Par Sofiene Ben Hamida
« Le droit de dire et d’imprimer ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse » - Voltaire. La décision prise cette semaine par un juge d’instruction d’interdire la diffusion d’un reportage sur le décès des nouveau-nés au centre de maternité et de néonatalogie de Tunis préparé par l’équipe de l’émission « les quatre vérités » ainsi que l’interdiction de la rediffusion d’un autre reportage sur le même sujet préparé par la chaîne « Carthage plus » a suscité l’étonnement, la surprise et l’indignation.
En vérité, il y avait de quoi être indigné par cette mesure de censure préalable enregistrée à deux reprises seulement dans l’histoire de la Tunisie. La première était au temps de la colonisation française et avait été prise par le résident général pour museler la presse nationale engagée en faveur de l’indépendance du pays. La seconde était au début des années 90, sous le régime de dictature de Ben Ali qui avait verrouillé le système politique et muselé les langues pour mieux contrôler le pays, sans grand succès visiblement, puisqu’il a fini par quitter le pouvoir sous le « dégage » de ceux à qui il avait refusé de donner la parole.
C’est dire que franchement, le juge d’instruction qui a pris cette décision malheureuse n’a pas de quoi être fier. La raison invoquée par le juge d’instruction pour expliquer sa décision de censure est le souci de préserver le secret de l’enquête. Une raison peu convaincante qui prend plutôt l’allure d’un alibi. En effet, ceux qui ont regardé l’émission de « Carthage plus » n’ont rien trouvé qui puisse toucher de prés ou de loin au travail de la justice ou nuire à l’enquête en cours. Quant au reportage de l’émission « les quatre vérités », le juge d’instruction, ni personne d’autre d’ailleurs, n’a pu visionner ce document et le juge d’instruction ne pouvait donc pas se faire une idée sur son contenu.
Mais puisque le juge d’instruction s’est permis de juger des intentions, nous nous permettons nous aussi de juger son attitude et de supposer, comme il l’a fait lui-même, que sa décision émanerait d’une volonté d’étouffer l’affaire. Cela ne serait pas une première avec une justice qui peine depuis trop longtemps à s’affranchir du joug des directives administratives, des accointances politiques et des lobbys de toutes sortes. Sans la pression de l’opinion publique et sans « ces journalistes-fouineurs » qui se sont fait les relais de cette opinion publique, la justice ne se serait pas intéressée à des affaires graves et plusieurs enquêtes judiciaires n’auraient pas été ouvertes.
D’ailleurs on attend toujours, depuis plus de sept ans déjà, que toute la lumière soit faite sur des affaires qui ont secoué le pays comme les assassinats politiques de Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, les centaines d’affaires de corruption, les dessous de l’invasion de l’ambassade américaine, l’organisation secrète parallèle, les écoles coraniques et autres. Les journalistes et leurs structures syndicales ont manifesté leur refus de la décision du juge d’instruction et dénoncé son caractère arbitraire. La Haica, seule instance constitutionnelle de régulation du paysage audio visuel a aussi marqué sa forte désapprobation de la décision du juge d’instruction.
Malheureusement toutes ces réactions sont restées dans le cadre de la position de principe alors que face à la gravité de l’atteinte à la liberté d’expression, on aurait aimé voir, pas seulement la Haica et les syndicats des journalistes, mais tout les actants du paysage médiatique prendre des mesures pratiques et défier la décision injuste du juge d’instruction.
Bien que pacifiste, Martin Luther King disait : « L’obéissance aux lois justes n’est pas seulement un devoir juridique. C’est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est tenu de désobéir aux lois injustes ». Quant à Saint Augustin, il affirme que : « A une loi injuste, nul n’est tenu d’obéir ».
Commentaires (8)
CommenterUn peu de respect
Le retour des vieux démons ?
Le pilier de la démocratie
Les temps modernes ont ajouté un 4ième pouvoir: la liberté de la presse, devenue un véritable contre pouvoir.
En cas de conflit, pour diffamation ou fausseté des faits relatés, c'est en principe à la justice libre et indépendante de trancher.
Aux USA notamment, la presse a déjà fait tomber des présidents...
C'est seulement aujourd'hui qu'il s'est fait une religion !
Néanmoins, il a tout faux, et ce n'est pas une surprise : le juge a interdit la publication de spéculations journalistiques qui risquaient de perturber INUTILEMENT la scène judiciaire autour de cette affaire déjà assez encombrée sans cela ! Bientôt, la sollicitude du juge aidant, SBF sera à nouveau en mesure d'exposer sur la scène, publique cette fois, tout ce qu'aura pu lui inspirer cette affaire inouïe... et j'espère que ce ne sera pas pour répéter ce que bien d'autres intervenants, plus rapides, en auront dit sans l'attendre...
@ M. Sofiène Ben H'mida, salutations et respect!
L'islam politique des islamistes freres musulmans ne veut pas seulement restreindre la liberté d'informer
Mais qui voté une loi injuste?
Mais pourquoi un état dit civil
D'ailleurs il faut demander l'expertise de BCE!
Attention !
Regardez l'affaire des assassinats politiques: ça fait 6 ans que nos valeureux et dévoués juges sont à la recherche des assassins, sans signe de fatigue, aucun !
Cela peut leur prendre un siècle pour trouver les assassins et leurs commanditaires, mais ils n'iront jamais se plaindre et à personne !!!