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Chroniques
Dialogue avec un abstentionniste
22/10/2014 | 15:59
5 min
Par Marouen Achouri

Il ne fait aucun doute, ou presque, que le parti qui aura le plus de voix aux prochaines élections sera celui des abstentionnistes. Ces personnes n’y croient plus et ont démissionné de la chose publique. J’ai discuté plusieurs fois avec des personnes qui ne comptent pas aller voter et il a été difficile, par moment, de faire face à leurs arguments tant notre classe politique est faillible.

- Je n’irais pas voter, ça ne m’intéresse pas. Ce sont tous des menteurs et rien ne va changer dans ce pays que je vote ou pas.

- Oui c’est un point de vue, mais si tu ne vas pas voter tu es certain de ne rien changer dans ce pays, alors que si tu votes tu auras au moins une chance, ne serait-ce qu’infime d’influer sur les choses.

- Mais arrête ! Influer sur quoi au juste ? T’as vu ce qui s’est passé en 2011 ? Sur quoi on a influé ? On n’a fait que subir !

- D’accord c’était une erreur on est d’accord, mais quand tu vas acheter du lait chez un épicier et que le lait était tourné. Tu changes d’épicier ou tu renonces à consommer du lait pour le restant de tes jours ?

- Oui, peut être…

Il y a aussi les fans de la théorie du complot, ceux qui pensent que tout est déjà écrit et décidé et que voter ou pas ne changera absolument rien.

- Tu penses sincèrement que le gagnant des élections n’a pas déjà été choisi par les Américains, les Anglais et les Français ?

- En admettant que ce soit vrai qu’est ce que tu proposes ? On reste à la maison et on ne fait rien du tout ?

- En tout cas, ce que je sais c’est que les jeux sont faits d’avance et que tout ça n’est qu’une grande mascarade pour nous vendre leur truc comme étant une vraie démocratie et des élections transparentes et intègres et tout.

- Et si on imagine que c’est le cas, il devrait quand même nous rester une petite marge de manœuvre. Les grands architectes de ce grand complot n’ont quand même pas acheté tous les observateurs de Tunisie et de l’étranger, ils n’ont quand même pas corrompu tous les partis. Peut-être qu’une certaine tendance est fixée mais pourquoi devrions-nous subir en étant complètement inertes ?

- Mais ça ne sert à rien ! Le deal est déjà fait et nos votes ne vont rien y changer, que ce soit le mien ou celui de tout le peuple !
- Ne crois-tu pas que c’est légèrement débile de réfléchir de cette manière ? Tu enlèves à tout un peuple l’aptitude à décider de son destin et tu t’enlèves, tant qu’individu, tout libre arbitre.

- Je n’ai rien enlevé à personne je ne fais qu’énoncer des constatations.

- Je te comprends. Il est bien plus facile de se transformer en une marionnette aux mains de forces obscures, comme ça tu seras toujours une victime et tu ne seras responsable d’aucune décision. Puisque tu ne décides pas, tu peux te cacher derrière les autres et te contenter de parcourir les cafés en disant : je vous l’avais dit ! En fait, tu te délestes de ta citoyenneté et tu ne cherches pas à changer les choses. Tu n’as même pas pris la peine d’apporter ne serait ce que le début d’une preuve de ce que tu avances. En fait, tu es démissionnaire sans avoir rien essayé et tu n’as même pas le courage de l’assumer. Tu mets ça sur le dos des puissances étrangères ou des francs maçons ou des extraterrestres.

« C’est pas ma faute, c’est celle des autres ! » !
- Cette discussion ne mène à rien avec toi, tu vis isolé du monde qui nous entoure, tu es un utopiste.

- T’aurais pas voté CPR en 2011 toi ?

Evidemment, cette discussion-là n’est pas allée plus loin. Il y a peu de choses à faire quand on a sciemment choisi de se défaire de toute responsabilité et de jouer le rôle de la victime à qui on joue des tours.

- Moi je ne voterai pas parce qu’aucun de ces politiciens ne me représente. Je ne me sens proche d’aucun d’entre eux et j’en ai rien à faire de leurs idées.
- Tu as pris le temps de regarde tous leurs programmes et de voir ce que chacun d’eux propose ?

- Tu sais bien que c’est impossible avec le nombre de partis qu’il y a ! Mais on sait tous ce qu’il y a sur la place. Je ne voterai pas pour les islamistes et je ne voterai pas non plus pour ceux qui « pleurent leur Tunisie ». Je ne suis pas non plus attiré par les thèses des communistes, qu’est ce que je pourrais voter ?

- Je ne sais pas pour qui tu devrais voter, tout ce que je sais c’est que tu dois aller voter !

- Non ça ne m’intéresse pas, si je ne vote pas par conviction je préfère rester chez moi. Les politiciens ne méritent pas que je me déplace pour eux.

- Alors tu préfères faire comme ceux qui restent chez eux et qui incitent les gens à ne pas quitter leur lit le jour du 26 octobre ?

- Non ce n’est pas ça. C’est justement parce que je suis conscient de l’importance du vote que je ne veux pas voter sans être convaincu.

- Alors il ne te reste qu’un seul choix, celui de voter blanc.

- C’est quoi un vote blanc ?

- Tu y vas et tu ne coches aucune case. C’est une manière d’exprimer le fait que tu n’es convaincu par aucun politicien. C’est un vote contestataire qui te permet d’exercer ton droit de voter et surtout, tu pourras t’exprimer.

- Faut voir…

Le 26 octobre 2014, le peuple tunisien sera appelé aux urnes pour composer son assemblée nationale. Il ne s’agit pas de sauver le pays et de se dire que tous nos problèmes seront résolus. On va juste désigner certaines personnes pour leur confier les rênes du pays pendant 5 ans. Le fait d’avoir voté nous donnera le droit de réclamer des comptes à ceux qu’on aura élus et on continuera à surveiller leur activité, comme ce fût le cas pour l’ANC.
22/10/2014 | 15:59
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