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Chroniques
A la fesse du client
28/09/2015 | 15:59
6 min

Quatre jours de vacances pour l’aïd, sans travail, sans production et sans productivité. Pour remplir ces journées, outre le buzz créé de toutes pièces par Mohamed Ali Nahdi qui a réussi à bien faire parler de lui et sortir des oubliettes, il y avait les morts du pèlerinage de la Mecque avec les cadavres entassés comme du bétail par les Al Saoud, et l’affaire du jeune tunisien condamné à un an de prison pour homosexualité.
Les deux sujets ont été bien décortiqués par Synda Tajine et Sofiène Ben Hamida qui ont dit ce qu’il y avait à dire dans leurs chroniques hebdomadaires. Faut-il s’y attarder davantage ?
Au vu des nouvelles donnes survenues, communiquées ce matin même du lundi 28 septembre 2015, il faudrait bien.

 

Dans un premier temps, l’avocat de l’homosexuel a communiqué une partie de l’affaire en déclarant que son client a été victime de l’article 230 condamnant à un an de prison l’acte sexuel entre personnes du même sexe. Partant, toute une polémique a été déclenchée (et à raison) contre le ministère de l’Intérieur, les magistrats (procureur, juge d’instruction et juge) et le médecin légiste.
La version donnée ce matin par le ministère disculpe les forces de l’ordre et le médecin légiste. Ils étaient sur une affaire de meurtre et c’est tout à fait normal qu’ils procèdent ainsi, puisque l’enquête l’exigeait. L’homosexuel tenait, lui-même, à être ausculté afin d’être disculpé de l’accusation de meurtre. Les agents de la brigade spécialisée ont agi à charge et à décharge et il fallait vérifier les propos du suspect, en dépit de ses orientations sexuelles. C’est d’ailleurs cet examen anal qui a permis aux enquêteurs d’aller plus loin et d’arrêter ensuite le véritable meurtrier.
N’empêche, cette affaire a permis de jeter sur la place publique le débat sur l’homosexualité et le fameux article 230 qui la condamne. Bien qu’il ait été disculpé du meurtre, le bonhomme s’est retrouvé quand même condamné. Non pas pour prostitution, mais pour pratiques homosexuelles et la base de sa condamnation était une expertise médico-légale ordonnée dans une autre affaire totalement différente.

 

L’idée même de savoir qu’il y a, aujourd’hui, dans nos prisons un compatriote détenu pour ses orientations sexuelles a de quoi justifier tout acte de protestation, en dépit des nouvelles donnes survenues ce lundi matin, plusieurs jours après les faits. Non seulement, nous ne vivons plus au Moyen-âge, mais nous vivons en plus une soi-disant révolution qui, en théorie, défend la dignité laquelle a été inscrite dans la Constitution et a été ajoutée à la devise de la République pour devenir : « Liberté, Dignité, Justice, Ordre ».
Pourquoi donc appliquer et défendre l’article 230 du code pénal quand on sait qu’il est devenu anticonstitutionnel et anachronique ? On devine rapidement la réponse, certains de nos compatriotes vivent encore, dans leur tête, au Moyen-âge. Ce n’est pas leur homophobie qui dérange, ils sont libres de détester qui ils veulent, mais c’est leur irrespect de la liberté des autres qui horripile et qui est carrément anticonstitutionnel.

 

