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En Tunisie, les Verts broient du noir
28/08/2014 | 1
min
En Tunisie, les Verts broient du noir
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En Tunisie, l’écologie est largement perçue comme une affaire secondaire ou un luxe. Le citoyen, peu sensible à ce genre de problématiques, ne se mobilise pas pour l’environnement à moins qu’il ne soit touché, de manière directe, par certaines formes de pollution. Le même désintérêt se remarque dans la classe politique. Celle-ci ne voyant pas dans l’écologie un gain électoral à tirer, ne lui accorde pas l’importance qu’il faudrait.

La situation environnementale de la Tunisie en cette période de post-révolution est, assurément, loin d’être rassurante. Ainsi, relève-t-on, au bilan de ces trois dernières années : des rues sordides, des poubelles puantes dans des lieux classés touristiques, des paysages de carte postale en état lamentable, des trottoirs poussiéreux à cause de travaux publics inachevés, des canaux d’eaux usées qui, sous l’effet de la chaleur, crachent des vapeurs toxiques et ce n’est pas tout ! Le bilan prendra de l’ampleur si l’on compte également les centaines d’hectares de forêts partis en fumée.

Le problème des déchets ménagers et des odeurs incommodantes semble inquiéter plus les Tunisiens et les pousser à agir que d’autres problèmes écologiques comme la déforestation ou l’extinction d’espèces naturelles. Ceci n’a rien d’étonnant si l’on sait que la majorité des Tunisiens sont des citadins. Ils sont, par conséquent, plus soucieux et sensibles de ce qui se produirait dans leur premier périmètre, notamment lorsque celui-ci subit des dégradations menaçant de manière claire et visible leur santé ou gâchent leur bien-être collectif. Cependant, il y a ceux qui voient la chose d’un autre œil et sont alors plus critiques à l’égard de la passivité et l’insouciance des citoyens quant au malheur des incendies frappant nos forêts, par exemple.

Certains écolos tunisiens regrettent cette «indifférence » et y voient « l’absence de conscience écologique ». «Notre patrimoine forestier brûle et ça n'a l’air d’inquiéter personne. Zéro manifestation ! Zéro mobilisation !  Le problème, chez nous, c’est qu’on ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Que serait la Tunisie sans sa végétation et ses forêts ? Rien qu’un immense désert aride. Et que font les associations vouées à la protection de l’Environnement ? Rien sauf organiser des campagnes pour ramasser les ordures dans les rues » lâche Walid, un passionné d’écologie.
En dehors de ces reproches adressés à la société civile. On peut également se poser la question si cette « sensibilité écologique » ne ferait pas défaut chez les politiques.

Commençons par rappeler que l'article 45 de la nouvelle constitution a été dédié à l’environnement. « L'Etat garantit le droit à un environnement sain et équilibré et à la participation à la sécurité du climat. L'Etat se doit de fournir les moyens nécessaires à l'élimination de la pollution environnementale». L'existence de ce texte devrait être une preuve témoignant de la préoccupation de nos politiques envers l’environnement.
Les avis sont partagés sur ce point. Ainsi, les opinions divergent entre, d’une part, ceux qui louent les élus pour avoir pensé à la question environnementale et pour avoir offert aux Tunisiens une des rares constitutions au monde qui traite de l’écologie et, d’autre part, un groupe qui ne perçoit pas ce texte comme un exploit à admirer, mais trouve, au contraire, qu’il sert de décor dont l’objectif est de mettre la constitution au goût du jour.

