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Tunisie - Le torchon brûle entre les Salafistes et Ennahdha
24/09/2012 | 1
min
Tunisie - Le torchon brûle entre les Salafistes et Ennahdha
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« L’ennemi, c’est Ennahdha ». La phrase est brève et synthétise à merveille l’état d’esprit actuel des militants et sympathisants des mouvements salafistes tunisiens. Écrite en couleur sang, on la voit un peu partout sur leurs pages des réseaux sociaux, depuis dimanche 23 septembre tard le soir, quelques minutes à peine après l’arrestation de Hassen Brik, responsable du bureau de prédication d'Ansar Al Chariâa.
Les salafistes en veulent au gouvernement et au parti au pouvoir, mais aussi à certains responsables d’Ennahdha qui ont accueilli cette arrestation avec une certaine joie.


Fini le printemps entre Ennahdha et ses « enfants » salafistes et finie l’impunité dont ils jouissaient. Le gouvernement semble vouloir serrer la vis après les graves incidents de l’ambassade américaine dont il accuse principalement les mouvements salafistes.
Ce changement de tactique de la part d’Ennahdha a suscité la colère des militants salafistes. Pour eux, l’ennemi numéro Un est désormais Ennahdha, car le mouvement islamiste a trahi la « cause » pour satisfaire les Occidentaux.
Depuis une dizaine de jours, les Salafistes estiment être des boucs émissaires et nient avoir été derrière les violences de l’ambassade américaine. Pour eux, ils n’ont fait que manifester et exprimé leur colère face au « Satan » américain, sans jamais avoir usé de violences.
Et ils ne comprennent pas pourquoi ils se retrouvent sur le banc des accusés alors que « tous les pans de la société » sont sortis défendre le prophète Mohamed devant les attaques des mécréants.

Après la mort d’un des leurs et la tentative d’arrestation de leur cheikh Abou Iyadh, vendredi 14 septembre, la tension est montée d’un cran. Leur colère a été fortement attisée par les déclarations de Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha et plusieurs membres du gouvernement qui ont promis des réponses sévères à ces attaques dont ont été rapidement accusés les Salafistes.
Selon eux, ces accusations sont infondées et sans preuves et ils en veulent énormément à Ali Laârayedh d’utiliser sa police pour les attaquer.
La première réaction a été dans la provocation. Le surlendemain des événements, soit le dimanche 16 septembre, le cheikh recherché Abou Iyadh se déplace à l’enterrement du « martyr » (comme le considèrent les Salafistes) tué par l’armée mécréante du « taghout » (tyran). Information relayée par Shems FM, mais un peu trop rapidement démentie par le ministère de l’Intérieur.
Les Salafistes confirment cependant la présence de leur chef à cet enterrement et préparent une deuxième provocation. Spectaculaire cette fois. Lundi 17 septembre, ils annoncent qu’Abou Iyadh va prononcer un prêche le jour-même et indiquent le lieu et l’heure. La mosquée, où le prêche a été tenu, a été encerclée par la police, mais ceci n’a pas empêché les Salafistes de venir en masse. Comme c’était prévu, Abou Iyadh est venu, il a prononcé tranquillement son allocution avant de quitter les lieux au nez et à la barbe de la police et des forces spéciales. Mieux encore, les médias, dont Al Jazeera, étaient présents, empêchant ainsi le ministère de l’Intérieur de démentir quoi que ce soit. Ce dernier relativise en déclarant que c’était tactique et qu’on ne voulait pas de confrontation en plein centre-ville.
Le chef salafiste rejette les accusations du gouvernement et du parti au pouvoir et rappelle ce qui, à ses yeux, est une évidence : l’Etat ne compte pas devant la umma.

Trois jours plus tard, c’est au tour de Hassen Brik, responsable du bureau de prédication d'Ansar Al Chariâa, de faire parler de lui. Il a été invité sur Shems FM et a profité de cette tribune pour défendre les siens et rejeter les accusations diffamatoires et infondées du pouvoir. Il rappelle la politique de deux poids deux mesures entreprise par cet Etat qui se dit de droit : pourquoi est-on ferme dans l’application de la loi quand il s’agit de salafistes et on arrête de l’être quand il s’agit d’islamistes proches d’Ennahdha.
La police a, rapidement, encerclé les lieux, poussant le salafiste à se retrancher dans les locaux de la radio, appelant ses avocats et ses partisans à la rescousse. La police recule, mais ce n’était que partie remise, car il a été arrêté 48 heures plus tard à la Cité El Khadhra, soit le dimanche 23 septembre, un peu avant 22 heures. On ignore encore les raisons de cette arrestation et de quoi est-il suspecté.
Toujours est-il que les Salafistes ne ménagent pas leur colère avec pour unique cible, Ennahdha.
Ils considèrent, sans doute aucun, que c’est le parti au pouvoir qui mène la cabale contre eux.

Dès ce matin, lundi 24 septembre 2012, leurs pages sur Facebook s’échangent la réaction de ce dirigeant du bureau d’Ennahdha à La Goulette, Nawfel Jebali, qui a ironisé sur l’arrestation de Hassen Brik.
Un peu partout sur ces pages, on essaie d’enflammer les foules avec la photo de ce dirigeant « lui, c’est aujourd’hui, toi c’est demain », lit-on.
Un peu partout, le logo d’Ennahdha est inscrit en lettres de sang.
Un peu partout, on s’échange cette vidéo (voir plus bas) du « tyran » Rached Ghannouchi dont le discours a radicalement changé avant et après la prise de pouvoir. Elle est intitulée : « le tyran de la Tunisie s’approche de l’Occident avec le sang des musulmans venus défendre leur prophète ».
Pour les Salafistes, plus aucun doute, l’ennemi c’est le mouvement islamiste avec, à sa tête, le duo Rached Ghannouchi et Ali Laârayedh.
Et pour eux, il est définitivement admis qu’Ennahdha est inféodé à « l’ennemi satanique » américain.

Entretemps, le gouvernement et les leaders d’Ennahdha mènent un discours à deux tons. D’un côté, ils essaient de calmer les Occidentaux en multipliant les interviews et les déclarations où l’on souligne la primauté de la loi et de l’Etat. Rafik Abdessalem est dépêché à Washington pour rassurer Hillary Clinton qui, avec un peu de diplomatie, l’a strictement rappelé à l’ordre. On en profite pour diaboliser les Salafistes et les « hors-la-loi ».
Dans les médias tunisiens, le discours est différent et se veut, plus ou moins, conciliant à l’égard des Salafistes. Il est même arrivé à Rached Ghannouchi de démentir l’AFP, sur la première chaîne de télévision publique.
Quant aux jeunes d’Ennahdha, on lance des appels de conciliation aux « frères » salafistes pour leur dire en substance : « vous ne pouvez pas nous considérer comme des ennemis, vous ne pouvez pas être du même camp que les RCDistes, les laïcs, la gauche… !».
Ce discours ne trouve quasiment aucun écho auprès des Salafistes en colère. Ils ne voient que la vague d’arrestations des leurs, ils comparent par rapport à ce qui se passe en Egypte (14 condamnations à mort de Salafistes) et craignent que leur tour n’arrive bientôt. Et ils se préparent. A moins que tout cela ne soit une mise en scène …

Raouf Ben Hédi

24/09/2012 | 1
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