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Tunisie – Terrorisme : Comment en est-on arrivé à un tel bordel ?
17/07/2014 | 1
min
Tunisie – Terrorisme : Comment en est-on arrivé à un tel bordel ?
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Le pire n’est jamais certain. Pourtant, hier, 14 soldats ont été assassinés dans la région du mont Châambi, théâtre de plusieurs attaques terroristes depuis plusieurs mois. L’attentat, qui a également fait une vingtaine de blessés, a été revendiqué par une affiliation du groupe terroriste AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique).
A l’heure où la Tunisie enregistre, depuis 2011, de nombreux attentats faisant des dizaines de morts dans les rangs de l’armée et des forces de l’ordre, l’Assemblée nationale peine à adopter une loi antiterroriste pourtant débattue depuis des semaines et les mesures visant à protéger frontières et zones à risque tardent à venir. Un ressentiment de plus contre des gouvernants critiqués et des constituants qui se sont attirés les foudres populaires depuis qu’ils ont refusé de quitter l’hémicycle en 2012. Mais qu’est-il arrivé pour que la Tunisie soit témoin d’un tel bordel aujourd’hui ? 


L’Assemblée nationale constituante est actuellement en train de débattre la loi antiterroriste. Réunis en commission, les élus n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur certaines de ces dispositions, dont notamment la définition même à accorder au terme « terrorisme ». Kalthoum Badreddine, présidente de la commission de législation générale, a affirmé que «même les lois et traités internationaux n’ont pas statué sur la définition du terrorisme considérant ce phénomène trop complexe pour être cerné ». Bien que complexe en effet, ce phénomène sévit bien sur nos terres et est loin d’y être étranger depuis plusieurs mois.

L’attaque la plus sanglante a eu lieu hier, mercredi 16 juillet 2014, peu après la rupture du jeûne en ce mois de Ramadan. Il ne s’agit pas de la première fois que les attentats « terroristes » font des morts en ce mois saint, période de prédilection pour les jihadistes visiblement. L’année dernière, 8 soldats ont été tués et mutilés le 29 juillet 2013, équivalant au 19 du mois de Ramadan. Soit à peine 4 jours après l’assassinat du député de gauche, Mohamed Brahmi, à Tunis le jour de la célébration de la fête de la République. Cette année, après presque un an, jour pour jour, les « terroristes » choisiront le 18 du mois de Ramadan pour commettre l’attaque la plus sanglante depuis la révolution de 2011, et même depuis 1956. Cette date n'a certes pas été choisie au hasard, elle correspond à celle de la Bataille de Badr, ayant eu lieu très exactement un 17 du mois de Ramadan et correspondant à la première bataille victorieuse des Arabes musulmans.

14 soldats ont décédé dans l’attaque d’hier sur le mont Châambi et on déplore plus d’une vingtaine de blessés. A l'heure de l'écriture de ces lignes, un autre soldat demeure disparu et on ignore s'il est encore ou vie ou s'il a été kidnappé par les assaillants. Selon les déclarations du ministre de la Défense nationale qui a donné une conférence de presse tard dans la journée du 17 juillet, « ce bilan pourrait s’alourdir et est déjà le plus lourd enregistré par l’armée tunisienne depuis l’indépendance ».


Trois jours de deuil national ont été décrétés par la présidence de la République et le ministère de la Culture annonce le report de toutes les manifestations culturelles prévues durant les 17, 18 et 19 juillet courant. D’un autre côté, cette attaque a fait aussi des heureux. Des manifestations morbides ont été tenues par des groupes sympathisants avec les « terroristes », dans la nuit du mercredi à jeudi 17 juillet 2014, dans les mosquées et les rues à Bizerte, Jarzouna, Sidi Ali Ben Aoun, la cité Ezzouhour à Kasserine et la Délégation de Ben Guerdane.


