-nés, parfois dans un état fragile. Des internes et des résidents, en formation, qui sont obligés de changer des couches des nouveau-nés, qui passent une nuit entière à ventiler manuellement un malade (à cause des coupures d'électricité) et qui voient parfois leurs stages non validés en cas de bourde théoriquement assumées par leurs supérieurs.

 

 

L’un des médecins publie sur la page qu’une fuite d’Olanzapine a plongé le service dans le désarroi. « L’Olanzapine est un antipsychotique essentiel en psychiatrie ! On l’utilise beaucoup dans la schizophrènie, le trouble bipolaire, dans certaines dépressions, etc... C’est parfois un médicament irremplaçable. En Mars 2017 on se rend compte que le quota ANNUEL (de 2017) de l’Olanzapine était déjà épuisé !!!! Il y avait un réseau de personnes qui orientait des gens pour l’ « acheter » à des agents de l’hôpital au lieu de l’acheter dans les officines. La fuite était tellement énorme que le laboratoire a observé une chute libre de ses ventes dans les officines! Du jour au lendemain, les patients de l’hôpital étaient privés de ce médicament essentiel. De très nombreuses rechutes ont eu lieu. Une rechute d’une schizophrénie ou d’un trouble bipolaire est grave et potentiellement mortelle. C’est une grande souffrance pour le patient, la famille et les soignants et cela a un coût très important.
Le désarroi des soignants était grand, on savait qu’il fallait finir l’année avec des solutions ridicules et des associations douteuses. Les résidents des urgences ont vu un très grand nombre d’admissions passer par là.  Coupables ? On n’en sait rien. Une commission s’est formée et contenait les professeurs de l’hôpital (sic). La mesure prise en fin de compte : l’olanzapine n’était désormais délivrée que si l’ordonnance était signée par un senior ! Pharmacienne, personnel de la pharmacie et les corrompus présumés? La vie est belle!».


Plusieurs photos dénoncent des hôpitaux détériorés et sans aucun respect des normes de sécurité et d’hygiène. Des ambulances délabrées et aux portes qui ne ferment pas, des toilettes inutilisables et dans un état déplorable, un matériel de bloc opératoire rouillé, des motos garées au plein milieu du service…

Des petites histoires, des anecdotes qui renseignent sur une situation de laisser-aller plus qu’alarmante. On apprend entre autre, toujours selon les publications des médecins, que l’hôpital de Gabès ne dispose ni d’un médecin anesthésiste, ni d’un radiologue, ni d’un chirurgien neurologue ou d’un gastro-entérologue. On peut aussi lire que « dans un service d'orthopédie universitaire, le traitement des patients est prescrit mais jamais administré ».

«J’ai travaillé dans service d'orthopédie Universitaire en tant qu’interne où il y avait un groupe d'infirmiers de garde qui fait le tour du service pour injecter du sérum physiologique au lieu d'administrer des hbpm (héparine de bas poids moléculaire) ou de l'antibiotique ... Du moment où je me suis rendue compte de ce qu'ils font, j'ai essayé d'être présente pour contrôler l'administration des traitements avec eux le changement de pansement…étant donné que j'ai réclamé plusieurs fois au chef du service ce qu'ils font...Mais en vain #trafficdesmedicaments », écrit un autre médecin.

 

A l'hôpital universitaire Fattouma Bourguiba, Monastir, au service de néonatologie, des mères dorment à même le sol pour surveiller leurs enfants ou les allaiter et refusaient de laisser leurs bébés seuls dans cet état.

 


 

Une histoire similaire est racontée par un médecin à l’hôpital d’enfants de Tunis où elle dit : « A 5 h du matin une nouvelle patiente a été admise, une fillette de 9 ans. Et dans la chambre destinée pour la section "grand enfant" on ne pouvait pas lui trouver une place à côté d'un autre enfant car chacun des autres avaient leur maman qui dormait et qui refusait de quitter donc cette petite Inès (je m'en rappelle comme si c'était hier) était restée allongée sur la table d'examen, pas du tout confortable ! Ne pouvant pas la laisser seule et me sentant dépassée j'ai décidée de rester avec elle et continuer la garde allongée entre deux chaises pour lui tenir compagnie ».

