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Bavures policières : Le prix de la déliquescence de l'appareil sécuritaire
24/08/2014 | 1
min
Bavures policières : Le prix de la déliquescence de l'appareil sécuritaire
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Deux jeunes femmes sont mortes dans la nuit du vendredi à samedi à Kasserine par les tirs d’une patrouille des forces de l’ordre. Des agents qui violent une jeune femme rentrant d’une soirée. Des forces de l’ordre qui utilisent des munitions interdites. Des agents qui exigent et obtiennent des pots-de-vin pour fermer les yeux sur des infractions. Les bavures policières commencent à sentir le roussi en Tunisie.

L’armée n’est pas garantie. Les forces de sécurité ne sont pas garanties. Des phrases inoubliables prononcées début 2012 par Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha. A l’époque, Ali Laârayedh, fraîchement débarqué au ministère de l’Intérieur, avait pour mission d’infiltrer ledit ministère par des compétences loyales. Ça a commencé par les incidents du 9-Avril à l’avenue Habib Bourguiba et on connait la suite. La chevrotine de Siliana, les tabassages des journalistes, le viol d’une jeune femme à la banlieue nord de Tunis. Quand il quittera le ministère de l’Intérieur, Ali Laârayedh laisse un appareil sécuritaire souffrant. Bien souffrant. Il n’est pas acquis, mais il n’est plus le même.
Il est loin cet appareil sécuritaire discipliné et aux ordres servant la République.
Des bavures, on en verra dans toutes les couleurs et dans plusieurs départements. Cela va des patrouilles routières ordinaires au ministre lui-même en passant par le département de la communication dont les sorties sont les plus risibles. On se rappelle encore des camps terroristes de Châambi présenté par le ministère de l’Intérieur comme étant des sportifs en entrainement. Ou encore du lynchage mortel de feu Lotfi Nagdh présenté comme mort par crise cardiaque. Et cette déclaration du ministre, dans une conférence de presse, qui donne des détails sur une affaire terroriste en « étroite coordination avec le juge d’instruction » alors que le juge n’a donné aucun aval pour que le ministre dévoile ces détails.

Face à des politiques qui ne respectent ni la République, ni l’appareil sécuritaire, quelques agents biberonnés à la discipline sécuritaire, tirent la sonnette d’alarme au point d’oublier ce qu’est la discipline. Pour eux, il y a danger de déliquescence de tout l’appareil. On verra des agents syndiqués tenir des conférences de presse et participer dans les plateaux télé pour crier au scandale. On verra même des agents qui crient « dégage » au président de la République qu’ils rendent responsables de tout le mal qui leur arrive.
Si on en est là au sommet de la hiérarchie sécuritaire, il n’est plus étonnant que la « base » suive le commandement dans sa nonchalance et cela se voit à l’œil nu par n’importe quel citoyen.

Il ne faut pas aller jusqu’aux endroits reculés et les routes désertes pour voir des agents de police en tenue civile qu’on ne peut reconnaitre (ou plutôt deviner) que grâce à une arme ou à un appareil de talkie-walkie. Cela se passe dans nos villes et dans tous les quartiers, un jeune homme en jean et chemise mal repassée au milieu d’un carrefour en train de sommer un automobiliste de s’arrêter par un geste, non réglementaire, d’une main tenant un talkie-walkie. L’autre main tenant une arme. Parfois l’arme est accrochée sous son aisselle.
Dans les postes de police, il n’est plus rare de voir un agent mal rasé, sans parler de ces agents qui reçoivent de plus en plus mal les citoyens venus se plaindre d’un vol ou d’un braquage, de plus en plus fréquents.

Mais peut-on en vouloir à ces agents dont la direction n’envoie pas les équipements nécessaires ? Un agent qui fait son travail en jean est un agent qui n’a pas reçu son costume officiel, ni sa torche lumineuse.
Les proches des deux jeunes femmes décédées, suite à ce qui est a priori une bavure policière, ont déclaré que l’agent est sorti brusquement de derrière les plantes et la voiture était cachée par la brousse. La version de la famille, non encore authentifiée officiellement, parait tout à fait plausible puisque des voitures banalisées et des agents sans tenue réglementaire, on en voit tous les jours et sur toutes les routes. Certaines voitures de police ressemblent à de véritables tacots.
Un agent qui sort brusquement pour sommer une voiture de s’arrêter est également courant, alors que la réglementation routière en la matière est claire : il faut que l’agent soit à une certaine distance de l’automobiliste et porte une torche électrique visible de loin.
Mais peut-on demander cela à un agent non équipé de gilet pare-balles qui se trouve au milieu de nulle-part et à qui on demande de combattre des terroristes ? Est-il déjà formé pour ce travail ?
On se rappelle du domicile du ministre de l’Intérieur lorsqu’il a été attaqué par des terroristes. Les agents mobilisés pour la surveillance de la maison de Lotfi Ben Jeddou n’avaient jamais reçu la formation adéquate pour ce type de missions.

La mort de deux jeunes femmes rentrant d’une soirée fait rager les Tunisiens, mais les agents des forces de l’ordre comptent des dizaines de morts et cela aussi devrait faire rager les Tunisiens.
« Ils auraient dû tirer sur les roues », lit-on entend-on un peu partout pour accabler les deux agents. Certes, mais ces agents ont-ils été formés pour tirer sur les roues ? La faute à qui ?
Les forces de sécurité ne sont pas garanties, a dit un jour Ghannouchi. Il lui fallait placer des agents loyaux à sa cause. Le travail a commencé avec Farhat Rajhi et a été poursuivi par Ali Laârayedh, condamné par le passé pour des actes terroristes. A la hiérarchie, on a nommé des personnes loyales à une cause, mais pas spécialement compétentes pour savoir qu’on ne met pas n’importe qui et n’importe comment pour surveiller une route déserte au milieu de nulle part.
Cette hiérarchie incompétente, nommée par les deux prédécesseurs de Lotfi Ben Jeddou, a déstabilisé tout l’appareil sécuritaire et le prix se paie aujourd’hui avec le sang des Tunisiens.
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