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Torture : le policier plus puissant que Dieu
04/03/2015 | 19:59
7 min
Torture : le policier plus puissant que Dieu

A plus de quatre années du déclenchement de la révolution en Tunisie, la torture reste une pratique largement répandue dans les geôles et les centres d’arrestation. Le pays qui poursuit à petits pas son processus de transition démocratique n’a pas encore mis fin à des pratiques longtemps utilisées par les précédentes dictatures comme moyens de répression et d’intimidation. Il faut le dire, l'impunité des agents de police est la principale cause de la persistance de la torture qui est loin d’être un mauvais souvenir en cette Tunisie en pleine mutation.

Deux rapports accablants viennent de paraître, celui de l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT) et de la section tunisienne de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), recensant les cas de torture et dévoilant au grand jour la proportion du phénomène tortionnaire dans notre pays. Des témoignages de personnes ayant subi, ou assisté, à des actes de torture et de maltraitance nous parviennent de temps à autre. Une victime a ainsi révélé à Business News que lors de son arrestation au centre de détention de Bouchoucha, elle a assisté de ces propres yeux à la crucifixion de détenus. Ces derniers sont restés crucifiés pendant des jours et des nuits dans les geôles.

Bassem Bouguerra, président de l’association « Isleh » et candidat aux élections législatives sur les listes d’Afek Tounes, ayant été arrêté courant février, témoigne à sa sortie en ces termes : « L’agent de police dans le centre de détention est plus puissant que Dieu, il a tous les pouvoirs et peut te faire ce qu’il veut. Au sein de la IIe République, on assiste à des actes de torture qui enlèvent toute dignité et humanité aux gens… ». Un fait récent met en évidence l’impunité dont jouissent les agents de l’ordre. Un couple à l’aéroport Tunis-Carthage en a fait les frais. Suite à un différend, le mari a été tabassé au vu et au su de tout le monde… Mais ces actes ne sont pas prêts de s’arrêter là.

Le rapport de février 2015 de l’OCTT annonce que les cas varient entre la torture, la maltraitance, le recours excessif à la force au cours de dispersement de manifestations ou pendant des descentes, mais également la fabrication de charges et les arrestations arbitraires. Ces violations ont entrainé chez les victimes des traumatismes physiques et psychologiques. L’organisation a constaté que dans de nombreux cas, les victimes sont empêchées d’accéder aux dossiers médicaux, si les violences avaient été perpétrées par des agents de l’ordre. Faits inacceptables et illégaux puisque ces documents sont nécessaires pour la composition des dossiers judiciaires.

L’OCTT a également noté que l’examen des plaintes pour torture est extrêmement lent, contrairement aux plaintes déposées par des agents de l’ordre contre ces mêmes victimes. Un dépassement qui dévoile la persistance de l’impunité. Toutefois, au cours du mois précédent, le nombre de « procès de vengeance/représailles » intentés par des agents de l’ordre contre les victimes ayant osé porter plainte contre eux, s’est accru. Un certain nombre de ces victimes sont inculpées, malgré le manque de preuves, comme c’est le cas de Hédi Hamzaoui. Ce dernier, suite à une plainte contre des policiers qui l’ont battu violemment, s’est retrouvé avec une affaire de vol sur le dos montée de toute pièce, outre une arrestation arbitraire et violente et des actes de maltraitance.
 
Pour l’ACAT, l’usage de la torture est moins systématique qu’avant la révolution, mais elle continue d’etre fréquemment employée à l’encontre des victimes aux profils divers. Après la révolution, plusieurs personnes, arrêtées pour des infractions de droit commun, sont mortes dans des postes de police et dans des circonstances suspectes qui n’ont toujours pas été élucidées par la justice. Il faut noter aussi que les forces de sécurité recourent parfois à une violence extrême, dans la rue ou au poste de police, dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre. N’oublions pas également que durant ces dernières années, des bloggeurs, des rappeurs et de jeunes activistes, considérés comme tenant un discours hostile au ministère de l’Intérieur, ont été malmenés et violentés par des agents sécuritaires.

Le pire, c’est que les victimes de torture et leurs proches, qui portent plainte contre des agents tortionnaires, encourent le risque d’être harcelés ou maltraités, voire torturés par les accusés ou leurs collègues, un fait relevé aussi par l’OCTT. Mais ceux qui présentent un profil salafiste, et suspectés de ce fait d’appartenir à des groupes terroristes, constituent les principales victimes de torture. Depuis le début de la lutte antiterroriste en 2012, des dizaines, voire des centaines de Tunisiens ont déjà été torturés pendant leur garde à vue.  Les arrestations, interrogatoires et tortures exercés dans le cadre de la lutte antiterroriste sont le fait tant de la police que de la Garde nationale. Prenons seulement deux cas cités par l’ACAT :