Dans certains services, des coupures de courant qui durent une bonne demi-heure obligent les médecins à utiliser les torches de leurs téléphones portables afin de poursuivre une opération chirurgicale. En 2014, au CHU Farhat Hached, une coupure de courant plonge dans l’obscurité 5 salles opératoires et les médecins en service ont été obligés de terminer une césarienne en se faisant aider des flashs de leurs téléphones portables…

 

Toutes ces histoires et bien d’autres encore affluent sur les réseaux. Toutes sont aussi alarmantes les unes que les autres. Les médecins qui les racontent le font parfois de manière anonyme, par peur d’être inquiétés par leurs supérieurs, parfois en mettant leurs noms et en citant les hôpitaux en question. Ils gardent l’espoir de voir un jour la situation des hôpitaux publics s’améliorer. Plusieurs d’entre eux, nombreux mêmes, perdent patience et préfèrent quitter le pays. Ceux qui restent ne lâchent pas prise. « Pourquoi arrêter ? Jamais ! » lance l’une d’entre eux. Une affaire à suivre de très près…

 

Synda Tajine

 

 

 

12/03/2019 | 19:59
6 min
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Commentaires (19)

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Abdelkader
| 14-03-2019 14:23
Quand en France il n'y a pas si longtemps , on balançait son pot de chambre par la fenêtre , c'était culturel ?
Quand la tinette était une réalité , c'était culturel ?
Quand dans les années cinquante , une enquête publiée dans " Elle" sous le titre " La Française est-elle sale ? " avait mis en lumière l'alarmante absence d'hygiène des françaises ( je vous passe les détails ) , c'était culturel ?
Rien n'est figé monsieur !

monastir
| 14-03-2019 13:53
Ce n'est rien d'autre que l'image du tunisien post 2011, incivisme, profiteur, irrespectueux, fainéant, voleur et j'en passe. Et ce pas seulement dans les hôpitaux mais partout autour de nous !

Gg
| 13-03-2019 23:01
Bien sûr il manque quelques médicaments, du matériel, comme partout. Mais plus que tout, le problème est la saleté, et le je m'en foutisme. Comme dans les rues.
Les solutions sont la propreté, la conscience professionnelle, le gout du travail bien fait, l'honnêteté. Surtout dans les secteurs les moins onéreux que sont l'entretien, le rangement, le ménage.
Le problème est culturel, des investissements ne changeraient rien!

Limou
| 13-03-2019 19:34
Il est très facile de faire de la théorie en médecine. La pratique en Tunisie est tout autre. On te demande de travailler avec même pas le strict minimum. Les médecins ne sont pas décideurs dans le système de santé actuel. Ce sont des administrateurs qui ne connaissent pas forcément les priorités et les exigences de la médecine moderne. Un médecin qui a un minimum de conscience professionnelle ne peut exercer dans les hôpitaux Tunisiens, il ne peut que démissionner.

Tounsi
| 13-03-2019 16:06
Je n ai pas lu ni entendu l UGTT . On les entend que pour faire des grèves ou pour réclamer des augmentations .
J aurai aimé entendre l UGTT demander à tout le personnel de la santé qui sont pour la majorité corrompu de cesser de spolier les familles des malades et de travailler avec une vraie conscience professionnelle .

Microbio
| 13-03-2019 16:04
Véritables tâches des médecins (2. Partie )

