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La Constitution compte-t-elle pour du beurre ?
24/11/2014 | 19:59
6 min
La Constitution compte-t-elle pour du beurre ?
Le débat sur l’article 89 de la Constitution tunisienne agite les experts juridiques mais aussi toute la sphère politique suite au récent appel de l’actuel président de la République Moncef Marzouki, au chef du parti gagnant des législatives, Béji Caïd Essebsi, à former un gouvernement dans un délai de 7 jours.  Les experts ne semblent pas d’accord sur la constitutionnalité d’une telle disposition, émanant d’un président non élu au suffrage universel. Aussitôt la lettre rendue publique, que les parrains du dialogue national se réunissent pour trancher. Mais qu’en dit réellement la Constitution ?

Voilà ce que dispose l’article 89 de la Constitution tunisienne : « Dans un délai d’une semaine après la proclamation des résultats définitifs des élections, le président de la République charge le candidat du parti politique ou de la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l’Assemblée des représentants du peuple, de former le gouvernement dans un délai d’un mois pouvant être prorogé une seule fois. En cas d’égalité du nombre des sièges, la nomination s’effectue selon le nombre de voix obtenues ».
Dans la soirée du vendredi 21 novembre, jour de la proclamation des résultats des législatives par l’instance des élections, Moncef Marzouki envoie une correspondance officielle à Béji Caïd Essebsi, président du parti gagnant. Dans cette lettre, Marzouki qui est également candidat à la présidentielle, demande à son principal rival de désigner le prochain chef de gouvernement, et ce, dans un délai de sept jours, comme l’énonce la Constitution.

Lors d’une interview donnée à la chaîne TNN, dans le cadre de sa campagne électorale, Marzouki explique s’être basé dans sa demande sur les dispositions de la Constitution tunisienne qu’il dit avoir la mission de protéger. Il précise par ailleurs que « le pays ne peut plus attendre davantage pour la formation d’un nouveau gouvernement surtout que l’élection présidentielle et l’annonce des résultats finaux de celle-ci ne seront clôturées que dans trois mois environ ». En effet, toujours selon l’article 89, si le délai des 7 jours expire sans qu’aucun gouvernement ne soit formé, ce sera au président de la République « d’engager des consultations dans un délai de dix jours avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires, en vue de charger la personnalité jugée la plus apte, en vue de former un gouvernement dans un délai maximum d’un mois ».
Cette lettre a aussitôt été suivie de vives critiques par les parties concernées. Si Béji Caïd Essebsi n’a pas souhaité répondre, silence électoral oblige, c’est le secrétaire général de son parti qui reviendra sur la question. « Étrangement, le président provisoire de la République choisit ce jour pour envoyer cette lettre, avant même que les résultats des législatives ne soient publiés dans le JORT », déclare Taïeb Baccouche. Ce dernier rappelle que « la demande fait fi de l’accord obtenu à l’issue de la dernière séance du Dialogue national, selon lequel la désignation doit venir d’un président élu, et non d’un président dont les prérogatives ont pris fin avec la clôture des travaux de l’ANC, le 20 novembre 2014 ».

Mais est-ce le Marzouki candidat au scrutin présidentiel qui s’adresse à son principal rival ou est-ce le président de la République qui envoie une correspondance officielle au leader du parti gagnant aux législatives ? C’est ce double rôle qu’occupe Moncef Marzouki qui fait planer autant de doute sur les motivations de cette lettre.
Mais d’un point de vue constitutionnel, Moncef Marzouki est-il en mesure d’appliquer l’article 89 ? Là est toute la question sur laquelle les experts en droit constitutionnel se sont penchés. Selon, le secrétaire général de l’Association tunisienne du droit constitutionnel, Chaouki Gaddès, toute attente au-delà du délai de 7 jours fixé par la Constitution, pour nommer le nouveau chef du gouvernement, serait un dépassement de la Constitution. Me Gaddès rejoint donc, la proposition faite par Marzouki à Béji Caïd Essebsi.

Amine Mahfoudh, autre expert en droit constitutionnel contredit cette interprétation. En effet, Me Mahfoudh signifie que l’actuel président de la République est incapable juridiquement de charger le parti ayant eu la majorité aux législatives, de former un gouvernement. « Seul un président élu peut le faire, conformément à la Constitution », selon ses dires. Or, Moncef Marzouki n'a jamais été élu au suffrage universel.

Force est de reconnaitre que l’article 89 ne mentionne nullement la condition que le président soit élu au suffrage universel. En consultant les dispositions transitoires, on apprend que la partie II du chapitre IV relatif au gouvernement, dont fait partie l’article 89, « entrent en vigueur à compter du jour de la proclamation des résultats définitifs des premières élections législatives ». En effet, les résultats définitifs des élections législatives ont officiellement été communiqués par l’ISIE vendredi dernier, à savoir le 21 novembre, mais n’ont cependant pas encore été officialisés au JORT.
 