Dans un pays normal qui se respecte, pareil comportement de la justice aurait dû provoquer la réaction immédiate du monde politique. L’opposition aurait profité de l’occasion pour crier au scandale et dénoncer le régime autoritaire et dictatorial qui s’immisce dans l’intimité des citoyens et réduit leurs libertés. Le pouvoir en place aurait réagi immédiatement pour se dédouaner de tels actes, dénoncer et sanctionner les responsables. Ne serait-ce que pour sauver les apparences.
En Tunisie, rien de tout cela n’a été observé et la raison est connue : l’homosexualité, et la sexualité tout court, sont des sujets des plus tabous en Tunisie. Pouvoir et opposition craignent de heurter la sensibilité des citoyens en évoquant publiquement ces sujets. Ils craignent surtout d’être « accusés » de défendre les homosexuels (au risque d’être assimilés à eux, une infamie !) et de perdre quelques sympathies.
Le silence du monde politique face à ce scandale judiciaire et médical a été cassé par quatre exceptions, les jeunes du Massar, le parti Al Qotb et les personnes de Bochra Belhadj Hamida et Moncef Marzouki.
Si Al Qotb et la députée Belhadj Hamida n’étonnent personne par leur réaction chevaleresque, le silence du Massar sonne étrange. Où sont donc Samir Taïeb, Fadhel Moussa et Jounaïdi Abdeljaoued qui, en d’autres temps, auraient fait tous les plateaux télévisés pour dénoncer ce scandale ? Pourquoi sont-ils soudain devenus moins courageux que leurs jeunes ? Pour un simple projet de loi, ils ont arpenté les trottoirs, mais pour un fait immonde, à cause duquel un Tunisien se trouve derrière les barreaux, ils deviennent silencieux.
Nos hommes politiques ne possèdent finalement pas le courage qu’ils prétendent avoir, car il en faut vraiment pour affronter la « populace rétrograde, conservatrice et homophobe ».

 

Le zeste de cette « populace » s’observe dans le public de Moncef Marzouki. L’ancien président tunisien a été lynché sur sa page Facebook après sa réaction dénonçant la condamnation de l’homosexuel. C’est la deuxième fois, en 48 heures, qu’il se fait « lyncher » par son public. La première fois, c’était suite à un appel aux autorités saoudiennes de pardonner Ali Nemr, un jeune condamné à mort pour avoir critiqué le régime monarchique, alors qu’il était mineur au moment des faits.
Moncef Marzouki s’est donc fait lyncher deux fois par son public. Il y en a même un, parmi les lyncheurs, qui avait Moncef Marzouki comme photo de profil. On lui reproche de défendre les homos et de s’inscrire contre la loi divine.
Avec ses deux réactions, on retrouve le Marzouki d’antan, celui qui défend les libertés et les droits de l’Homme. Celui qui a le courage de dire les choses en face, quand les autres politiques jouent aux autruches. De nouveau, il retrouve ses « couilles » pour être là aux côtés des causes justes.
Que l’on ne s’y trompe pas, Moncef Marzouki est celui-là même qui justifiait la détention de Jabeur Mejri, emprisonné pour blasphème, en disant qu’il est en prison pour sa sécurité. Mais à l’époque, il était au pouvoir et c’est là où le bât blesse.

 

Nos hommes politiques ne défendent pas les droits de l’Homme et les libertés pour la cause qu’ils représentent, mais pour le dividende rapporté. S’il n’y a rien à tirer, on murmure quelque chose pour sauver les apparences. Mais s’il y a une perte à enregistrer, on se tait. C’est pour cela qu’on observe actuellement un silence total des hommes politiques dans cette affaire, y compris chez les chantres des libertés. La liste est longue, elle commence par Al Massar et finit par le CPR en passant par le Front populaire, Al Joumhouri et Attayar. Pour ne pas être accusés de s’inscrire contre la volonté de Dieu ou contre le courant ambiant imposé par la société rétrograde, on s’inscrit aux abonnés absents.
Quand on prétend défendre les libertés, on ne choisit pas la cause, on les défend, point. Même si cela risque de vous couter politiquement des points sur le court terme.

 

28/09/2015 | 15:59
6 min
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Commentaires (35)

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Drissia
| 01-10-2015 18:26
Cette affaire me met très mal à l'aise.
D'abord par son traitement médiatique très ambigüe. Rien n'était clair.
Le second point c'est la montée au charbon des associations gauchistes à la manière US...très agressives.
C'est dérangeant car pas naturel; il y a à l'évidence de la manipulation derrière tout cela.
Enfin concernant l'homosexualité; nous sommes dans une société musulmane pleine d'hypocrisie et de refoulement; avec toutes les contradictions que cela suppose. Dommage que BN soit tombé dans le piège basique du journalisme.
Vérifiez vos sources! Citez-les! Mettez la pression sur l'avocate et le MI!!Envoyez un journaliste enquêtez auprès des proches de ce garçon....