Ameur Belaâzi, en détention provisoire depuis le 7 septembre 2013 dans une affaire de terrorisme, a été sorti de la prison de Mornaguia, le 13 septembre suivant, par la brigade antiterroriste de L’Aouina, pour être interrogé en tant que témoin dans une autre affaire. Il raconte avoir été torturé pendant trois jours, de 8 heures à minuit et dit ne rentrer à la prison que pour y passer la nuit. Il dit avoir été dénudé puis suspendu dans la position du « poulet rôti » et raconte avoir subi plusieurs coups de matraque électrique, des coups de bâton sur la plante des pieds et des brûlures au niveau des testicules. Un de ses tortionnaires lui aurait mis un pistolet au niveau de l’anus et l’aurait menacé de le tuer et de violer sa mère puis lui aurait arraché des poignées de cheveux. Son avocat a déposé une plainte pour torture le 27 septembre 2013. Le substitut du procureur en charge des affaires de torture à l’époque ne l’a entendu que le 22 octobre suivant. Il a constaté les traces de sévices dans le procès-verbal, mais n’a ordonné d’expertise médicale que le 11 décembre 2013, après avoir été relancé par l’avocat de la victime. Non seulement cette expertise a été demandée bien trop tard, mais en plus, elle n’a jamais été effectuée, Ameur Belaâzi ayant été, à plusieurs reprises, changé de prison. Cela a conduit le jeune homme à faire deux tentatives de suicide et à être hospitalisé pendant une semaine dans un hôpital psychiatrique, mais sans jamais passer par un hôpital généraliste pour faire l’expertise médicale.

Wassim Ferchichi était âgé de 15 ans lorsqu’il a été arrêté par des agents de la garde nationale de Kasserine, le 2 janvier 2013. Après son arrestation, il a été emmené au poste de la garde nationale de Kasserine où il a été torturé jusqu’à son transfert, le 4 février, aux mains des agents de la police judiciaire antiterroriste de l’Aouina qui lui ont fait signer des aveux. Le 8 janvier, après six jours de garde à vue, Wassim Ferchichi s'est présenté devant le juge d’instruction qui l’a fait écrouer. Quatre mois plus tard, Me Hafedh Ghadoun a été désigné par la famille pour représenter le jeune homme. Le 29 avril 2013, il a rendu visite en détention à son client qui lui a raconté ce qu’il avait subi à la Garde nationale de Kasserine. Trois jours plus tard, il a déposé une plainte pour torture auprès du substitut du procureur de Tunis spécialisé dans les affaires de torture. Ce dernier a transféré la plainte au procureur de Kasserine où les tortures ont été infligées et, à ce jour, aucune enquête n’a été diligentée…

On notera que les méthodes de tortures les plus utilisées par les forces de l’ordre sont : les gifles, les coups de pieds et de poings, le tabassage sur tout le corps avec des matraques, des barres de fer, des tuyaux, des crosses d’armes… ou encore, la suspension dans la position du « poulet rôti », les coups sur la plante des pieds (Falqa), les chocs électriques, les brûlures de cigarettes, les viols avec un bâton, les menaces de mort et de viol  à l’encontre de la victime ou des membres de sa famille, la privation de nourriture, d’eau, de sommeil et de soins médicaux. La charmante liste concoctée par les tortionnaires est encore longue!

C’est dire l’ampleur du phénomène tortionnaire et les pratiques barbares employées par certains de nos agents, rappelant la nécessité de faire face à l’impunité généralisée dont bénéficient les tortionnaires. Le procureur de Tunis vient d’annoncer aux avocats de plusieurs victimes de torture l’ouverture d’enquêtes, un premier pas dans la lutte contre un phénomène aux antipodes de tout ce qui humainement acceptable.