« Le sacrifice suprême des soldats tombés en martyrs ne sera pas vain et l’Etat sera toujours là malgré ces conspirations criminelles », avait déclaré Moncef Marzouki qui n’a pas cessé de multiplier les indignations contre le terrorisme dans un discours prononcé lors d’un énième éloge funèbre aux soldats tombés en martyrs au mont Chaâmbi. Aujourd’hui, les « terrorises » ont un nouveau mode opératoire, ils attaquent au RPG [lance-roquette]. Dans la soirée du mercredi vers 19h40, à l’heure précise de la rupture du jeûne, deux attaques simultanées ont visé deux postes de surveillance de l’armée et les soldats tués sont tombés sous les tirs de mitrailleuses et de RPG.
Cette attaque a rapidement été revendiquée sur les réseaux sociaux par le groupe islamiste de Oqba In Nefaâ, affiliation d’AQMI qui a décidé de sortir de son silence en mai, en revendiquant la responsabilité de récents attentats dans le pays, notamment, l’attaque du domicile de Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’Intérieur à Kasserine. Attentat qui a causé la mort de quatre membres des forces de l’ordre.

Chaâmbi est une zone militaire fermée et l'armée tunisienne y traque, depuis décembre 2012, un groupe armé lié à Al Qaïda. Ce nouvel attentat est donc plus que prévisible. En effet, quelques dizaines de combattants armés se cacheraient à l’heure actuelle dans les montagnes, selon des responsables de la sécurité cités par le journal Al Jazeera. Nombre d’entre eux seraient de nationalité algérienne et disposeraient d’armes en provenance de Libye. Un groupe terroriste, spécialisé dans la contrebande d’armes, a d’ailleurs été arrêté il y a quelques jours. Ses membres planifiaient des attentats terroristes en Tunisie et ils ne sont visiblement pas les seuls.

Le ministre de la Défense le reconnait par ailleurs lors de la conférence de presse tenue aujourd’hui, conjointement avec le ministère de l’Intérieur. Tout en précisant qu’entre 40 et 60 « terroristes » ont attaqué l’Armée nationale, il affirme « Nous savons très bien que la période du Ramadan et celle des élections seront des périodes chaudes en la matière et que les terroristes tenteront d’empêcher en l’occurrence la tenue des prochaines élections au moyen de plans diaboliques qui visent d’ailleurs toute la région du Maghreb Arabe ». Ghazi Jeribi n’a pas hésité non plus à énumérer les « nombreuses mesures de précaution décidées et appliquées » afin d’y remédier. Ceci n’a pourtant pas empêché la tenue de l’attentat le plus sanglant de l’histoire du pays depuis 50 ans. Le ministère de l’Intérieur lui emboite le pas et établit une liste des attaques terroristes, prévues pendant Ramadan, qui ont été déjouées au cours des 19 premiers jours du mois. Parmi ces opérations, l'une d'entre elle s'est déroulée avec la coordination des agents de la Garde nationale et de la sécurité, infiltrés par les « terrorises ».

Si les anciens gouvernements de la Troïka sont accusés par nombreuses parties politiques, citoyennes et de la société civile d’avoir permis au terrorisme de gangréner, le gouvernement actuel ne semble pas être de taille à y faire face. Discours haineux, accès des extrémistes à de larges audiences, associations violentes opérant impunément, et encore, la situation actuelle, certes bordélique, n’est pas née d’hier. Il s’agit de la résultante d’un long laisser-aller et d’une volonté politique visant à ne pas combattre les responsables des attentats d'aujourd'hui.

Le journaliste et candidat à la présidentielle, Zied El Héni, a appelé aujourd’hui à une nouvelle marche pacifique vendredi 18 juillet afin d'exhorter l’ANC à voter de toute urgence la loi anti-terroriste, avant le 24 juillet. « Il n’y aura plus ensuite une ANC. C’est fini, nous n’avons plus de patience, le complot contre notre pays doit s’arrêter », a-t-il déclaré.
Et pourtant, dans cette floraison de manifestations, de communiqués dénonciateurs, de jours de deuil et de festivals annulés, de jeunes membres de l’Armée continuent à servir de chair à canons sans qu’aucune réelle définition ne daigne encore être donnée au mot « terrorisme »...

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