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Tunisie – L'énigme Saïda Agrebi qui s'est "évadée" en toute légalité !
03/08/2011 | 1
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Tunisie – L'énigme Saïda Agrebi qui s'est
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Elle a été durant longtemps l’une des plus proches de Leïla Ben Ali et du couple présidentiel. Elle a été décorée à maintes reprises et rate, rarement, une cérémonie officielle. Crainte par beaucoup, aimée par certaines, l’ancienne présidente (ou plutôt la présidente, on ne sait plus) de l’Organisation tunisienne des mères (OTM, ex ATM) est aux abonnés absents depuis quelques jours. Tout à fait normal, elle est en voyage et … en toute légalité. Malgré l’enquête accablante du ministère des Finances qui a remis, il y a quinze jours, tout un rapport au procureur de la République.

La rumeur devenait de plus en plus insistante sur Internet. Saïda Agrebi s’est « évadée » et elle est partie à Paris-Orly via un vol Tunisair. Des hôtesses l’ont vue et se seraient même moqué d’elles. Nos tentatives pour confirmer ou infirmer l’information étaient vaines. Saïda Agrebi ne répond pas à son portable. La confirmation du voyage est finalement tombée mardi en milieu d’après-midi, par le biais du ministère de l’Intérieur. Saïda Agrebi est bien en voyage et a quitté les frontières en toute légalité le 30 juillet 2011.
Et ce n’est pas son premier voyage. Selon nos informations, Saïda Agrebi est déjà partie à l’étranger (en Egypte précisément) en janvier dernier. Soit quelques jours après la révolution.
Aucune interdiction ne la frappait, précisait le ministère de l’Intérieur. Et c’est là l’énigme, car le procureur de la République près du Tribunal de première instance de Tunis a chargé, le 1er avril dernier, le ministère des Finances d’une mission d’enquête à propos de Saïda Agrebi. Et l’enquête du ministère des Finances a bien relevé des malversations dans la gestion et les comptes de l’Organisation tunisienne des mères.
Le résultat de l’enquête a été remis au procureur le 18 juillet dernier. Soit il y a quinze jours.

Selon le document du ministère des Finances en notre possession, la dénommée (dixit le document) Saïda Agrebi a commis des malversations et des abus au sein de l’OTM.
Premier des abus, elle signe, toute seule, les chèques de l’Organisation, alors que la bonne gestion exigeait une double-signature, celle du trésorier et du président.
L’enquête a relevé que plusieurs chèques ont été émis et enregistrés à la comptabilité, mais sans qu’il n’y ait de documents justifiant les dépenses effectuées. Selon le ministère des Finances, et dans une première étape, le montant global de dépassements avoisine les 43.000 dinars.
Selon des informations parvenues aux enquêteurs, Saïda Agrebi a réglé des dépenses personnelles avec les chèques de l’OTM telles les factures de la Steg de son domicile.

Autre abus de gestion constaté par les enquêteurs, l’absence de documents justifiant les montants de subventions et d’adhésions que reçoit l’organisation. Cette absence a rendu impossible de déterminer la valeur et les ressources exactes de l’OTM.
Dans la foulée, les enquêteurs sont tombés sur une facture de 2750 dirhams émiratis (soit l’équivalent de 1027 dinars tunisiens) réglée en entier … mais avec un montant de 2750 dinars tunisiens ! C'est-à-dire qu’il y avait une différence de 1727 dinars. L’autre hic de cette facture est qu’elle a été présentée par le fils de Saïda Agrebi pour l’achat d’un instrument musical.
Les enquêteurs ont relevé qu’un retrait non justifié de 10.000 dinars a été opéré par le fils au niveau de la BNA le 13 janvier 2011.
Ils relèvent également que l’ancienne présidente a refusé de rendre deux voitures de l’OTM, malgré les avertissements du nouveau bureau directeur de l’organisation. Il s’agit d’une Audi A6 et d’une Peugeot Partner estimés à quelque 135.000 dinars.
A propos de voitures, les enquêteurs ont relevé que Saïda Agrebi a vendu une voiture … incessible, d’après ce qui est indiqué sur la carte grise ! L’acheteur est le fils d’un des salariés (un chauffeur) de l’OTM. Le montant de la cession ne figure pas dans les comptes.
Autre point relevé, la falsification des bilans de l’Organisation maghrébine des mères (OMM). Selon la commissaire aux comptes, Saïda Agrebi a utilisé les bilans de l’OTM avec un entête de l’OMM dans l’objectif de collecter des subventions et d’adhérer à l’ONU.

Le ministère des Finances a également enquêté sur les comptes personnels de Saïda Agrebi et a relevé qu’elle en a deux, à la BNA, ayant un solde créditeur de 54.000 dinars à la date du 19 mai 2011 pour le premier et de 14.000 dinars à la date du 17 mai 2011 pour le second.
Parmi les autres biens de l’ancienne présidente de l’OTM, les enquêteurs ont établi qu’elle possède un salon de thé et une salle des fêtes à l’Ariana et qu’elle a construit dernièrement une mosquée à Ezzahra. Pour la collecte des dons de la construction de cette mosquée, elle a utilisé l’adresse d’une association d’enfants handicapés, appartenant à l’OTM, et on soupçonne des malversations à ce niveau. Une enquête est en cours à ce propos.
Le ministère des Finances conclut son enquête par remarquer que les abus de Saïda Agrebi tombent sous l’article 99 du code pénal et prie les services du procureur de la République d’ouvrir une enquête judiciaire à ce propos.

On rappellera que nous avons essayé de contacter Saïda Agrebi pour avoir sa version dans toute cette histoire, mais elle n’a pas décroché son téléphone.
Au vu des dates de la remise des résultats des investigations du ministère des Finances (le 18 juillet) et le départ de Saïda Agrebi (le 30 juillet) à l’étranger, on ne peut que s’interroger sur ce « voyage » qui s’apparente plutôt à une évasion. A-t-elle été informée de l’investigation du ministère des Finances, de ses résultats et de l’enquête judiciaire qu’allait ouvrir ou qu’a ouvert le procureur ?
Bien proche des rouages du pouvoir et de l’administration, elle sait qu’il faut un minimum de temps pour que le procureur de la République ouvre son enquête, la convoque et entame les démarches de son interdiction de voyage. Le ministère de l’Intérieur n’ayant rien d’officiel à son encontre ne pouvait pas l’empêcher de prendre l’avion, elle a donc pu calmement préparer son voyage et partir en toute légalité.
Reste à savoir maintenant si elle est partie à Paris, combien et qu’a-t-elle pris avec elle ? A savoir aussi quel est l’état de son compte bancaire actuellement.
Sans oublier la présomption d’innocence, il y a lieu de s’interroger si elle compte revenir pour affronter la justice. Si elle n’a rien à se reprocher, elle reviendra. Mais au vu du document du ministère des Finances, le doute est permis. Auquel cas, il y a lieu de s’interroger s’il ne faudrait pas saisir Interpol dans les plus brefs délais avant qu’elle ne parte, elle aussi, en Arabie Saoudite rejoindre ses amis. Sinon, il sera difficile voire impossible de la voir fouler de nouveau le sol de la Tunisie. Les Saoudiens n’extradent pas leurs « frères »…
03/08/2011 | 1
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