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Tribunes
La corruption n’est pas une fatalité
04/09/2014 | 11:34
6 min
La corruption n’est pas une fatalité

Par Nadia Chaâbane

Le temps de la dénonciation est révolu, il est temps d’agir

La corruption appelée « fassad » n’est pas une fatalité et on peut l’éradiquer de notre pays, cela tient à chacun de nous. Face à cette gangrène, les phrases que l’on entend le plus, « on n’y peut rien », « ça marche comme ça », « il n’y a rien à faire » « chna3mlou » « athakahaw » mais en tenant ce discours, on l’autorise, on lui permet d’exister, on le banalise…
D’abord, Il n’y a pas de petite et de grande corruption, c’est la même chose. Celui qui la pratique à petite échelle, finirait par la pratiquer à grande échelle. Mais le crime reste le même. Par ailleurs, il n’y a pas de corruption s’il n’y a pas de « corruptible ».

La corruption prend des formes multiples et se pratique dans tous les secteurs : qu’elle s’appelle « rachwa », piston, abus de bien public, clientélisme…… Ce sont tous, des actes répréhensibles et ils correspondent à des infractions, des délits et même des crimes, dans certains cas.

La corruption s’est installée comme une évidence dans tous les secteurs car on a laissé faire pendant des années et tout le monde a fini par trouver cela normal. Vous conduisez en téléphonant, vous commettez une infraction, elle vous coûte 60 DT. Vous préférez donner un billet de 10 ou 20 au policier pour qu’il ferme l’œil. Parfois il n’attend que ça, finit par s’y habituer et même l’ériger en système.
Vous entrez dans une clinique et vous voyez du matériel portant l’étiquette d’un établissement public, vous comprenez qu’il y a un soignant cleptomane qui, à force de naviguer entre les établissements, s’autorise à transférer des biens dont il a l’usage là où il désire et non, selon les règles qui régissent les espaces où il exerce.

Lorsque certains responsables confondent leur frigo avec celui de l’institution qu’ils dirigent. Lorsque l’entretien de la voiture assurant les déplacements de l’enfant passe par le service d’entretien du véhicule de service et que des bons d’essence se transforment en cash. Lorsqu’une infraction à la douane est monnayée et qu’un produit pourtant interdit traverse illégalement les frontières. Lorsque le PV du feu rouge non respecté n’est jamais rédigé et qu’il atterrit en billet bien plié au fond d’une poche.
Lorsque le littoral est défiguré par l’octroi d’un permis qui ne correspond à aucune règle d’urbanisme. Lorsqu’une aide sociale pour réparer un habitat donnée sous forme de bons de matériel se transforme en cash pour le mariage du fils ainé. Lorsqu’une infraction est interceptée en amont et qu’une négociation à l’amiable tarifée est faite avant même que le dossier n’atterrisse chez le juge. Lorsque des pièces disparaissent d’un dossier car l’administration est parfois frappée « d’Alzheimer » et ne sait plus ce qu’elle fait de ses archives. Que dire alors de certains enseignants qui vont jusqu’à louer des espaces pour cumuler les heures et les élèves dont les leurs ?

Lorsqu’un jeune triche aux examens, en utilisant un Kit réglé entre 400 à 450 DT, les parents ne peuvent pas ne pas savoir. Lorsqu’on raconte que l’accès à certains emplois dans la fonction publique est tarifé et que ce marché se serait adapté au point de proposer des facilités de paiement, un peu comme un crédit emploi, fantasme ou réalité ? Mais c’est ce qui se répète par les Tunisiens.
J’allais oublier un autre micmac bien rodé aussi, les accidentés de la route qui atterrissent à l’hôpital : Combien ont vu leurs dossiers disparaitre et ont finalement été déroutés vers une clinique alors qu’ils n’ont rien demandé ? Combien se sont fait opérer pour une onéreuse intervention qui pouvait, devait même, être pratiquée par le même médecin à l’hôpital public et suivi par les mêmes avocats quant à l’accident lui-même ?

