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Rached Ghannouchi coupe l'herbe sous le pied de Moncef Marzouki
17/12/2014 | 19:59
6 min
Rached Ghannouchi coupe l'herbe sous le pied de Moncef Marzouki

La position du parti Ennahdha dans la course présidentielle entre Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi a soulevé plusieurs questions. C’est le président du parti qui s’est coltiné la tache de clarifier la position d’Ennahdha au cours d’une longue interview diffusée hier, 16 décembre sur Nessma TV et une deuxième sur Mosaïque FM aujourd’hui. Il délivra plusieurs messages à l’attention des deux candidats. Décryptage.

Les interventions médiatiques du chef du parti Ennahdha étaient placées sous le signe de l’apaisement et de la neutralité. En effet, Rached Ghannouchi a tenu à préciser davantage la position officielle de son parti en répétant que : « Ennahdha n’a pas de candidat et n’en soutient aucun. Le parti n’a pas de véto à l’encontre de l’un des deux candidats ». Conscient que la position officielle du parti, réaffirmée lors de la dernière réunion du conseil de la Choura, peut paraître floue, le chef islamiste a déclaré que si son parti avait un candidat, il n’hésiterait pas à le soutenir publiquement.
Par ailleurs, Rached Ghannouchi a expliqué qu'Ennahdha a décidé de ne pas s’engager dans la course présidentielle pour ne pas aggraver la bipolarité de la scène politique tunisienne. Il a aussi justifié ce choix par le fait que le parti avait constaté ce qu’impliquait l’entrée des islamistes dans la course présidentielle dans d’autres pays. Sans le dire clairement, Rached Ghannouchi fait allusion à ce qui s’est passé en Egypte et au fait que Mohamed Morsi avait été renversé par le général Sissi. Il a également ajouté que « si Ennahdha entrait dans une bataille, celle-ci serait ardue », comme pour rappeler le poids d’Ennahdha d’un côté et pour dire que la bataille actuelle se fait sans son parti.

Cette position de neutralité affichée par Ennahdha a été vivement remise en cause par les résultats du premier tour de la présidentielle. En effet, plusieurs analystes ont établi une corrélation entre le million de voix récoltées par Moncef Marzouki et l’électorat d’Ennahdha. Il était devenu clair qu’une grande majorité de cet électorat avait voté en faveur de Moncef Marzouki surtout lorsqu’on sait que le parti présidentiel, le CPR, n’a récolté que quatre sièges aux élections législatives. Par conséquent, beaucoup ont supposé l’existence de consignes secrètes de la part du parti islamiste pour un vote massif en faveur de Moncef Marzouki.
Rached Ghannouchi a répondu sur ce point en niant, d’abord, l’existence de consignes secrètes en assurant que l’unique position du parti est celle qui est officiellement déclarée. Par ailleurs, le chef du parti Ennahdha a expliqué que l’un des candidats, faisant allusion à Moncef Marzouki, a réussi à attirer les électeurs d’Ennahdha par son discours alors que l’autre, à savoir Béji Caïd Essebsi, n’a pas réussi à le faire. M. Ghannouchi explique l’échec de BCE à profiter de l’électorat d’Ennahdha par l’attitude et les déclarations de certains dirigeants de Nidaa Tounes. Selon lui, ces dirigeants auraient continué à dire à l’électorat nahdhaoui qu’il « ne leur ressemblait pas » et que « Ennahdha ne ferait pas partie du prochain gouvernement », dans un clin d’œil à Taïeb Baccouche.

Questionné sur la mobilisation d’observateurs d’Ennahdha lors de l’élection présidentielle, Rached Ghannouchi a rétorqué que les observateurs du parti sont à la disposition de celui qui les demande car il va de l’intérêt de la Tunisie d’avoir un processus électoral transparent. Ainsi, le chef islamiste a expliqué que les observateurs d’Ennahdha s’étaient mobilisés à la demande du CPR et de Moncef Marzouki mais pas seulement. Ces observateurs ont également été sollicités par d’autres candidats dont l'indépendant Mohamed Frikha.

Dans ses interventions, Rached Ghannouchi a également adressé des piques à son allié d’hier, Moncef Marzouki. Il a tenu, d’abord, à dissiper tout doute sur une éventuelle alliance héritée du passé en précisant que la troïka et ses alliances sont finies depuis le jour où le gouvernement d’Ennahdha a quitté le pouvoir. Ensuite, Rached Ghannouchi a déclaré qu’il n’avait pas peur du retour de la tyrannie en Tunisie. Ainsi, il a expliqué que l’existence de plusieurs partis politiques et d’une société civile puissante et active ne permettrait pas le retour d’une quelconque forme de dictature. Il a également affirmé que le peuple tunisien n’accepterait plus d’être tyrannisé et qu’il ne voudrait pas de médias soumis à la solde du pouvoir. Par ses déclarations, Rached Ghannouchi torpille l’un des arguments phares de la campagne de Moncef Marzouki qui n’a cessé de brandir la menace du retour de la tyrannie pour tenter de s’attirer une certaine sympathie.