Il en va de même pour la coordination des soins aux patients. Une évaluation régulière orientée vers un objectif et des discussions régulières et ouvertes avec les participants soulignent les problèmes. La solution n'est pas laissée au hasard, à l'initiative individuelle ou à la tolérance du patient.
Pour les groupes de patients, les directives sont définies au niveau des preuves et la mise en '?uvre est préparée et mise en '?uvre avec tous les participants.
La hiérarchie des médecins devrait être définie de manière fonctionnelle, en tenant compte du fait que la compétence sociale est plus importante pour le gestionnaire que pour le médecin. Il faut veiller à ce que les conditions de travail soient humaines 24 heures sur 24.
Les décisions médicales devraient être aussi libres que possible de la "circonstance" selon laquelle le patient est traité en ambulatoire ou en hospitalisation. Cette question dépend de la gravité de la maladie, du caractère invasif de la procédure, de l'état du patient et de facteurs sociaux. Les soins de longue durée sans problèmes médicaux particuliers devraient conduire à un renforcement des soins dans un réseau de santé et non à une médecine plus intensive.
Une rémunération complexe peut consister en un salaire de base et standard pour le niveau médical et le niveau médical spécialisé, complété par des majorations de succès convenues et une sorte de redevances.
Dans l'état actuel des différents domaines de la pratique médicale et de l'hôpital, il existe des problèmes d'interface:
- médicalement selon des normes différentes;
- financièrement par différents payeurs avec des "transactions à la charge de tiers" et
- problèmes de communication, transmission d'informations ou manque de compréhension mutuelle.
Les problèmes médicaux peuvent être réduits grâce à des lignes directrices élaborées conjointement et à leur évaluation, y compris des perturbations de la communication par le biais de contacts réguliers entre les hiérarchies. Les problèmes financiers doivent être résolus à un niveau différent.
De plus, il doit y avoir une communication régulière et une procédure équitable pour traiter les conflits. La motivation première du niveau de gestion doit coïncider avec celle du niveau de performance. Cela favorise la confiance mutuelle et donc la qualité et l'efficacité.

Médecin specialiste pratiquant en Allémagne

Microbio
| 13-03-2019 16:04
Véritables tâches des médecins (1. Partie )
Les devoirs du médecin sont les mêmes partout: il doit reconnaître et guérir les maladies, soulager l'inconfort et prolonger la vie. Il est seul responsable de sa conscience et soumis aux règles de l'art médical. Cette fonction est indépendante de la localisation de son activité, que ce soit à l'hôpital, dans la pratique ou dans un réseau de soins de santé.
Le médecin joue un rôle clé dans les soins de santé. La prise en charge des personnes malades est une activité complexe et responsable, qui est donc soumise à des règles spéciales et à une obligation particulière. Les associations médicales doivent veiller au nom de l'Etat à ce que les médecins fassent leur travail correctement. La responsabilité sociale de la profession médicale est grande.
Le docteur a le pouvoir. Il définit ce qui est encore en bonne santé ou déjà malade. Il définit le contenu du médicament à ses patients et organise les services nécessaires au traitement. La science médicale est à la base de ce principe. Dans le cas idéal, elle donne des résultats objectifs et des instructions qui sont confirmées dans la pratique. Avec ce pouvoir de définition et de délégation, le médecin est le facteur central de la qualité du service fourni et des coûts.
Comment se fait la "bonne médecine"? - Premièrement, grâce aux connaissances acquises par le biais d'études, du perfectionnement et de la formation, de contacts ciblés avec d'autres médecins et de lectures ou de recherches ciblées.
Deuxièmement, grâce aux compétences résultant des études, de la formation, des professeurs de médecine et de la pratique professionnelle et, troisièmement, de l'expérience - résultant de la pratique professionnelle, de la personnalité du médecin et, en particulier, de sa capacité d'écoute et d'apprentissage. Une certaine humilité est plus importante que l'arrogance.
Troisièmement, le médecin a besoin de temps pour le patient. Les fréquences d'horloge par défaut pour l'utilisation des salles d'opération ou des salles d'examen sont éthiquement discutables ou, au mieux, appropriées comme référence.
Quatrièmement, le médecin a besoin d'être informé de ses résultats et de la satisfaction de ses patients. Le médecin veut non seulement faire quelque chose de bien, mais aussi réussir. L'entreprise médicale actuelle ne favorise que l'actionisme jusqu´á la perte de la conscience. Cinquièmement: il a droit à un paiement équitable. Sans cela, il se rendra compte du manque de respect pour ses performances et ajustera ses performances à son salaire.
Sixièmement: le médecin a besoin de liberté, il doit avoir la possibilité de s'exprimer pour pouvoir adapter ou améliorer ses conditions de travail, il a besoin de sécurité et il doit avoir une perspective de carrière.
Idéalement, la médecine ressemble à ceci: Les objectifs du patient et les modes de traitement sont discutés et définis avant le traitement. Les facteurs médicaux, sociaux et économiques pertinents sont continuellement évalués et comparés aux résultats du traitement. Les données commerciales et médicales servent ainsi à obtenir des informations sur la qualité et les efforts du traitement. Grâce à ce "contrôle médical", un retour d'information est rendu possible, ce qui permet une adaptation et une optimisation systématiques du comportement médical.