Ben
| 01-10-2015 14:57
Du temps des présidents Bourguiba et Ben Ali, ou plutôt de l'ancien régime, la règle était d'éviter toute source de mésentente ou d'ébullition, au sein de la société, de pratiquer, autant soit peu, une gestion calme du pays, de préserver la paix sociale et d'exercer, de ce fait, l'art du possible, soit, en d'autres termes, la politique définie, de même, comme étant « l'art d'apprivoiser la violence des autres ».
Une politique basée sur le souci d'éviter tous les sujets qui fâchent, qui préserve l'économie du pays et ne mette pays la Tunisie en marge du concert des nations modernes et civilisées, soit des règles d'or qui consisterait, dans ce cas d'espèce, en une action à deux temps :
*Ne jamais remettre, ouvertement, en cause des préceptes bien établis et de heurter, ainsi, tant l'opinion publique nationale, moraliste et conservatrice, que l'opinion publique internationale, plutôt attachée aux principes de liberté individuelles et d'intégrité physique et morale,
*Éviter, dans la pratique, autant soit peu, de mettre en 'uvre l'arsenal juridique de lutte contre ce genre de déviance, et d'éviter, ainsi, de se mêler de la vie intime des gens , de faire éclater des familles, et de déclencher le débat sur un sujet sur lequel les opinions ne peuvent que se partager.
Un sujet avec son lot de conséquences économiques fâcheuses, pour l'économie du pays, dont le secteur touristique qui encaisserait un sacré coup si des touristes venaient à apprendre qu'ils risqueraient d'être poursuivis du fait de relations sexuelles hors mariage ou contre nature.
Une telle politique, si elle était copiée sur la sagesse de l'ancien régime, ceux de Bourguiba et de Ben Ali, serait à même de nous épargner ce genre d'appel, indécent, à l'abrogation de l'article 230 du code pénal, portant sur l'incrimination des relations contre nature, et d'éviter de se mêler de l'intimité des gens et d'épargner au secteur touristique, s'il existe encore, un politique de communication désastreuse.
À ceux, parmi les cadres sécuritaires, qui veulent, par de telles pratiques, dont les saisies de boissons alcoolisées, plaire aux islamistes, cherchez, plutôt, à combattre le terrorisme et de traquer les terroristes jusqu'à dans leurs trous à rats, c'est bien mieux que de chercher après des trous qui ne concernent que leurs auteurs, sans aucun apport pour le pays.
Il serait, ainsi, démesuré de comparer la sagesse de Bourguiba, le tact et le réalisme de Ben Ali dans la conduite des affaires du pays à l'amateurisme des acteurs politiques post-révolution.

Kairouan
| 01-10-2015 12:11

@DHEJ

Il y a des resonnances entre les questions que vous soulevez ici et une discussion anterieure, sur BN, a l'occasion de l'article: 'Samira Merai : La loi obligeant les jeunes filles à épouser leurs violeurs sera révisée'.

Cependant, les (degres de) differences entre les cas, les contextes, et les enjeux sociaux devraient nous pousser a mieux definir la population (surface/volume dans nos analogies) sur laquelle une loi doit s'appliquer ou la procedure specifique qu'il faut metre en place. Comme on en a parle avant, il faut proceder par raisonnement inductif. Dans une democratie qui devrait bannir certaines transgressions physiques ou morales sur les individus, et dans les cas il n'y pas danger public, il n'est pas difficile de susprendre l'application mecanique/sytematique de procedures abusives ou meme de certaine lois, tant que ceci n'entrave pas l'enquete ou la marche de la justice.. Il y a les lois d'un cote, oui, mais il y a aussi le cerveau humain pour en comprendre l'esprit et l'objectif, les mediter, les combiner, 'jongler' avec, avant de considerer les appliquer mecaniquement.

Vous defendez une approche globale, et c'est tres bien, mais ceci releve justement du GRAND projet de reforme juridique (metre des lois 'Tuniso-tunisiennes') auquel vous appelez, une reforme des textes de lois qui doivent veiller a leur propre "Portance". Or cette portance, insistez-vous a travers vos commentaires, est soit absente soit impossible (ou difficle) a obtenir dans le contexte Tunisien:

- Elle est toujours (culturellement) affectee ou mise a defaut par les attitudes et les habitudes sociales ou religieuses;
- Elle est "techniquement" affaiblie/reduite par des lois contradictoires au sein meme de notre code penal;
- Ou encore plus serieusement, Elle est non garantie (ou non garantissable) par la non-normativite due aux contradictions qui minent les articles de la nouvelle constitution (contradictions conceptuelles ou linguistiques)

C'est justement cet etat de faits (interactions negatives a plusieurs niveaux d'application/ecoulement) que nous appelons, vous et moi, la Viscosite legidynamique.
Pour rafraichir votre memoire (d'elephant, faut-il le reconnaitre) sur quelques point precedents revisitez aussi cet echange sur BN a l'occasion de l'article: 'Habib Essid aux gouverneurs : Je ne le répèterai plus !'

