Accord de Carthage II : Un long weekend en perspective !
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Partira…partira pas ? Voilà la fameuse question posée, depuis quelques jours, par une grande partie des observateurs de la scène nationale, à propos du chef du gouvernement Youssef Chahed. La réponse devait être livrée ce matin, et le chef de l’Etat en a donné une ébauche, sauf que rien n’a été concrétisé et la réunion fût reportée pour la nième fois. Retour sur un imbroglio qui s’éternise.
L’éviction de Youssef Chahed est le point crucial de l’Accord de Carthage dans sa deuxième version. D’ailleurs la commission technique des experts représentants les signataires dudit « Accord » est parvenue à trouver un consensus autour de 63 points sur un total de 64. Le seul point de discorde étant le départ, ou pas du chef du gouvernement.
La réponse du chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi était claire sur ce point : « Personnellement, je préconise qu’on n’aborde pas la question du changement du chef du gouvernement. Cependant, je ne peux empêcher personne de le réclamer, mais pour cela il faudra passer par l’Assemblée des représentants du peuple. C’est ce que disent la loi et la Constitution dont je suis le garant », annonce, ce matin même, vers la fin de son discours prononcé lors de la réunion des signataires de l’Accord de Carthage II.
Dans ce même contexte, Béji Caïd Essebsi a saisi l’occasion pour adresser un message à certains de ses détracteurs, notamment aux députés qui ont signé une pétition concernant ses prérogatives: « C’est une occasion pour clarifier les choses, dans ce contexte où les rumeurs vont bon train, pour que le peuple tunisien comprenne ce qui se passe. Je rappelle que j’ai été élu selon les dispositions de la Constitution, et c’est de mon devoir de la faire respecter. De ce fait, je n’ai de leçon à recevoir de qui que ce soit »
Ainsi, et à travers cette annonce, le président de la République a réussi à couper court aux multiples rumeurs, ainsi qu’aux différents appels pour éjecter Youssef Chahed, et plus précisément la demande explicite formulée par « le directeur exécutif de Nidaa Tounes », Caïd Essebsi Junior, pour mettre à l’écart le chef du gouvernement. Une proposition qui fût fortement critiquée par les observateurs de la scène nationale. Des critiques ayant déplu à HCE qui s’en est plaint auprès de son père lors de la réunion, accusant plusieurs médias d’être à la solde de la Kasbah et menant une campagne orchestrée à l’encontre de « sa personne ».
Toujours est-il, et bien que cette réunion ait été prévue comme étant la dernière de la série entamée depuis le mois de janvier et malgré l’annonce claire et précise du chef de l’Etat, aucune partie n’a signé l’Accord. La réunion reste ouverte et se poursuivra le lundi 28 mai, selon la porte-parole de la présidence de la République, Saïda Garrache.
D’ailleurs, elle a indiqué que les représentants des partis et des organisations ont jusqu’à lundi pour finaliser les consultations et fixer une position définitive quant au point de désaccord. Certains signataires préconisent en effet, un remaniement partiel, d’autres plus approfondi avec changement du chef du gouvernement.
Le blocage est toujours maintenu, sachant que Hafedh Caïd Essebsi, l’UNFT, l’UGTT et l’UPL sont favorables au départ de Youssef Chahed, alors qu’ Ennahdha, l’Utica, l’Utap, Al Massar et Al Moubadra s’y opposent et préconisent plutôt un remaniement partiel.
La réaction du chef d’Ennahdha n’a pas tardé à tomber, Rached Ghannouchi a expliqué que lors de cette réunion, le programme gouvernemental, présenté par les commissions d’experts qui se sont réunies pendant plusieurs semaines, a été approuvé par les présidents de l’Accord de Carthage. « Le programme économique, social et politique se résume en 63 points, sauf que le point 64 a été un sujet de litige. Il se rapporte sur l’équipe qui va appliquer ce programme : Ce point a été matière à débat et il a été décidé de le rapporter à la réunion de lundi 28 mai 2018. Le mouvement Ennahdha campe sur sa position : adopter le programme qui pourra être réalisé par le gouvernement Chahed après avoir effectué quelques changements ».
L’autre son de cloche vient du patron de la centrale syndicale qui a estimé que le point de discorde n’est pas isolé mais lié à d’autres points importants dans l’Accord. Ces points sont complémentaires entres eux. « Nous devons prendre conscience des erreurs qui ont été commises par le passé pour pouvoir faire avancer le pays. Notre position est claire. Lorsque nous construisons une position, nous le faisons sur la base de données précises. Pour tous, ce gouvernement a échoué mais pas son président. Est-ce que ceci est logique ? Aucun des précédents gouvernements n’a eu le temps dont a disposé celui de Youssef Chahed !».
En écoutant le début de l’allocution de Béji Caïd Essebsi, les observateurs avaient cru comprendre que la fin de la récréation était sifflée. Cependant, et malgré l’annonce faite par la porte-parole officielle de la présidence de la République qui a dit que la réunion de ce vendredi était bien la dernière, elle reste ouverte pour une nouvelle séance, lundi 28 courant.
Autrement dit, on va jouer les prolongations avec l’espoir pour les opposants à Youssef Chahed d’avoir une chance supplémentaire de le déloger de La Kasbah. Alors, entre ceux qui tiennent bon à ne pas changer de chef de gouvernement, en l’occurrence BCE et Ennahdha, et ceux qui veulent, coûte que coûte, à s’en débarrasser, le bras de fer s’annonce sans merci avec un suspense à la Hitchcock. En un mot, les différents protagonistes ou du moins certains d’entre eux, vivraient le plus long week-end de leur vie.
Sarra HLAOUI