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Tunisie – Chronique d'une Révolution unique et encore en marche
24/01/2011 |
min
Tunisie – Chronique d'une Révolution unique et encore en marche
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La Tunisie continue à vivre, au quotidien, à travers tout le pays, au rythme des marches pacifiques appelant, entre autres, à dissolution du gouvernement d’union nationale, à la dissolution du RCD et à la mise en place d’une assemblée constituante.
Mais la dernière est en train de se dérouler. Des milliers de manifestants sont partis, samedi 22 janvier 2011 de Sidi Bouzid avec l’objectif de marcher sur Tunis jusqu’à la Place de la Kasbah. Et en cours de route, cette marche rallie, à chaque étape, des compagnons en renfort. Leur arrivée dans la capitale est prévue pour mardi, probablement. Y parviendront-ils ? Si oui, ils seront combien à Tunis à la Place de la Kasbah?
Il semble que la détermination est telle que les premiers flux seraient arrivés, déjà, à Tunis par des moyens de transport motorisés divers. En attendant qu’ils soient rejoints par le reste des contingents.
Dimanche soir 23 janvier, une ambiance bon enfant régnait parmi les centaines de personnes observant le sit-in à La Kasbah. Un grand élan de solidarité de la part des citoyens a été observé avec l’apport des matelas, des couvertures, de la nourriture (du lait, du yaourt, des fromages, du pain du café, etc.). Car les protestataires comptent bien y passer la nuit et maintenir la pression sur le gouvernement d’union nationale.



Il faut dire aussi que la Révolution, qui a payé un lourd tribut de 78 martyrs et 98 blessés (chiffre officiel à vérifier), ne veut être récupérée par personne ni par aucune partie. C’est la révolution du peuple et elle tient à le rester. Et ce peuple veille à ce qu’on ne la lui vole pas. Alors, elle est encore en marche. Et au rythme où vont les événements, personne ne peut prédire jusqu’où elle ira…
Chronique d’une révolution unique dans les annales de l’histoire des peuples…



Le 15 décembre 2010, personne ne pouvait prédire ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie. Et même, lorsque le jeune Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, le 17 du même mois, devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, personne ne pariait un sous sur les conséquences historiques qui allaient en découler à une vitesse vertigineuse.
Et comme d’habitude, en de pareils cas, les autorités en place à l’époque prenaient les choses à la légère et, pire, n’en parlaient même pas.
Mais c’était compter sans la persévérance des jeunes de Sidi Bouzid et des régions environnantes, d’abord, puis dans tout le pays, qui ont crié leur ras-le-bol. Et les événements de se précipiter à une cadence inouïe.
-Le 20 décembre 2010, première évocation anonyme, s’agissant, comme à l’accoutumée d’une source officielle qui a qualifié l’affaire Bouazizi de « cas isolé»
-Le 24 décembre 2010 : premières précisions du ministère de l’Intérieur (enfin !) sur « les incidents », selon les termes du communiqué, de Menzel Bouzayane faisant 1 mort et 2 blessés suite à des tirs des forces de l’ordre dans le cadre de « légitime défense »
Preuve que les autorités à l’époque continuaient de prendre le mouvement à la légère, et alors que le président déchu brillait par son absence curieuse et totale de la scène, on a assisté à une multiplication des conseils régionaux des gouvernorats du Nord-ouest avec plein de chiffres abstraits, histoire de dire ; « taisez-vous puisque l’on s’occupe de ces régions défavorisées ».
Recourant aux stratégies habituelles, on assistait à la multiplication des déclarations de soutien à la politique du chef de l’Etat de l’époque émanant, plus particulièrement, des deux Chambres des députés et des conseillers ainsi que des organisations dites nationales à savoir notamment, l’Utica de Hedi Djilani, de l’Unft de Saloua Terzi, de l’Utap de Mabrouk Bahri et de l’Otm de Saïda Agrebi.



Le 28 décembre 2010 : le président de la République déchu daigne, enfin, se manifester en opérant un léger remaniement ministériel et un autre mouvement dans le corps des gouverneurs, en se rendant au Centre de traumatologie de Ben Arous où le martyr Bouazizi était hospitalisé dans un état de mort clinique déjà, en recevant les familles des 3 victimes et en faisant une adresse très fade au peuple tunisien.
-Le 9 janvier 2011 : Nouveaux communiqués du ministère de l’Intérieur annonçant 4 morts et 2 blessés à Regueb et 2 morts et 3 blessés à Kasserine.