Le président du parti Ennahdha a également mis à mal un autre argument de campagne du président de la République. Moncef Marzouki a bâti une partie de sa campagne sur l’idée de l’hégémonie d’un seul parti sur trois pouvoirs différents : la présidence de l’Assemblée, la présidence du gouvernement et celle de la République. Il n’a cessé d’expliquer que le fait que ces trois présidences soient aux mains d’un seul parti pouvait constituer une menace pour la démocratie. Rached Gannouchi, pour sa part, a expliqué que l’expérience de la troïka avait été compliquée en partie à cause de ce qu’il a appelé «la gestion multiple ». Selon lui, la gestion de la multitude, à savoir le partage de pouvoirs entre différentes obédiences politiques, était possible mais difficile. Il a pris pour exemple l’affaire Baghdadi Mahmoudi pendant laquelle le gouvernement et le président de la République n’étaient pas sur la même longueur d’ondes en pointant les difficultés qu’une telle situation peut engendrer. Quand on sait que le président à ce moment là était Moncef Marzouki et qu’il avait des relations globalement bonnes avec Ennahdha qui était à la tête du gouvernement, le message de Rached Ghannouchi sur les éventuelles difficultés futures parait clair. Il a ajouté également que la conjoncture selon laquelle un président peut gouverner sans avoir de majorité parlementaire était problématique même dans les démocraties les plus avancées, alors que dire de cette situation dans une démocratie en construction comme celle de la Tunisie.  


Dernier coup de massue au discours de Moncef Marzouki : la nécessité de respecter les résultats officiels des élections par le candidat perdant. Il faut rappeler ici que Moncef Marzouki avait déclaré que son adversaire ne pourrait le battre qu’en utilisant la fraude et la falsification. Rached Ghannouchi a tenu à remettre les choses en place en disant que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) avait été mise en place pour, justement, dissiper tous les doutes sur la transparence du scrutin. Il a aussi appelé le candidat perdant à respecter les résultats qui seront annoncés par l’ISIE. 


Les apparitions médiatiques de Rached Ghannouchi ont été saluées par plusieurs observateurs et même par des membres et des dirigeants de Nidaa Tounes. Ils y ont trouvé un discours mesuré, responsable et apaisant à trois jours de l’élection présidentielle. Les plus grands défis se poseront juste après l’installation du nouveau pouvoir et comme l’a dit et répété Rached Ghannouchi : « Le monde ne finira pas dimanche ! ».

