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Chroniques
Ne gâchons pas notre joie électorale !
Par Synda Tajine
23/10/2014 | 16:00
3 min
Ne gâchons pas notre joie électorale !

Par Synda Tajine

Qu’est-ce qui pourrait bien gâcher notre joie électorale ?
Dans trois jours, nous irons tous déposer nos bulletins secrets dans les urnes, tout comme nous l’avions fait il y a aujourd’hui 3 ans jour pour jour. Mais je ne vous apprends sans doute rien.

Pour nombreux, en ce 23 octobre 2014, la partie semble être déjà jouée d’avance et les jeux sont faits. Mais qu’est-ce qui fait autant peur à nos politiques et menace leur fameuse « joie électorale » ? « Tout peut changer en quelques jours », nous confient certains d’entre eux.
On redoute la diffusion de la « Boîte noire » d’Al Jazeera, à la veille des élections, avec ses accusations contre la Troïka et plus particulièrement Ennahdha dans l’assassinat de Chokri Belaïd.
On redoute que le documentaire diffusé sur Nessma montre le véritable côté sombre de Slim Riahi, qui a déçu ses futurs électeurs avant même qu’ils ne votent pour lui.
On redoute les affiches collées là où il ne faut pas, celles qui prennent une place qui n’est pas la leur et celles qui prennent le bus pour parcourir la ville.
On redoute que l’émission « Enquête exclusive », diffusée sur M6, redonne à un Marzouki en mal de popularité, son aura des jours heureux.
On redoute que les partis filmant leurs meetings avec des drones embellissent au monde la réelle ampleur de leurs manifestations populaires. On redoute que d’autres l’enjolivent au moyen de retouches Photoshop.
On redoute que les voix achetées et les cadeaux offerts, servent l’adversaire et l’ennemi ou, au contraire, ne portent pas leurs fruits.
Mais tout cela est-il utile en fin de compte ? Pour les instituts de sondage, la partie semble être jouée d’avance et le palmarès des gagnants est inscrit noir sur blanc. En réalité, les partis semblent, aussi, malgré leur crainte, croire en la même chose. Confiants quant à leurs chances de remporter une partie, plus ou moins conséquente, du scrutin, nos politiques n’attendent plus que la cérémonie de remise des prix pour couronner leurs efforts. Une hôtesse perchée sur talons hauts les conduira vers leurs sièges respectifs au Parlement, au rythme de l’hymne national. Tout aura été préparé pour célébrer, tenues de cérémonie, champagne (ou thé vert) et petites douceurs.
Ennahdha et Nidaa Tounes caracoleront en haut du classement. D’autres, en revanche, aujourd’hui moins conséquents, tels que le CPR, Ettakatol, Afek, l’UPT ou encore, Attayar, la liste de la mobylette, de la rose, de la théière et autres listes improvisées à la veille du scrutin, crieront à l’unisson : « Non, ne serons pas les nouveaux 0,000 de 2014 ». Ne leur gâchons pas ce bonheur, fichtre !

Mais qu’en est-il de notre joie électorale à nous, loin des politiques qui roulent des mécaniques et qui multiplient les promesses, souvent mensongères, pour nous appâter ? Nous les électeurs qui nous déplacerons en masse, ou peut-être pas, pour leur donner nos voix si précieuses. Plus de 5 millions de Tunisiens éliront, dimanche, dans 33 circonscriptions électorales, 217 parlementaires sur un total de 15.652 candidats sur 1.500 listes. Soit 910 listes de partis, 472 listes indépendantes et 158 listes de coalition. Voilà de quoi donner le tournis !

Mais ce qui donne le plus le vertige c’est que, ses deuxièmes élections démocratiques en Tunisie ne déchaînent pas les passions. A peine trois ans que la révolution a été consommée et les citoyens ne manifestent aucun réel engouement à élire les représentants du peuple de demain. Les Tunisiens continuent à se morfondre devant la saleté ambiante, à crier non à la vie chère, à appeler à de l’emploi, à vouloir qu’on les protège du terrorisme, mais refusent d’élire les personnes qui apporteront les mécanismes nécessaires pour que tout ceci soit possible. Trois ans après la révolution, une résignation abasourdissante fait place. Les gens ne savent pas pour qui voter et ne voient même pas l’intérêt de se déplacer dimanche. Seule la présidentielle semble raviver la flamme démocratique, comme si rien n’avait changé.
Loin du terrorisme, de la précarité, de l’instabilité et des guerres politiques sans queue ni tête, ce qui pourrait sans doute gâcher notre joie électorale ce serait de ne pas voir des queues se former devant les bureaux de vote, de ne pas se faire bousculer par un citoyen impatient de glisser son bulletin dans l’urne, de ne pas se faire griller sous le soleil pendant des heures en attendant son tour…
Peu importe qui sera élu et célébrera sa joie électorale. Peu importe qui prendra la déculottée de sa vie et devra se terrer loin des moqueries. Les 0,000 de demain seront ceux qui ne voteront pas, qui ne représenteront rien et ne se feront représenter par personne…

Par Synda Tajine
23/10/2014 | 16:00
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