Il n’est pas très difficile de croiser les données dans ce cas si on veut mettre fin à ce type de pratiques. Je ne parlerai pas de la contrebande, de l’évasion fiscale et de tous les marchés parallèles dont une partie de la marchandise n’est autre que du recel. Je ne parlerai pas des appels d’offre, des attributions des marchés qui se font sur une base clientéliste et qui sont accompagnés par de belles enveloppes bien pleines. N’oublions pas les terres domaniales et leurs gestions, les produits compensés par l’Etat, tel que l’huile par exemple, qui est importée pour être vendue aux citoyens à un prix abordable, mais dont une grande partie est rachetée et réexportée à prix fort comme huile usitée par des sociétés corrompues. Ce ne sont là que quelques échantillons des travers que connaît notre société, qui sont des cas criants de corruption. Pourtant, nos concitoyens, malgré eux, finissent par trouver cela presque normal, la débrouille en somme. D’autant plus que c’est l’Etat, donc vous et moi, qui à son insu ou par son silence complice se trouve lésé. Notre but c’est de tirer la sonnette d’alarme pour combattre ensemble ce phénomène et qui doit devenir « une cause nationale ».

Tout cela se fait parce qu’il est accepté car peu de personnes ont honnêtement évité ce recours, un jour ou l’autre à un dépassement de droit. On se trouve tous des excuses du genre « oui mais ce n’est pas pareil »…. Finalement si, c’est pareil. C’est la même chose, petite ou grande. La corruption c’est la même gangrène. C’est un état d’esprit de s’estimer plus futé, plus débrouillard que les autres et quelque part hors la loi. Cela se fait, hélas, sciemment.

Comment peut-on parler d’égalité de chances entre les régions et les classes sociales avec ce clientélisme et cette corruption qui rongent notre société. On ne parlerait pas de bonne gouvernance et de transparence s’il n’y avait pas autant d’opacité dans les pratiques et tant d’entorses aux règles.
On ne parlerait pas de restructurer et de réformer s’il n’y avait pas autant d’abus de biens publics.
Il est plus que temps que cela cesse et c’est possible, il n’y a pas de fatalité en cela.
Changer les pratiques et l’état d’esprit nécessite, certes, du temps mais exige aussi des outils, une véritable volonté politique et la mise en place d’un système de contrôle autre que celui existant, car il n’est plus opérant.

Certes le mal est immense mais « Maâlich » comme disent les Algériens, ce n’est pas irréversible. Ensemble on peut trouver des solutions et redresser notre pays.

Je vous propose de nous pencher ensemble sur ces problèmes qui rongent notre société pour trouver les solutions, non pas au niveau législatif car il existe beaucoup de lois et une instance constitutionnelle verra le jour dans les années à venir pour lutter contre « al fassad », mais pour réfléchir au-delà de la loi à des actions concrètes et sectorielles.

A titre d’exemple, comment voyez-vous les choses pour éradiquer la corruption à la douane, pour qu’à l’hôpital plus aucun médicament ou matériel ne puisse atterrir ailleurs…. ? Et les exemples sont incalculables. On pourrait voir ce qui se fait ailleurs et, à partir de là, creuser des pistes réalisables chez nous, en partant d’autres expériences et en tenant compte de nos moyens.
Pour participer à ce chantier et cette campagne « hamlit nadhafa » «campagne pays propre » vous pouvez vous joindre à nous sur notre page Facebook

Vous voulez témoigner ou envoyer des propositions anonymement, vous pouvez nous écrire sur ce mail : hamlitnadhafa@yahoo.fr
Le contenu sera exploité pour cette cause nationale et votre nom protégé. On s’y engage.

Un vers de Abou Elkacem Chebbi restera pour moi la seule voie à prendre

« وَمَنْ لا يُحِبّ صُعُودَ الجِبَـالِ يَعِشْ أَبَدَ الدَّهْرِ بَيْنَ الحُفَـر »

Attaquons ce vaste chantier ensemble, car nous voulons que les choses changent.



04/09/2014 | 11:34
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