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Chroniques
La folie des sondages
Par Synda Tajine
15/11/2014 | 15:59
4 min
La folie des sondages

Par Synda TAJINE

La majorité des personnes, un minimum informées de la chose politique, ont à leur disposition les résultats des sondages pour le prochain scrutin présidentiel. Chacun sait qui sera, selon les instituts de statistiques, classé premier ou deuxième, ainsi que les scores respectifs des favoris de la course à Carthage. Chacun sait qui sont les candidats farfelus qui ne risquent pas de décrocher plus de 1% des suffrages et ceux qui caracoleront en tête du classement. Rassurez-vous dans cet article, nous ne donnerons aucun chiffre et nous n’avancerons aucune des « précieuses » données en notre possession, de peur de voir cette épée de Damoclès qui est posée sur nos pauvres têtes s’abattre sur nous. Motus et bouche cousue donc. Tout le monde sait mais personne n’a le droit de parler.

En cette période pré-électorale, les sondages sont investis des plus grands pouvoirs : ceux d’influer sur la destinée du scrutin à venir. On sait tous qu’à quelques jours du vote, tout peut changer et la moindre donnée peut faire pencher la balance en faveur  d’un candidat ou d’un autre. Les sondages peuvent-ils réussir à opérer ce petit miracle, eux qui offrent des résultats figés présentés par les instituts comme la réalité absolue ? Ironie, ironie.
Une chose est sûre cependant, pour beaucoup de politiques, ces sondages sont décisifs. Comme pour ceux qui, attendant leur potence, s’accrochent au moindre espoir de voir leur bourreau retourner sur ses pas.
Mais cette relation ambivalente qu’entretiennent nos politiques avec les sondages est assez intéressante à observer : ils sont cités et criés sur tous les toits lorsque ceux-ci sont en leur faveur, mais critiqués, dénigrés et décrédibilisés lorsqu’ils font de votre premier rival le vainqueur des urnes. Certains n’hésitent pas cependant, plus que jamais peu confiants de ses chances vacillantes, à piocher dans la presse satirique et à se baser sur des sondages complètement à côté de la plaque, à la recherche d’un soutien ou d’une lueur d’espoir. 

La question de connaitre l’impact réel des sondages sur les résultats du scrutin se pose à chaque fois à l’approche de chaque échéance électorale, que ce soit dans la Tunisie transitionnelle, ou dans les plus grandes démocraties du monde. Mais si leur fiabilité réelle n’est plus à faire, étant basés sur des méthodes d’analyse mathématiques et statistiques reconnues par les experts en la matière, c’est plutôt leur impact sur le terrain qui fait débat aujourd’hui. 
La fiabilité de ces sondages n’est certes pas garantie à 100%. La marge d’erreur peut vraiment varier et les panels peuvent ne pas être représentatifs de la population étudiée, les méthodes de redressement peuvent également induire en erreur étant basées sur les précédentes élections. Mais au-delà de certaines données biaisées, c’est plutôt l’impact de ces sondages sur l’opinion médiatique, qui influence à son tour l’opinion publique, et ainsi, les intentions de vote des citoyens les suivant, qui est aujourd’hui à l’ordre du jour.

Pour ce, en matière d’audiovisuel, c’est la loi de la HAICA qui prime et c’est elle qui fixe les règles. En effet, alors que la loi électorale énonce, dans son article 70, qu’il est interdit de diffuser ou publier pendant la campagne électorale les résultats de sondages directement ou indirectement liés aux élections, c’est la HAICA qui détermine les infractions à sanctionner, en vertu de l’article 156 qui annonce des amendes d’un montant allant de 20 à 50.000 DT. Et en vertu de cet article et des larges prérogatives qui lui sont attribuées, la HAICA s’est dépêchée d’infliger des sanctions aux chaînes TV et radio, Nessma, Zitouna Tv, RTCI et Express Fm. Cette dernière a été sanctionnée parce que lors d’une émission avec Ahmed Néjib Chebbi, l’animateur Mehdi Kettou, n’a pas interrompu son invité lorsqu’il a donné les résultats d’un sondage le donnant favori des électeurs. « Il aurait du lui sauter à la gorge pour l’interrompre » ironisent les internautes sur la toile. Mais force est de reconnaitre que c’est ce que la HAICA attend visiblement des journalistes de l’audiovisuel tellement les restrictions qu’elles imposent sont fastidieuses. Le cas de Zitouna Tv est encore plus étonnant. Cette chaîne qui n’a aucune existence réelle vis-à-vis de l’instance qui a refusé de lui accorder un agrément, se voit, elle aussi, frappée d’une amende. Une chaîne fantôme qu’on ne reconnait pas mais qu’on sanctionne quand même, étonnant.

Les sondages, cette arme redoutable, aux pouvoirs redoutés mais souvent exagérés, est brandie par des candidats, ou partisans, peu sûrs de leurs chances ou par d'autres, en pleine folie des grandeurs. Mais que vaut réellement dans les faits cette folie des sondages? Si les sondages ont perdu de leur superbe en 2011 suite à un imprévu de taille pour lequel les instituts n’ont pas prévu de place, celui du succès d’Al Aridha Chaâbia de Hechmi Hamdi, les résultats de 2014 ont su faire pencher la balance en leur faveur. Aujourd’hui, les sondages, du moins ceux des instituts sérieux, sont devenus cette nouvelle réalité que l’on croit ou que l’on craint mais que l’on s’emploie surtout à rendre vraie…

Par Synda Tajine
15/11/2014 | 15:59
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