Mais si les experts n’arrivent pas à se mettre d’accord, les parrains du Dialogue national, réunis aujourd’hui lundi 24 novembre, ont tranché. Centrale syndicale, centrale patronale, Ordre des avocats et Ligue des droits de l’Homme se sont penchés  sur le contenu de cette correspondance afin de savoir quelles dispositions  prendre. « Nous restons attachés aux dispositions prises le 31 octobre, à savoir que le président démocratiquement élu aura le pouvoir d’appeler le chef du parti de la majorité législative à former le gouvernement », annonce Houcine Abassi, secrétaire général de l’UGTT, l’un des membres du Quartet. Ce président n’est donc pas, du moins pas encore, Moncef Marzouki. Houcine Abassi affirme, par ailleurs, que le Dialogue prendra contact avec Moncef Marzouki pour se concerter avec lui au sujet de cette fameuse correspondance.

Mais n’est-ce pas contraire à la Constitution et dépassant largement les prérogatives des acteurs du Dialogue ? Le rôle du Dialogue national étant simplement consultatif et non législatif, les membres de ce dernier n’ont tout simplement pas le droit de s’opposer à une décision légale ou d’appeler à son retrait, sauf dans le cadre de consultations.

En attendant, un comité d’experts devra se pencher sur le flou laissé par l’article 89 dans la période actuelle. Une période de transition dans laquelle la Tunisie dispose d’un président République dit « consensuel », qui n’a pas été élu au suffrage universel et dont la mission devait s’achever au moment de la finalisation de la Constitution.
Le deuxième tour du scrutin présidentiel est, quant à lui, prévu dans 4 semaines et les résultats officiels ne seront pas proclamés avant la fin de l’année. Un délai jugé trop long pour les membres du Quartet et certains, dont Wided Bouchamaoui présidente de l’UTICA, a appelé aujourd’hui à ce que l’élection soit avancée et organisée dans un délai de 15 jours.

La Constitution prête certes à confusion. Ceci serait dû, de l’avis d’Amine Mahfoudh ainsi que celui de nombreux autres experts, à l’incompétence des élus de l’ANC. Cependant l’interférence d’acteurs qui n’ont ni la légitimité ni les compétences de statuer sur ses articles est tout simplement dangereux. Au lieu de laisser les acteurs du Dialogue national déblatérer sur les interprétations des articles constitutionnels, ne vaut-il mieux pas  réunir un comité d’experts qui saura déchiffrer leur « véritable sens » ? Des articles écrits à la hâte et dans une totale incompétence, si ce n’est mauvaise-foi, par nos anciens élus…

Synda TAJINE
24/11/2014 | 19:59
6 min
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Commentaires (24) Commenter
L'esprit des lois
MohDra
| 29-11-2014 22:57
Les lois ,de quelques natures que ce soit, tirent leur force de la valeur des hommes qui les appliquent et qui les interprêtent .
C'est ce que Montesquieu appelle "l'esprit des lois"
En France la constitution de 1793 ou an I de la république n'a pas été appliquer car juger trop démocratique et parfaite. Les conventionnels ont préféré rédiger une deuxième constitution ,constitution de 1795 ou an III de la république, pour ne pas souiller la premiére.
En Tunisie le flou des textes et l'envergure des protagonistes appellent à moins de passions le Panthéon restera vide pour quelques temps encore .
Faute d'hommes d'état et de lois vertueuses ,le paysage est tragicomique et me suggère que la pitié.
La logique et le quartet trancheront...
Belfou
| 27-11-2014 14:13
La lettre de MMM fait partie d'une manoeuvre qui a pour but de provoquer BCE et l'inciter à l'erreur mais sans compter sur son énorme expérience et intelligence comme le prouve la manière avec laquelle BCE a réagi en impliquant le quartet!!!
De toutes les manières, il est logiquement inconcevable que le président sortant s'implique dans le processus de constitution du nouveau gouvernement avec lequel MMM n'aura probablement aucun lien tel que se dessine le schéma politique d'heure en heure. Les souteneurs de MMM ont beau faire les yeux doux à Jabha Chaabya, le feedback des dirigeants de celle là ont clairement opposé un "NIET" catégorique à leur manoeuvre qui par ailleurs n'a aucune chance d'aboutir car à chaque seconde les cauchemars du meurtre des martyres C. Belaid et M. Brahmi, ainsi que l'association de MMM aux brigades Hymayet Ethaoura, extrémistes religieux et autres dangereuses tendances reviennent en la mémoire. La facture est trop lourde et les séquelles trop importantes pour penser une seconde que MMM peux rester au palais!!!!!!!!!!!!!!!!!!! NIET c'est NIET.
Bien concocter
Sallouh
| 27-11-2014 08:54
Le plat que nous offre cet article a vraiment besoin d'un bon "TAJINE" pour être bien concocté
C'est simple
horstman
| 25-11-2014 19:54
Ce type n'est plus légitime, il doit quitter le palais immédiatement avec son armada.