A+

wlidha
| 30-09-2015 10:44
Quant vous revenez sur une affaire et vous mentionnez d une part que ben hmida l avait aborde et qu elle a ete bien decortique puis vous mentionnez certains details que le precedent n ene a jamais parle comme l affaire du meurtre comme motif d arrestation motif d examen medical pour disculpation du meurtre demande par le suspect comme l argent touche pour l acte sexuel comme l application de la loi comme replique la juge farouchement attaquee pour un an de prison , remettez vous jamais en question si vous faites des analyses sur des faits manquants regulierement pour prendre position alors que les donnes manquent ou non mentionnees expres comment voulez vous vous montrer fiables aux yeux des intenautes en critiquant a droite et a gauche la societe l etat ou certaines personnes sans vous juger vous meme , jamais de mea culpa , est ce une solidarite dans le mensonge la haine le manque de professionalisme la diffamation juste par paratge de meme ideologie vous rendra meilleurs ????

Un massarien
| 30-09-2015 10:19
Comment peut-on amalgamer Al Massar, qui s'est "muillé" sans hésitation pour défendre le liberté et la(vraie) justice, avec tous ceux qui se sont tus pour des considérations moralisantes ou électoralistes?Pour la position d"Al Massar par un de ses dirigeants à Nessnessma :https://youtu.be/0NfjxoZjMKo

RF
| 30-09-2015 08:26
si Nizar,

En parlant du Massar j'ai comme l'impression que vous n'avez pas suivit mr Faouzi Charfi Secrétaire national représentant la direction du parti Al Massar sur nessma lundi il était très claire et à partage ce qui est écrit Ds le cp en tant que membre de la direction et non en tant que jeune !!! Et pendez vous que ces jeunes sont comme on dit "ma9tou3in mi chojra" ? Donc mr si Ya des partis à blâmer c'est pas al Massar premier parti à travers ses jeunes dont plus de 30% de son conseil centrale bp et SN sont des jeunes a dénoncé

l'idiot du bled
| 30-09-2015 07:34
Que pense L'ONAS de cette affaire?Cet office a t il un droit de REGARD sur cette histoire de merde?

verseau
| 29-09-2015 23:42
Vous attaquez essentiellement ceux qui ont ete les premier a réagir , les jeunes du massar ont reagi le 24, les autres ont attendu et jaugé la reaction de lopinion avant de faire semblant de s en offusquer,,,le quotb, 2 jours , et votre champion Marzougui a pres 3 jours soit le 27 alors un peu de reconnassance et d objectivité.surtout que seul le massar a envoyé un membre se son Sec National a la tele en parler...

tounsia2
| 29-09-2015 21:59
Bonsoir DHEJ,
Merci pour votre réponse et pour votre patience ; je ne me permettrai pas de vous contredire sur les questions juridiques, il n'en reste pas moins que certaines lois ne sont plus adaptées à notre société, et qu'il est important de le dire et d'exprimer nos critiques vis-à-vis de ces lois sclérosées qui sont en déphasage avec la nouvelle constitution et qui ne répondent plus à leurs objectifs.
Cordialement

DHEJ
| 29-09-2015 20:15
Une réponse qui contient des idées générales et qui ne viennent pas en aide du détenu!


Pour te répondre, je te prie de lire le présent article sur la responsabilité pénale du témoin:


Article 64 (du code de procédure pénale)

Le témoin, avant d'être entendu, doit prêter serment de dire la vérité toute la vérité rien que la vérité.

Il est, en outre, averti, qu'en cas de faux témoignage, il s'expose à être poursuivi conformément aux dispositions du code pénal.


Un code pénal qui contient malheureusement le fameux article 230 que les droits de l'hommistes veulent abolir comme celui N° 245!


Et c'est à partir de ce moment que le "mec " est devenu soupçonné!!!

A+