Marouen Achouri



Pour voir l’intégralité de l’interview sur Nessma TV cliquer ici
 

17/12/2014 | 19:59
6 min
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Commentaires (18) Commenter
Pas sur
Hannibal
| 23-12-2014 10:48
Ennahdha a voté Marzouki...point à la ligne. Pourquoi ils ne l'ont pas déclaré publiquement ... c'est ça la question. Ils continuent leur politique de jeu de cache cache. Ils n'ont pas encore fini leur processus de maturité. Mais ils avancent quand même.
@ BN & Cie
Balhatn
| 18-12-2014 16:28
Non chers amis...
Vous l'avez fait sortie pour couper l'herbe sous les pieds de Hamadi Jebali
Oui vous savez très bien ça.
Jebali n'aura aucun droit de réserve... et yalitou il dévoile tout... tout : Mahmoudi,.. nabil karoui, etc
Ennahdha agit encore comme par le temps de clandestinité
Kelmet Hak
| 18-12-2014 15:52
Ennahdha a su garder ses méthodes de clandestinité. Ils ne disent jamais leur point de vue en publique mais ils savent passer des mots d'ordres secrets.
les man'uvres machiavéliques de Ghannouchi
drmohamedsellam
| 18-12-2014 15:50
Les man'uvres machiavéliques de Ghannouchi.
Ghannouchi,qui respire par ailleurs l'opportunisme le plus échevelé, apostat quand il le faut,caméléon à deux têtes,un renard sournois et futé, roublard imbattable,semble avoir pris la décision cruciale de lâcher son partenaire historique,en l'occurrence M.marzouki..D'ailleurs,ce dernier l'a bien mérité..Il n'a rien dans la tête que des leitmotiv qu'il rabâchait à longueur de journée et en toute occasion :la hantise du RCD.
Franchement,je ne puis imaginer que cet homme puisse avoir de partisans ou sympathisants pour voter en sa faveur
Un type folichon,mégalompane, utopiste, égoïste souffrant d'un handicap au niveau du cerveau', nul et manquant de sérieux, de prestige et de charisme à tous les niveaux'S'il est élu,la Tunisie doit se préparer à affronter des crises insurmontables' !
Ne jamais faire confience a un khouenji
Alyssa
| 18-12-2014 15:43
Not in a million years...
attention à la modération du renard
watani
| 18-12-2014 14:59
Ghannouchi est un fréro, la din wa lamilla, personne ne le croit et personne n'éprouvr de sympathie en vers lui. Brabbi, comment vous croyez à un traitre qui a semé la terreur durant 3 ans de troyka. Heureusement que l'opposition et le peuple tunisien étaient éveillé. Vive la Tunisie et vive Bajbouj.
Repli tactique
kameleon78
| 18-12-2014 13:12
Ghannouchi agit comme un général dans un conflit militaire en faisant un repli tactique. Dans cette période où Nidaa tounès à la chambre des représentants du peuple est en pôle position pour constituer un gouvernement , RG essaiera de négocier un strapontin gouvernemental. Le chef du parti islamiste reçoit tous les matins les résultats des sondages dans son bureau de Montplaisir donc il sait qu'il ne reste plus pour Marzouki que quelques jours à Carthage, il lâche le "cheval perdant" pour négocier avec le "cheval gagnant". Rached Ghannouchi est un "frère musulman", il adopte leur tactique partout où ils sont implantés : 1. Utiliser le double discours. 2. Faire un repli tactique en faisant le dos rond en attendant les jours meilleurs. Avec tous ces éléments, Marzouki a son sort scellé même si le discours officiel appelle à une neutralité bienveillante, le message officieux est de voter pour le président du CPR. (ne le dites pas à haute voix).
Sacré vieux renard
espoirtun2011
| 18-12-2014 12:22
Pourquoi voulez vous que ce vieux renard de RG qui a tout fait, y compris quitter (sans le perdre des yeux) le pouvoir, pourquoi voulez vous qu'il assume les casseroles du soldat 3M.
Il prend un risque mesuré d'exploser son parti, mais si tout se passe bien, il fera tout pour jouer son rôle d'opposant et il sait que ce n'est pas en 5 ans que la Tunisie va repartir, trop d'incertitudes sécuritaires => trop d'incertitudes économiques (Investissement étrangers). Le futur gouvernement va devoir non seulement prendre des mesures structurelles courageuses mais aussi avoir la baraka( Inchallah). Mais ce weekend il faut aller voter en masse Une victoire en demie teinte sera la bienvenue pour Nahdha and Co
Position judicieuse si elle est suivie par les fans du mouvement ENNAHDHA
HAmma JRIDI
| 18-12-2014 11:48
Je salue cette position que je trouve louable et émanent d'un leader indépendant et qui prend ses distances vis à vis des deux candidats. Par sa position, notre Cheikh RACHED dit solennellement à Mr MMM, stop aux fausses allégations et accusations gratuites qu'il profère à l'encontre de son concurrent Mr BCE. Espérons que Mr MMM et les aimables compatriotes qui ont voté pour lui au premier tour comprendront qu'ils ont été trompés par ce dernier et que Mr MMM ne fait que présenter des illusions et des faits imaginaires et n'a pas les pieds sur terre. Chers électeurs et compatriotes de notre mouvement NNNAHDHA ne répétez pas l'erreur qui a eu lieu au premier tour, votez pour le candidat qui est franc et qui n'utilise pas des magouilles pour tromper les électeurs. Celui qui fait tout pour rester dans le pouvoir cas de Mr MMM ne mérite pas qu'on lui confie cette mission noble. Il y a une citation à ce sujet de notre khalifa Ali IBN AB TALEB karrama ALLAH wajhah qui peut être interprétée comme suit. " S'il y a une personne qui vient vous dire, donnez moi le pouvoir de vous gouverner, sachez qu'il n'est pas honnête et chassez le". Cette citation s'applique parfaitement au président sortant, qui malgré les échecs manifestes qu'il a réalisés dans son précédent mandat, tient coûte que coûte, y rester et coller au siège de président, en vue de continuer de profiter de la manne et des avantages abusifs décrétés par BEN ALI, qu'il tire sans aucune contrepartie réelle de son occupation du palais de Carthage, sans se soucier des pauvres citoyens qui gisent dans la misère.Son bilan est très catastrophique. Chat et chaudé craint l'eau froide. Cherchons un autre président et surtout pas Mr MMM qui aurait pu mettre le pays en faillite. Le salut était venu grâce au dialogue national auquel Mr MMM n' y croit pas et auquel il ne s'est pas inscrit ainsi que son parti. S'abstenir de voter ou présenter un bulletin de vote blanc, c'est de loin mieux que voter pour Mr MMM.
Bravo à notre Cheikh RACHED qui a mis la pendule à l'heure pour éclairer les électeurs de notre grand mouvement ENNAHDHA et ne pas répéter l'erreur qui a eu lieu au premier tour des élections présidentielles.
Reculer peour mieux sauter.
helara13
| 18-12-2014 11:00
L'Intervention de M. Ghannouchi traduit la stratégie murement réfléchie d'Ennahda. En se positionnant à mi distance des deux candidats, Ennahda conserve l'initiative de se rapprocher du futur élu sans se coltiner le poids de la défaite du recalé. Donc, elle s'approprie parfaitement le slogan de MM "nous gagnerons ou nous gagnerons" ! Il n'échappe à personne que M. Ghannouchi envoie un message à Bajbouj : si vous voulez les voies d'Ennahda dites-le. Autrement dis, si vous les voulez, il faut les mériter ( concessions obligent).