Il a était désigné par ses complices de la Troika, provisoirement pour un an et il est resté trois.

C'est quoi ce bordel, il ne peut pas appliquer la nouvelle constitution qui a était rédigé pour un président officiellemt élu

*** fait honte au pays et il continue de jouer au tartourisme sans se soucier de l'avenir du pays.

Finalement ce sont deux carpettes un qui s'accroche au rocher de Carthage et l'autre qui prend le parlement pour un bistro.
Le débat contradictoire fait avancer l'humanité !
helara13
| 25-11-2014 18:02
Il me semble qu'il est nécessaire de comprendre le sens juridique (ou supposé) de la fonction "Président" dans la constitution. L'actuel intérimaire, non élu par le peuple, aurait du quitter ses fonctions à la dissolution... Il assure un intérim de l'intérim, soit. Mais désigner un chef de gouvernement alors que l'élection du Président de la république revêt une importance capitale pour la conduite de la politique de l'État me semble relever d'un esprit retors ! Qui peut ignorer que le choix du premier ministre dépendra de l'élection du Président de la République ? Il ne faut pas oublier par ailleurs que c'est le choix des politique d'avoir 'inverser les élections législatives et présidentielles alors qu'au pire, on aurait fait les deux en même temps et gagné du temps. Au final, c'est les hommes qui font le loi et non l'inverse.
Didactique
Tounsi
| 25-11-2014 13:50
C'est en posant ces problèmes qu'on peut impliquer les citoyens dans la gestion des affaires publiques.Au delà de la manipulation politique derrière cette affaire, le citoyen doit être conscient qu'il y a un vide juridique pour traiter ce problème même s'il a été résolu à travers le dialogue National.On ne doit pas avoir peur de poser des problèmes surtout lors de l'application de la loi sinon cela va être traiter dans les chambres closes et là l'intérêt public sera objet de marchandage.
C'est pour cette raison qu'on doit appliquer le principe des 4 yeux pour diriger le pays et éviter de donner les rênes du pays pour un seul parti.
Délai d'une semaine?
Srettop.
| 25-11-2014 11:21
A mon humble avis, le président actuel doit être comparé au président pas intérim, aux pouvoirs limités, tel que prévu par les articles 84 à 86 de la constitution.
D'autre part, j'avoue que le ne trouve toujours pas où il est mentionné que le parti majoritaire dispose s'une semaine pour proposer un chef de gouvernement. Le seul délai d'une semaine prévu à l'article 89 , est celui dont dispose le président, après proclamation des résultats des législatives, pour demander au parti majoritaire de désigner un chef de gouvenement. Celui-ci dispose alors d'un mois , renouvelable, pour le faire.
IL FAUT ARRÊTER DE PALABRER ET REVENIR A L'ESSENTIEL
Bourguibiste nationaliste
| 25-11-2014 11:09
1. Un président qui n'a pas été élu conformément à la Constitution de 2014 ne peut vouloir la faire respecter car il n'a aucune légitimité, lui-même ayant été élu par l'ANC.
2. Un président non élu par le SU n'a aucune compétence pour demander au parti le plus important de former un gouvernement.
3. N'ayant pas de légitimité constitutionnelle, Marzouki ne peut vouloir faire respecter la Constitution.
4. Marzouki ne peut qu'expédier les affaires courantes en attendant qu'un président soit élu par le peuple conformément à la Constitution. C'est ce président élu par le SU qui aura la légitimité d'appeler le parti le plus important de former le gouvernement.
Garder la tete froide...
Ridha KEFI
| 25-11-2014 10:52
Non la constitution ne compte pas pour du beurre.Nos constituants manifestement incompétents ont plagié d'autres constitutions ou en toute logique la présidentielle précède les législatives.Et comme Ennahdha et consorts ont choisi le contraire .beaucoup d'articles sont devenus équivoques.d'ou beaucoup de lectures sont possibles.Et comme on n'a pas de cour constitutionnelle qui est habilitée à trancher, la logique veut que la solution doit etre consensuelle.,Donc le président provisoire et illégitime doit se plier à la volonté de la majorité écrasante des forces vives de la nation.Le reste n'est que politique politicienne
le flou constitutionnel est réel
Mohamed Salah
| 25-11-2014 10:34
c'est vrai que le flou constitutionnel est bien réel puisque la question a été posé au dialogue national même avant cette lettre, il faut pas se cacher, et il faut respecter la constitution.

Mais la solution est aussi simple qu'un coup de maitre que BCE peut jouer facilement.

annoncer la reconduction du gouvernment actuel et spécialement le 1ier ministre pour un delais , disant fin fevrier ou fin Mars. personne du parlment ne pourra être contre cette proposition, et le président ne peut y emettre un veto puisque il n'a pas droit de part de la constitution.

Alors , nos politicien, arretez de vous noyer un verre d'eau.

Merci