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La relance économique en Tunisie menacée par la poudrière libyenne
31/08/2014 | 1
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La relance économique en Tunisie menacée par la poudrière libyenne
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Depuis juillet 2014, l’instabilité politique et la violence armée se sont intensifiées en Libye. L’avenir du pays voisin de la Tunisie est incertain et risque de dégénérer à tout moment en un conflit qui déstabilisera durablement la région. La situation économique délicate en Tunisie se retrouvera d’autant plus fragilisée, alors que le pays prévoit un décollage de la croissance en 2015 avec l’installation de la stabilité politique, après les élections. La crise libyenne risquerait en ce sens de compromettre ce scénario optimiste et est en train d’impacter directement l’économie tunisienne.


La crise libyenne pourrait se répercuter négativement sur la relance économique tunisienne, selon le rapport publié en août 2014 (http://www.escwa.un.org/main/docs/EDGDLibyaAug2014.pdf), par la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), rattachée à l’ONU, et dont la Tunisie est membre depuis 2012. Une analyse de corrélation entre la Libye et la Tunisie, pour la période 1995-2013, a révélé un lien étroit entre leurs niveaux de PIB, et ce malgré les différences structurelles entre les deux pays. Cette corrélation survient principalement en raison de leurs liens économiques solides.

L’Europe absorbe près de 80% du commerce tunisien, d’après la CESAO. La faiblesse de la croissance en UE, a diminué par conséquent l’économie tunisienne. Toute autre perturbation affectera donc négativement la croissance économique du pays. Bien que la Libye reçoive seulement 5% des exportations tunisiennes, cela représente en moyenne 35,4% du PIB tunisien sur la période 2008-2013. Les exportations ont augmenté de 23,6% par an entre 2000 et 2013. Jusqu’à tout récemment, le dynamisme des exportations de la Tunisie vers la Libye a contribué à compenser la perte sur le marché européen. La Tunisie et la Libye ont développé des relations fortes sur les plans économiques et commerciaux. A titre d’exemple, un accord a été conclu en 2013, pour alimenter le marché tunisien de 650 mille barils de pétrole brut et de gaz, par mois. La Tunisie dépend donc en grande partie de ces importations, ce qui fait que les perturbations de la production en Libye, empêcheront le pays voisin de remplir ses engagements, sachant que la Libye fournissait plus de 25% des besoins en carburant tunisien, à un tarif préférentiel.

Par ailleurs, la CESAO a affirmé que les flux d’échanges informels entre la Libye et la Tunisie sont considérables et pourraient égaler la moitié du total des échanges commerciaux entre les deux pays. Effectivement, le commerce informel a principalement lieu à travers le poste frontalier de Ras Jedir. Ainsi, sa fermeture en raison de la détérioration de la situation sécuritaire en Libye, a entrainé d’énormes répercussions, étant donné que le commerce informel dans la région est une activité importante. L’échange informel implique un grand nombre de personnes, tels que les transporteurs, les vendeurs ambulants, les commerçants saisonniers ou les grossistes et consommateurs tunisiens, pour qui cette activité rend les marchandises plus abordables. En outre, diverses marchandises en provenance de Chine et de Turquie entrent en Tunisie à travers la Libye, à cause des différences de taxation, pouvant atteindre 78%. L’instabilité a entravé les circuits de commerce officiels libyens, de ce fait le commerce informel est devenu encore plus vital pour l’importation des marchandises nécessaires et pour les exportations, qui fournissent des revenus en devises étrangères.

L’impact économique de la fermeture des frontières tuniso-libyennes est difficile à estimer, cependant, il est indiqué que le taux de chômage à Ben Guerden est de 2% inférieur à la moyenne dans le gouvernorat de Médenine, qui est de 11%. Jusqu’à 20% de la population active est impliquée dans le commerce informel dans la région, dont 83% des habitants de Ben Guerden, ce qui en fait la principale source d’emploi. La CESAO cite un rapport publié par le Programme de développement des Nations Unies, selon lequel : 10 à 15 mille familles n’ont pas eu de revenus depuis février 2011, date du déclenchement de la révolution en Libye. Il se pourrait que cette situation soit la conséquence de la crise libyenne.

En ce qui concerne le tourisme, l’enquête estime qu’environ 1,8 million de touristes libyens se rendent en Tunisie chaque année. Se rapportant à une étude de la Banque africaine de développement, il a été démontré que les touristes libyens dépensent en moyenne 200 à 400 dinars tunisiens par semaine. D’un autre côté, le tourisme médical est devenu un puissant moteur de croissance économique en Tunisie. Le pays attire dans les 100 mille patients en provenance de Libye par an, ce qui porte les recettes totales du tourisme libyen à 890 millions de dinars tunisiens. Si ce flux diminue à cause des récents événements en Libye, cela nuirait à ce secteur crucial. L’enquête a rappelé qu’en 2011, les arrivées de touristes libyens en Tunisie ont chuté de 30%, confirmant cependant qu’à l’heure actuelle, une augmentation annuelle de 5,3 a été enregistrée : le tourisme tunisien est appelé à «prouver encore sa capacité de résilience».

Pendant ce temps, le nombre de réfugiés libyens a rapidement augmenté en Tunisie. D’aucuns diront que ce phénomène est bénéfique pour la Tunisie, mais c’est sans prendre en considération les répercussions engendrées par un afflux massif sur les caisses de l’Etat. Cela impactera directement les marchés de l’immobilier et l’inflation outre les probables menaces sur la sécurité intérieure. Et puis la Tunisie n’est pas équipée selon la CESAO pour gérer un flux important de réfugiés, vu que le pays ne dispose pas des systèmes d’asile conformes aux normes internationales.

Une autre conséquence de l’instabilité dans le pays voisin, est le retour des travailleurs tunisiens résidant en Libye. Le rapport indique qu’environ 40 mille travailleurs ont quitté la Libye en 2012, ce nombre est susceptible d’augmenter si les conflits persistent. D’ailleurs, la Banque mondiale estime que les transferts de fonds vers la Tunisie générés par ces travailleurs, représentent 0,56% du PIB tunisien. Bien que les transferts de fonds paraissent minimes, leur perte pourrait affecter le secteur privé. Le retour des travailleurs se répercutera également sur le marché du travail, en augmentant encore plus le taux de chômage en Tunisie.
En somme, le rapport de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale dévoile que la crise libyenne mettra en péril le développement économique en Tunisie sur le moyen et le long termes, ainsi tout impact même minime pourrait avoir des conséquences importantes pour le pays. Ajoutons à cela la détérioration sécuritaire qui met les autorités tunisiennes devant un défi de taille : le démantèlement des réseaux de contrebande d’armes utilisés pour commettre des opérations terroristes et les djihadistes qui tentent de s’infiltrer sur le sol tunisien.

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