-Le 10 janvier 2011 : nouvelle allocution du président déchu, encore plus fade que la première. Pourtant l’horaire inhabituel de 16 heures laissait supposer des annonces et des décisions exceptionnelles. Il n’en fut rien. Au contraire, il a été menaçant en réaffirmant qu’il appliquera la loi.
Et ce fut la goutte qui fit déborder le vase. La spirale des manifestations de protestation de la population allaient crescendo et gagnaient plusieurs autres régions du Nord au Sud. De Bizerte à Ben Guerdane, le peuple était en colère et le palier des revendications devenait de plus en plus haut.
Tout en maintenant les revendications sociales, les manifestants scandaient des slogans carrément politiques réclamant, sans la moindre ambigüité, le départ du président déchu, des comptes à rendre aux clans de la «famille » et la mise à l’écart du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).
-Le 11 janvier 2011 : conférence de presse improvisée en catastrophe du nouveau ministre de la Communication, Samir Laâbidi pour rassurer les journalistes.

-Le 12 janvier 2011 : Ahmed Friâ est le nouveau ministre de l’Intérieur comme annoncé par le Premier ministre lors d’une autre conférence de presse essayant de colmater les brèches. Mais il était clair que Mohamed Ghannouchi n’en était pas convaincu en terminant cette rencontre avec les médias par un « que Dieu nous réserve le bien ».
Le 12 janvier 2011 : Couvre feu décrété dans les 4 gouvernorats du Grand Tunis de 20h à 5h.
Entretemps, des tentatives désespérées du RCD pour contre-attaquer en organisant des marches dites populaires un peu partout à travers le pays. Mais ce n’était qu’un feu de paille. Les jeux étaient faits.
-Le 13 janvier 2011 : grande manifestation et grève à Sfax, puis dernier coup, mais toujours avec un tempo en retard, du président déchu en prononçant une allocution au cours de laquelle il a lâché du leste. Mais les Tunisiens ne le croyaient plus.

-Le14 janvier : marche imposante à Tunis devant le siège même du ministère de l’Intérieur et grève générale dans le Grand Tunis. Le coup de grâce à un pouvoir chancelant qui, en l’espace de quelques heures, s’est désagrégé comme un tigre en papier.
-Le 14 janvier 2011 : le président déchu quitte le pays dans la confusion générale. En effet, dans un premier temps, Mohamed Ghannouchi, évoque l’article 56 de la Constitution pour se proclamer président de la République à titre provisoire.
-Le 15 janvier 2011 : coup de théâtre avec l’apparition des membres du Conseil constitutionnel annonçant l’application de l’article 57 de la Constitution. Et du coup, c’est Foued Mebazzaâ, président de la Chambre des députés qui devient président provisoire de la République et charge Mohamed Ghannouchi de former un gouvernement d’union nationale provisoire.

Ensuite, les événements continuent à se précipiter à une vitesse effrénée. La formation dudit gouvernement d’union nationale s’est faite dans la douleur avec des démissions des représentants de l’UGTT et du président du Forum démocratique pour le travail et les libertés.
A mentionner le retour à la patrie de plusieurs personnalités condamnées, par le passé, à l’exil dont notamment Dr Moncef Marzouki, la démission des membres du nouveau gouvernement du RCD, dont en premier lieu Foued Mebazzaâ et Mohamed Ghannouchi.
On notera la libération totale du paysage médiatique, le règne de l’insécurité pendant pas moins de quatre jours et la propagation des rumeurs les plus folles.

On signalera la floraison de déclarations de toutes parts, les langues, muselées pendant des décennies, s’étant déliées et les populations, toutes catégories confondues, longtemps frustrées, se sont lancées dans un déchaînement compréhensible et salutaire.
On ne passera pas sous silence, le mot d’ordre consistant à adresser un « Dégage » à tout responsable qui ne plait pas à ses employés, et ce dans de nombreuses entreprises et institutions , notamment, publiques.

On n’oubliera pas la débandade de la bande à Trabelsi et Materi dont certains ont quitté le pays alors que d’autres ont été arrêtés avant de pouvoir le faire.
On n’oubliera pas l’arrestation d’Ali Seriati, ancien chef de la garde présidentielle qui tentait de fuir alors que ses sbires tentaient de semer un climat de terreur parmi la population.
On n’oubliera pas les mouvements spontanés des journalistes dans les différents organes de presse pour avoir les mains libres et faire l’information crédible qu’ils veulent.

On n’oubliera pas… on n’oubliera pas, mais on oubliera, forcément, des faits et des faits, tellement les rebondissements étaient fréquents et très rapides. Il faudra sûrement des livres et des livres pour pouvoir cerner cette Révolution tunisienne, sans pareille.
La Révolution tunisienne est encore en marche et veut s’assurer que son rêve est devenu, vraiment, une réalité irréversible. Une fois pour toutes…
24/01/2011 |
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