Indépendamment de ces divergences, il faut reconnaître qu’un texte constitutionnel ne suffit pas, à lui seul, pour protéger l’environnement. Bien qu’il soit louable et important d’intégrer la notion d'écologie dans la constitution, celle-ci trace uniquement le contour extérieur et ne dessine pas les détails. D’où le besoin de lois pour obtenir un package juridique utile et complet. Mission confiée au futur parlement. Ceci nous conduit à une deuxième question : Est-ce que nos futurs députés penseront à doter l’écologie des outils juridiques nécessaires et adéquats à sa préservation ? Certes, on ne connaîtra pas la réponse avant les élections. Mais on pourra quand même présager, en fonction des éléments existants actuellement, ce qui va advenir.
Si on jette un œil sur la carte des partis politiques en Tunisie, on distinguera deux qui portent l'étiquette écologique, à savoir : le parti Tunisie verte et le parti des verts pour le progrès. Aucun de ces deux partis ne bénéficie de couverture médiatique ni d’appui financier. Et ce pour des raisons simples : Comme ils n’alimentent pas la controverse et qu’ils empruntent une voie politique qui rapporte peu ou pas d’électeurs, ils sont, par conséquent, non invités par les médias et ne touchent aucune aide. Par ailleurs, ces deux partis reçoivent des critiques virulentes de la part de nombre d’activistes qui les accusent, entre autres, de médiocrité et de paresse.
«Nous devons prendre l’exemple des Verts en France. Ils sont très actifs et dynamiques. Si des figures comme Eva Joly et Daniel Cohn-Bendit sont connues par les Français et ont même une certaine notoriété en Tunisie c’est quelque part grâce à leur militantisme actif. Tandis que, je présume que les Verts de chez nous, passent plus de la moitié du temps devant leurs micros. C’est parce que nous sommes fainéants et nous aimons les solutions de facilité»
nous déclare Hamadi, un médecin dentiste. D’un autre côté, sur leurs pages Facebook, on se contente de publier des vidéos concernant la pollution avec quelques commentaires de condamnation. Mais on n’appelle pas à des actions et on ne parle pas de programmes.

La situation dans les autres partis n'est pas meilleure. Le mot écologie ne figure dans aucun discours politique. Au meilleur des cas, il fait apparition aux toutes dernières pages de leurs programmes et est généralement évoqué pour le remplissage ou pour plaire à une catégorie d’électeurs à qui on colle souvent les étiquettes de «moderniste» ou de «bourgeois» avec « francophone et francophile » en dénominateur commun.
Si l’on se compare à d’autres pays pionniers en matière d’écologie, comme la France ou l’Allemagne, nous sommes, sans doute, assez loin des avancées qu’ils ont réalisées que ce soit dans les transports, la préservation des écosystèmes ou encore au niveau de la législation (taxation des biens polluants, charte de l’environnement …). Dans ces pays, les partis écologiques, bien qu’ils ne soient jamais arrivés au pouvoir, disposent quand même d’un poids électoral non négligeable et d’une certaine assise chez les citoyens notamment dans les milieux de la gauche. En France, le parti Europe écologie est arrivé troisième aux européennes de 2009. En Allemagne, comme c’est le cas dans d’autres pays occidentaux, l’écologie n’est pas uniquement l’affaire des Verts. Tous les grands partis, y compris ceux de droite, ont intégré l’écologie à leurs crédos. Certains estiment que c’était fait plus par obligation que par choix. Car, autrement, ils pourraient se faire sanctionner par les électeurs.
« En Occident, les enfants reçoivent une bonne éducation à l’école. On leur apprend à prendre soin de l’environnement et on leur enseigne comment le préserver. Et depuis qu’ils sont en bas âge, leurs parents leur inculquent les bonnes habitudes. Ainsi, ils interdisent à leurs gosses de jeter les déchets dans la rue ou de marcher sur les plantes. Tout cela fait d’eux plus tard des adultes responsables qui se comportent de manière très civique. Malheureusement, chez nous, les citoyens et les politiques se tirent les uns les autres vers le bas »
dit Ahmed, un jeune tunisien, avec beaucoup de déception.

Pour nous Tunisiens, le chemin sera, certes, difficile et un travail de longue halène nous attend. Il faudra commencer par agir sur les mentalités. Et là, le système éducatif, les associations, les partisans de l’écologisme ont un grand rôle à jouer.
28/08/2014 | 1
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