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Un collectif d’économistes tunisiens fustige le bilan calamiteux de la Troïka
24/10/2014 | 09:35
5 min
Un collectif d’économistes tunisiens fustige le bilan calamiteux de la Troïka

A quelques jours des premières législatives de la 2e République, nous, « collectif d’économistes tunisiens atterrés », voulons revenir sur le bilan désastreux de la conduite des affaires du pays par la Troïka. Un simple devoir de mémoire, dans un contexte de campagne électorale qui semble avoir oublié de procéder à « un état des lieux », à l’entame de la nouvelle période qui s’ouvre. Une simple opération vérité qui vise à rappeler en termes simples la dégradation sans pareille des grands équilibres socioéconomiques du pays et consécutivement qui laisse en legs, en héritage, une situation particulièrement menaçante et périlleuse. Un propos de rappel quand les coalisés font silence sur leur passage au pouvoir.

Il n’aura échappé à personne que les 3 partis qui ont gouverné pendant près de 3 ans ne défendent pas ou peu leur bilan. Au mieux font-ils état de causes indépendantes de leur volonté (contexte d’instabilité intérieure), au pire justifient-ils, avec arrogance, des choix pour le moins erronés, pour ne pas dire ravageurs. Du coup, ils se présentent aux élections, avec force, -programme et propositions-, comme si de rien n’était. Mais une fatuité, une arrogance qui n’est jamais qu’une imposture, une fourberie hypocrite. Allons à l’essentiel ! Le principal objectif que le corps social attendait de ce gouvernement était d’enrayer les dérives récessives et d’entamer la relance économique. Or, force est de constater que c’est l’inverse qui s’est produit.

S’agissant de la croissance, le pays a continué à se trainer à moins de 3% de croissance, un niveau bien insuffisant pour entamer un tant soit peu le sous emploi et le chômage qui continuent à culminer à des niveaux dévastateurs que nos statistiques ne traduisent que très imparfaitement. Nombre de nos compatriotes en désespérance n’ont eu de choix que de rejoindre l’économie informelle ou de contrebande (celle-ci a littéralement explosé 30 % du PIB) ou de tenter l’aventure mortifère de l’émigration clandestine (une moyenne de 20.000 personnes par an). En outre, la Troïka a fait le choix dommageable d’une croissance tirée par la consommation publique (embauches tous azimuts quand elles ne sont pas partisanes et acceptation d’augmentations salariales de complaisance lâche et incontrôlée).

Ce faisant, ce gouvernement a provoqué une reprise de l’inflation à des niveaux inconnus jusque là par le pays. Un doublement selon l’indice officiel des prix, mais qui masque la forte dégradation du pouvoir d’achat, notamment des couches sociales les plus vulnérables. Dans le sillage de cette « consommation inflationniste », la monnaie nationale (le taux de change) s’est effondrée (perte de 30% de la valeur par rapport aux principales devises) aggravant les termes de l’échange extérieur. Un déficit extérieur qui n’a fait que s’approfondir mois après mois sans que jamais et à aucun moment ce gouvernement de la Troïka ne trouve les moyens de la freiner ou de l’endiguer. De l’ordre de 5% en 2010 à près de 10% en 2013. Une performance ineffable, inouïe !
Mais il y a encore mieux en la circonstance et en matière d’aveuglement politique et d’errance gestionnaire. Ce gouvernement a délibérément choisi l’option de « la fuite en avant » dans la spirale de l’endettement, en lieu et place d’une courageuse réforme fiscale. A un point tel qu’un nouvel adage, nouvel aphorisme s’est imposé dans l’opinion pour qualifier l’action du gouvernement : « On emprunte pour consommer ! »


Laxisme, asthénie, faiblesse, déficience ont laissé s’aggraver le déficit du budget de l’Etat comme celui des entreprises du secteur public. Des pertes considérables difficilement résorbables à court terme. Parallèlement, un étiolement de tout le secteur bancaire et financier faute aussi d’avoir pris le taureau par les cornes. Un financement donc de l’économie menacé sans que jamais ce gouvernement ne tente quoique ce soit. Pas l’ombre d’une initiative qui redonne des marges de manœuvre. Ce gouvernement découvre avec horreur mais sans l’avouer, au tournant de la crise politique de l’été 2013, l’étendue des dégâts et l’impasse dans laquelle il s’est engagé. Il constate avec effroi et désarroi que les bailleurs de fonds trainent désormais des pieds et ne sont plus disposés à accompagner cette transition. L’une des raisons majeures occultée à l’opinion qui le décidera à quitter le pouvoir ! Un échec cuisant mais qui ne s’arrête pas là ! Loin s’en faut !

Quelques chiffres méritent tout de même d’être évoqués.
Un budget d’Etat censé créer la paix sociale, sans jamais la trouver, mais qui nonobstant explose : + 59%, dont 81% en dépenses de fonctionnement (Salaires, embauches), et d’à peine 24% de l’enveloppe d’investissement. Le tout assuré par un surcroit d’endettement qui atteint des sommets inégalés : + 174% (3 milliards en 2010, 8,3 Milliards en 2013), sans pour autant jamais contrôler le gonflement du déficit : -1% en 2010, à 6,9% en 2013). Un constat plus amer à ce niveau: la dette par habitant est passée de 2450 Dt à 3450 Dt aujourd’hui !
A noter qu’en 2011, il y avait 5,8 Milliards de surplus de trésorerie (dont la somme générée par la privatisation partielle de Tunisie Telecom), cette manne a été dilapidée dans l’inflation des dépenses publiques alors qu’elle aurait pu servir à l’investissement et au développement régional !
Que dire de l’investissement privé ! Passablement échaudé, l’initiative privée, s’effondre et se met littéralement en sommeil : + 18% du PIB en 2010 à 13% en 2013
Des caisses sociales en désespérance (plus de 500 millions de déficits cumulés en 2014), une caisse générale de compensation à la dérive (6 milliards de budget pour 2014), sans que jamais le gouvernement de la Troïka n’esquisse la moindre réponse.

Un constat accablant que nous voulions rappeler à nos concitoyens à la veille d’un scrutin décisif et engageant sur la durée d’une législature. Une conduite des affaires truffée de faiblesses coupables, d’erreurs à éviter. La Troïka laisse un pays en grande difficulté. Hamadi Jebali ex-chef du premier gouvernement Troïka I, a lui-même reconnu son échec cuisant lors de la démission de son gouvernement en 2013.
Avec un cumul de déficits à tous les niveaux et une croissance structurellement molle, autant dire donc, une perspective difficile et ce en dépit des efforts louables mais timides d’un gouvernement de technocrates, -à la légitimité réduite-.

Notre collectif cherche à travers ce constat et ces rappels, à alerter sur les dangers de reconduire une coalition et l’une de ses composantes qui n’a manifestement ni fait preuve de bonne volonté ni laissé le pays dans l’état où il était à la veille de leur prise de pouvoir.

Alors comme dit le proverbe ; « chat échaudé craint l’eau froide »…ou de suivre plus généralement le conseil d’Einstein « la folie c’est de faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». On s’en sera aperçu à la simple lecture des programmes des partis dont il est question, une reconduite, presque à l’identique, des mêmes travers, des mêmes défauts, loin de sortir le pays de son marasme, mais bien le contraire, un risque majeur de l’y enfoncer.

Signataires :

Dr Hédi Sraieb, Dr Moez Joudi, Dr Farouk Ben Salah,
Karim Ben Slimane, Sami Dachraoui, Mourad Hattab.


24/10/2014 | 09:35
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