Nephentes
| 13-03-2019 14:12
Cet état des lieux ne devrait étonner personne, à part les inconscients : apparemment ils sont nombreux vu l'onde de choc

Cette déchéance obscène de nos services publics date pourtant de la fin des années 80.

Il faut insister que cette incroyable régression est due aussi bien à la mauvaise gouvernance qu'à des facteurs strictement culturels : la perte du sens de l'intérêt général, de la mission publique, et paradoxalement des valeurs de citoyenneté, avant et après la révolution des tarés;

Inutile de mentionner encore une fois que le monstre générateur de ce foutoir durable fut un certain général de mes C..... à la solde du mossad.

Pour moi, ce foutoir est durable : il est lié à la généralisation des mentalités et pratiques bédouines qui polluent toutes nos institutions publiques, mentalités de houkich habilement exploitées par les castes de "médecins" et "pharmaciens" prostituées au régime benaliste, et acoquinées avec d'autres péripatéticiens du "bizness" .

Donc le phénomène est durable; il reflète fidèlement les caractéristiques "sociétales" de la Tunisie de 2020 : une population d'abrutis bédouins gouvernés par une oligarchie sans foi ni loi, sans honneur, et à la solde de mafias internationales.

Goliadkine
| 13-03-2019 13:03
Les médecins tunisiens jouissent d'une excellente réputation et à juste titre, leur formation est excellente. Grâce à la piètre qualité de nos hôpitaux, ils seraient même formés à la médecine de guerre, ce qui leur confère un avantage certain dans les pays occidentaux où ils excellent.
A contrario, la formation du personnel paramédical est moins bonne (notamment les aides soignantes..), en atteste la mauvaise qualité de service dans les hôpitaux.
Bien que le budget du ministère de la santé soit le cinquième en 2019 (derrière l'éducation, l'intérieur, la défense et l'industrie), il est insuffisant pour maintenir en état de fonctionnement viable le modèle social tunisien en matière de santé.
Il s'agit donc de définir s'il constitue une priorité telle qu'il faut le défendre comme projet de société et y mettre les moyens adéquats, ou non.
Les arbitrages budgétaires dans un pays pauvre, qui plus en situation de quasi insolvabilité, sont il faut l'avouer, un véritable casse tête pour les décideurs. Aussi la solution est peut-être alternative ; il ne suffit pas d'irriguer pour faire pousser des légumes, il faut aussi entretenir son potager et le prémunir contre les infections. La lutte contre la nonchalance et la corruption doit être la première des priorités et fera gagner beaucoup d'argent à ce département (par un gain d'efficacité et un moindre gaspillage des ressources, tant humaines que matérielles). Un système de solidarité directe entre cliniques privées et hôpitaux pourrait également être envisagé, afin de renflouer financièrement les caisses des établissements publics (par une taxe forfaitaire ou proportionnelle sur certains actes, par des dons volontaires des patients soignés dans le privés'?').
Les solutions existent, mais il ne se passera rien tant qu'il n'y a pas de vision ni d'utopie dans la gestion d'une nation. La situation ne cessera de se dégrader tant que les mauvaises personnes et les personnes mauvaises tiennent les rênes. Tant que les intérêts privés, partisans ou corporatistes primeront.
La société civile a un rôle et peut influencer l'orientation des politiques. Soyons nous aussi responsables.

rz
| 13-03-2019 12:30
La déconfiture totale da la santé publique dans nos Hôpitaux et les décideurs sont toujours AVEUGLES. Le problème de gestion des médicaments et des DM dans les Pharmacies internes des Hôpitaux et tous les Services de médecine sont la prérogative des seuls Pharmaciens. Or on dénombre plus de 2000 jeunes Pharmaciens en chômage ou qui vivotent de petits boulots et le Ministère leur ferme la porte pour la création d'officines ou bien s'entête à ne pas les engager dans les différents Services où il ya gestion de médicaments; ces Services sont abandonnés et laissés en pâturage aux voleurs sans scrupule. Savez-vous que l'engagement de ces 2000 Pharmaciens par le Ministère ne coûtera rien face aux milliards de dégâts et au laisser-aller subit par ces structures ; c'est honteux!
Il est plus que nécessaire d'auditer ce secteur vital moribond et de le réformer d'urgence.