04/03/2015 | 19:59
7 min
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Commentaires (20) Commenter
Cela prouve l incompétence scientifique de la Police!
rayan benne
| 05-03-2015 19:12
Il me semble que le dos de cet honnête citoyen torturé reflète l incompétence scientifique de la Police tunisienne.
Une Police qui ne connait que le bâton n arrive nulle part. Ce n est pas avec une telle Police qu on va éradiquer le terrorisme, bien au contraire, il y aurait toujours des vengeances de la part du torturé, de sa famille, de ses amis et même du gentil peuple, c est très grave!
Le Ministre de l Intérieur doit démissionner et pas moins que ça!
DIGNITÉ DE L'HOMME:KARAMA
jaghmoun
| 05-03-2015 18:09
-aucun jellad:tortionnaire du règne de ben
Ali,ni Bourguiba et ça continue.
-et si il avait au moins 5 policiers misent en accusations et emprisonnés pour
Délit de tortue,au moins renvoyés de leurs
Travail,avec une amende de 1000 dinars.
-personne n'osera mettre les mains sur les
Individus arrêtés.
Les interrogatoires doivent êtres filmées
Et en présence de 3 agents dont un policier qui fait un rapport a la police
Des polices,un rapport au commissaire,
Un rapport a la commission du ministère
De l'intérieur:des enquêtes.
-commission interministerielle contre la
Torture et l'humiliation des détenus ou
Des individus arrêté.
Commission de discipline des agents de
Sécurité,des délits et abus.
Commission d'enquête a l'ARP.
Il faut respecter l'être humain qui va
Au paire avec la démocratie et la dignité.
La révolution,le sang,les victimes et
Tout le sacrifice des tunisiens est pour
Le respect,les droits,l'honneur,la valeur
De l'homme.
Et alors?
Crow
| 05-03-2015 17:56
la torture se pratique dans plusieurs pays en commençant par les USA première démocratie dans le monde...cessons de se prendre pour les Cassandre des droits de l'homme, ça ne sert à rien, encore moins à combattre les extrémistes qui égorgent nos soldats...Nous sommes encore un peuple qui ne comprend que par la force..
'IL POUR OEIL...!
HNAYEN
| 05-03-2015 17:42
La seule réponse, la plus efficace, contre la pratique de la torture c'est celle de recourir à la pratique 'il par 'il.
Wel fahem yefem....!
A l'ère des éorgeurs de DAECH, du terrorisme, de la contrebande, du trafic.. point de "drotdlhommisme"
BHN
| 05-03-2015 17:32
A l'heure où nous avons un pays en guerre (la Libye) ayant des égorgeurs de DAECH qui sont à nos portes, ayant des relais en Tunisie avec une police parralele, voir une cinquième colonne, alimenté par la contrebande et les trafics en tout genre.., à l'heure où nos soldats et nos forces de sécurité se font sauvagement assassiner par les terroristes, à l'heure ou notre pays est devenu, plus gros exportateur de terroristes au monde, à l'heure où dans la société civile, plus rien n'est respecté, même pas un simple feu rouge.., à l'heure où l'Etat n'est plus respecté avec des postes de police, des mairies brulés...etc,etc.. des exemples de menaces et d'incivilités, il y en à foison, donc point de "droitdelhommisme" et de "bonsentimentalisme"
Dérives immondes et barbarie au quoitidien
Kalfon
| 05-03-2015 17:23
Le retour à la dictature s'accélère et gagne en ampleur.

Le Ministère de l'intérieur et celui de la justice ont toujours constitués une entrave à la dignité des citoyens de ce pays.

Le sentiment d'impunité revient, la peur s'installe partout dans le pays et les atteintes à la liberté d'expression se systématisent.

La société tunisienne, on le sait, est une société déboussolée et nécrosée par la perte d'identité, de repères et la corruption sous toutes ses formes.

Et nombre de citoyens, en particulier au sein des zones rurbaines assujetties à l'habitat anarchique, sont malheureusement familiers de la délinquance et de la violence sous toutes ses formes.

La plupart des policiers de base sont issus de ce milieu. C'est pourquoi certains d'entre eux sont eux-mêmes des des voyous psychopathes, dénués de savoir-être et corrompus.

Le problème est donc d'ordre sociétal : il participe de l'impensable nivellement qu'a connu la société tunisienne depuis un tiers de siècle.

L'effort de purger le MI sous la troika aurait été judicieux si il n'y avait eu la volonté de créer une police parrallèle.



Des chrétiens qui sont contre la TORTURE
DHEJ
| 05-03-2015 17:06
Mais alors une forme de la TORTURE alors que le TUNISIEN vit différentes tortures... dont celle dite DEMOCRATIE!
Hâle aux droits de l'hommistes
GentilTun
| 05-03-2015 16:47
Auparavant, j'aurais peut être compatit avec cet article... mais plus maintenant. Maintenant que je sais que les droits de l'hommistes qui ONT SYSTEMATIQUEMENT apporté destruction de malheurs dans leurs sillages.
Je ne cautionne plus ces articles et ces droits de l'hommistes depuis que je connais les vraies conditions de travail des policiers à qui s'est ajoutée la menace d'égorgement par les islamistes
A envoyer cet article aux médias du monde entier
rayan benne
| 05-03-2015 15:37
Il me semble qu il est du devoir de chaque tunisien à envoyer cet article aux médias du monde entier et en particulier aux médias écrits.
Voilà le vrai visage de Bèji et son Gouvernement!
rayan benne
| 05-03-2015 15:32
Beaucoup disent que le terrorisme n est qu un prétexte pour terroriser la population tunisienne et ainsi personne n osera plus parler de corruption, de trafic et des abus en tous genres.
Il n y a pas plus de terrorisme en Tunisie qu en France, aux Etats unis ou ailleurs dans le monde, ce n est pas pour ça que la Police devrait faire à sa guise.
Les policiers qui ont commis ce crime abominable devraient être révoqués et punis sévèrement!