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Tunisie - Élus – électeurs : la confiance brisée
24/05/2012 | 1
min
Tunisie - Élus – électeurs : la confiance brisée
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Il est lointain le jour où les Tunisiens patientaient dans les très longues files d’attente pour insérer dans l’urne leur bulletin de vote. C’était il y a sept mois à peine, pourtant. Mais il n’en fallait pas plus pour que les électeurs, toutes tendances confondues, perdent confiance en leurs élus.
Leurs différends permanents, les petits calculs et les mesquineries de beaucoup d’élus ont entaché l’image générale de l’Assemblée nationale constituante.
L’affaire de l’augmentation des salaires y a ajouté une couche et la façon avec laquelle les élus ont traité cette affaire y a rajouté une autre. La confiance est brisée et il faudra beaucoup de temps pour que les choses reprennent leur cours normal.


La révélation de Business News relative à l’augmentation des salaires des députés, publiée mardi 22 mai, a provoqué toute une polémique dans le monde politique tunisien.
Première réaction de plusieurs élus : la négation. S’en est suivie une série de leçons à la presse tunisienne qui devrait vérifier ses informations avant de les publier. Plus tard dans la soirée, le jour de la publication, on a commencé par acquiescer à demi-mots.
Le lendemain, on essayait de relativiser en parlant d’augmentation de 600 dinars, puis de 900 dinars, puis de primes. Bref, après toutes les surenchères, on en est arrivée à la déclaration d’une élue d’Ennahdha qui a dit que le salaire n’est « que » de 4200 dinars et non de 4800 dinars, comme indiqué précédemment. La même, suivie comme par des soldats, par plusieurs de ses collègues élus (de différents partis, y compris ceux dits modernistes) est partie dans de longues diatribes pour essayer de justifier l’augmentation.

Selon ces élus du PDP et d’Ennahdha, et autres, la Tunisie fait des économies en octroyant ces primes ! L’explication est que les élus étaient pris en charge à l’hôtel et que, désormais, ils vont se prendre en charge tous seuls grâce à la prime logement de 900 dinars.
Une élue évoque la précarité de certains d’entre eux, au point que l’un des députés ait dû resquiller dans le métro, n’ayant pas les quelques centaines de millimes pour s’acquitter de son ticket !
Une autre évoque les différents frais téléphoniques, de photocopie et de déplacement que doivent supporter les élus.
Dans un entretien téléphonique avec Business News, un élu (dont on taira l’appartenance) nous dit qu’il est nécessaire que l’élu soit bien rémunéré afin qu’il soit à l’abri de la … corruption !
L’autre élément qui a déclenché la polémique est la confidentialité de la prise de décision de ces primes. La quasi unanimité des députés qui ont fait des interventions radiophoniques ont fait valoir la légalité de la chose, feignant d’oublier que ce n’était pas là le problème.
Comme si tout cela n’était pas suffisant, les élus d’Ennahdha et ceux du PCOT se sont amusés à s’accuser sur le parti qui était derrière l’idée d’octroi des primes et de l’augmentation, avec des menaces de procès en sus.
La dernière tromperie nous viendra de cette députée d’Ennahdha, aujourd’hui sur Mosaïque FM, qui dément une autre information de Business News relative au blocage momentané des salaires par le ministère des Finances. La décision a été prise hier et on a bien signalé qu’elle était sujette à révision, mais la députée a omis de préciser cela. Et après vérification, il s’avère que c’est une contre-vérité puisque jusqu’à jeudi à 17 heures, les salaires des élus demeurent encore bloqués.
On signalera qu’aucun député n’a évoqué le salaire de Mustapha Ben Jaâfar et des vice-présidents qui seraient nettement plus importants. Nous avons une idée sur le chiffre et nous ne manquerons pas de le révéler dès sa confirmation.
Et on signalera enfin qu’aucun député n’a évoqué, publiquement, les salaires que cumulent certains députés qui ont des postes de ministres ou de conseiller auprès du président de la République et qui recevraient une double rémunération. Un petit calcul et on ne serait pas loin d’un salaire à cinq chiffres pour ces cas là.

Les dénégations répétées, la recherche du bouc émissaire (la presse qui ment, c’est l’autre qui a décidé, nous ne sommes pas au courant), les informations cachées et les excuses fallacieuses présentées donnent en tout cas un triste spectacle qui n’honore point nos députés et pas uniquement ceux de la troïka. Loin de là.
Quand un Iyed Dahmani ou Mahmoud Baroudi, par exemple, essaient de justifier l’augmentation en disant que la Tunisie fait des économies, ils donnent tout simplement l’image de personnes qui se moquent de leurs interlocuteurs.
La raison est toute simple, car les députés n’avaient pas à la base à être pris en charge à l’hôtel. Ils ont un salaire de 2300 dinars qui leur suffit amplement à payer leur séjour à Tunis, en plus de leurs frais dans leur région d’origine. C’était ainsi de tout temps et depuis des décennies.
De plus, cette question de prise en charge ne touche pas les 217 députés, mais uniquement ceux qui ne sont pas originaires de la capitale. Selon nos informations, il y aurait quelque 90 députés qui résident dans le Grand Tunis et qui ne seraient pas concernés par cette histoire d’hôtel. Pourquoi donc bénéficieraient-ils d’une prime de transport et d’une prime de logement ?

Le salaire principal, de 2300 dinars, avoisine déjà 10 fois le SMIG et il est déjà supérieur à celui de l’ensemble des directeurs généraux de la fonction publique. Il représente presque le double du salaire d’un enseignant universitaire qui, lui aussi, doit se déplacer de sa région d’origine jusqu’au lieu de son travail. Et lui aussi paie de sa poche certaines communications téléphoniques et certaines photocopies pour ses étudiants.
Tout cela, les Tunisiens le savent et beaucoup sont déçus par les arguments fallacieux justifiant l’augmentation, comme si l’augmentation à elle seule ne suffisait pas. Tout comme ils sont déçus par ce manque de courage lorsqu’ils accusent la presse (et Business News spécialement) de diffamation.
L’autre déception vient suite à cette question de la confidentialité injustifiée, et le fait de souligner sa légalité, par plusieurs députés, ne fait qu’enfoncer le clou. Car on découvre que l’on a prévu carrément un texte de loi pour cacher aux Tunisiens ce que l’on veut. Et plusieurs voient dans ces manœuvres la volonté de ces élus de financer leur parti d’origine en lui accordant de belles ristournes.
Le pot aux roses est découvert, grâce à la presse libre. Et grâce aux réseaux sociaux, il a pris l’ampleur nécessaire pour pousser les élus à reculer.
Espérons juste qu’ils abandonnent l’idée même de ces primes, car ils n’ont vraiment pas à être payés comme des ministres d’autant plus que personne ne les a poussés à se présenter aux élections.
Ils disaient vouloir servir le peuple, qu’ils le servent alors et les 2300 dinars leur seront suffisants !

Crédit dessin :
Lotfi Ben Sassi

Raouf Ben Hédi
24/05/2012 | 1
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