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Chroniques
ISIE, la bourde de trop
23/11/2014 | 18:49
3 min
Par Sofiene Ben Hamida

L’Instance supérieure indépendante des élections n’a pas trouvé mieux que de s’adresser au tribunal administratif pour conforter son droit à censurer les médias et priver les Tunisiens de leur droit à l’information. Se basant sur une loi électorale confectionnée à la hâte par une ANC truffée de politicards incompétents, l’ISIE cherche manifestement à asseoir une autorité fragilisée par toutes les carences et les défaillances relevées lors des dernières élections législatives et qui ne semblent pas avoir été traitées convenablement depuis. La fuite en avant de Chafik Sarsar et son équipe ne leur accorde aucun crédit supplémentaire aux yeux de l’opinion publique. C’est juste une maladresse de plus, la bourde de trop.

L’ISIE aurait pu se contenter de l’avis de l’instance de régulation du secteur de l’audiovisuel, la HAICA. Mais il semble qu’elle était plus soucieuse de défendre son domaine de compétence et ses prérogatives que de garantir les conditions de consolidation du processus démocratique à travers cette nouvelle échéance électorale. La loi électorale, malgré ses lacunes, aurait pu être interprétée dans un sens plus permissif, conforme aux objectifs de la révolution tunisienne, donc dans le sens de la construction et de la consolidation de la liberté et de la démocratie. Aussi bien l’ISIE que le tribunal administratif ont opté pour une interprétation rigide d’une loi mal pensée et lamentablement rédigée.

Reste la question centrale que nul n’a voulu poser ni y répondre au sein de l’ISIE et avant même de s’adresser au tribunal administratif : L’ISIE est-elle une instance technique qui se doit d’appliquer mécaniquement la loi dans son interprétation la plus rigide ou est-elle au contraire une structure au service du citoyen et de ses intérêts ?l’échec le plus cuisant de l’ISIE semble découler du fait qu’elle se trompe de rôle et d’objectifs et qu’elle se cache derrière un degré zéro de lecture du code électoral.

Pour les médias et les journalistes tunisiens, dans une grande proportion du moins, les choix ont été faits et les objectifs clairement dessinés depuis le premier jour de la révolution. Ils défendront leur profession qui consiste avant tout à informer, expliquer et analyser les faits politiques ou de société qui intéressent les citoyens. Ils s’associent à toutes les composantes de la société civile pour défendre le droit à l’information, un droit fondamental des droits humains que certains groupes politiques peinent à intégrer dans leurs démarches. La nouvelle constitution tunisienne, fruit de beaucoup d’efforts et de beaucoup de sacrifices de la part des militants pour la liberté et la démocratie a consacré dans plusieurs de ses articles, notamment les articles 30 et 31, le droit à l’information et la liberté d’expression. Ni l’ISIE, ni aucune autre instance ou autorité ne peut et ne doit toucher à ces acquis aujourd’hui. Si par malheur une loi est restrictive, nous n’avons plus le droit de restreindre les libertés au nom de la loi mais nous avons le devoir de réviser cette dernière pour élargir et développer les libertés. C’est pour cela qu’il y a eu des martyrs et c’est pour cela qu’il y a eu une révolution.

Libre à l’ISIE donc de camper sur une vision réductrice de son rôle et faire ses petits calculs dans son petit coin. Mais les médias et les journalistes qui se sont inscrits dans le processus révolutionnaire ne doivent pas céder à la logique formaliste que Chafik Sarsar et son équipe veulent imposer au pays. Ce soir, en publiant les résultats dont ils disposent, ils ne transgressent pas une loi, ils défendent un droit inaliénable du citoyen, celui d’être informé, respecté et considéré pour son statut de citoyen libre vivant dans un pays libre.

Ces propos sont loin d’être subversifs. C’est juste que le devoir d’un citoyen est de s’opposer à toutes les lois injustes ou répressives. C’est juste un attachement au statut de citoyen et un refus de retrouver le statut de sujet de la république.


23/11/2014 | 18:49
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