alexametrics
mardi 19 mars 2024
Heure de Tunis : 08:48
Chroniques
Notre destin dépend du match entre myopes et daltoniens
19/02/2018 | 15:59
6 min

Par Nizar Bahloul

 

Les préparatifs battent leur plein pour les listes des municipales et la tension se ressent au sein des partis. On ne sait plus quoi faire pour séduire et on parle de tout, sauf de l’essentiel : le programme que proposent les partis pour rendre nos villes et nos villages plus respirables et moins désagréables. Ennahdha veut proposer un juif à la tête de sa liste de Monastir (proposition rejetée par l’intéressé qui n’est pas né de la dernière pluie), Irada ne veut pas du quitus fiscal municipal afin d’ouvrir la voie aux contrebandiers et délinquants fiscaux, Nidaa multiplie les appels vers les RCDistes notoires, les seuls capables de rassembler les masses, alors que Mohsen Marzouk et AbirMoussicontinuent à taper sur les islamistes en misant sur l’allergie de la majorité des Tunisiens contre l’islam politique. Pendant ce temps-là, et faute de programme bien établi, on continue les manœuvres de diversion. En pleine précampagne des municipales, on propose des lois contre la normalisation avec Israël et une autre pour imposer la langue arabe un peu partout. Ne cherchez pas le rapport, il n’existe que dans la tête de quelques hurluberlus. Et si l’on devait offrir un Tanit d’or du meilleur hurluberlu de la semaine parmi les leaders politiques, il serait attribué incontestablement à Hafedh Caïd Essebsi, fils de son père et directeur exécutif de Nidaa. Il croit dur comme fer que la personne qu’il désigne à la tête d’une liste électorale va devenir obligatoirement maire. Partant, il signe ses lettres de désignation par « Nous, Hafedh Caïd Essebsi… » ! La mégalomanie n’a pas de limites… Il n’est même pas président de parti, il se prend déjà pour le président de la République !

 

Loin du cirque des partis politiques, dans la vie réelle, les parents d’élèves inscrits dans les écoles publiques ont dû faire face jeudi dernier à une nouvelle grève des enseignants. Depuis la révolution, il n’y a pas eu une année où les enseignants n’ont pas eu une revendication ou observé de grève ! Pas une ! Le patron de leur syndicat, LassâadYaâcoubi, menace carrément d’une année blanche ! Il prend nos enfants en otage et sa seule priorité demeure quelques privilèges en plus pour un corps enseignant déjà trop privilégié. Quand on voit la qualité de l’enseignement, le niveau dramatique de certains enseignants, leur absentéisme à outrance, le niveau de nos élèves à la fin de l’année scolaire et quand on compare la qualité dispensée par les écoles privées et celle des écoles publiques, il y a de quoi licencier des milliers d’instituteurs et professeurs. A titre d’exemple, et à force d’absences de l’une de ses professeures, une élève d’un collège pilote est dépassée de onze cours dans l’une des matières par sa camarade d’un collège privé. Le mal endémique frappe partout y compris la crème de la crème de nos institutions scolaires (les fameux collèges et lycées pilotes), on est en train de sacrifier les générations futures et LassâadYaâcoubi and co continuent à imposer leur diktat !

La solution ? Il n’y en a pas 36.000. Elle a fonctionné partout où on l’a expérimentée et son efficacité est immédiate et durable. Hommage ici à feu dame de fer Margareth Thatcher. Hommage aussi à NouriaBenghabrit-Remaoun (également surnommée dame de fer), ministre algérienne de l’Éducation qui s’est faite connaitre par sa rigueur et sa fermeté dans la mise en œuvre de ses décisions face aux syndicats. Elle a radié 581 enseignants grévistes Mme Benghabrit ! Voilà ce qu’il faut faire avec les syndicalistes qui dépassent les bornes, prennent en otage nos élèves et notre économie, et profitent du droit syndical sacré pour imposer des décisions démesurées et outrancières. Le pays a ses limites et ses capacités et certains syndicalistes se doivent de prendre ces limites en considération. S’il est indéniable que la majorité des enseignants et des syndicalistes sont des gens raisonnables et sensés, il n’en demeure pas moins que certains parmi eux sont de véritables virus capables d’envenimer tout le corps syndical, voire tout le pays.

 

Ce mal endémique de certains syndicats ne frappe pas uniquement le corps enseignant, il touche également d’autres secteurs. Parmi les débats de la semaine, celui de la privatisation de quelques entreprises publiques qui ne cessent de péricliter. La RNTA par exemple qui possède encore le monopole de distribution de tabac. « C’est une ligne rouge, on ne doit pas privatiser nos entreprises publiques », se sont exclamés plusieurs syndicalistes. « Si les entreprises publiques sont défaillantes, c’est à cause de la gouvernance de l’Etat et des lois qui les empêchent d’être concurrentielles et non à cause de leur personnel, car ces mêmes personnels deviennent efficaces quand ces entreprises deviennent privées ! », s’est exclamé un autre.

Comment peut-on qualifier cela à part que c’est une véritable myopie qui frappe nos syndicats ? Regardez juste comment fonctionne le monde développé et comment son économie est sauvée depuis que l’on a privatisé ses entreprises évoluant dans des secteurs concurrentiels ! Regardez la santé de plusieurs entreprises publiques qui ont été privatisées partiellement ou totalement et rappelez-vous comment elles étaient il y a quelques années : Magasin Général, AMS, Tunisie Telecom, etc. Regardez la chute libre des entreprises confisquées depuis 2011 juste parce qu’elles sont indirectement gérées par l’Etat !

Il est grand temps que ces syndicalistes mettent en priorité les intérêts du pays et son avenir dans leur agenda et se rendent compte que nous sommes en 2018 et non plus en époque soviétique. L’Etat n’a rien à faire dans les secteurs concurrentiels et il se doit de quitter ce giron pour l’intérêt même de ces entreprises et de leur personnel !

Il faut cependant un gouvernement fort pour affronter un tel esprit soviétique et ce n’est hélas pas encore le cas. Notre gouvernement a peur de l’UGTT, il n’ose pas l’affronter (il n’en a pas la force) et il se tient encore à distance des lignes rouges fixées par la centrale syndicale, afin de pouvoir maintenir la paix sociale.

 

« Je suis daltonien, je ne vois pas les lignes rouges ». C’est par cette phrase à inscrire dans les annales que s’est illustré le nouveau patron de la centrale patronale (UTICA) Samir Majoul jeudi dernier lors d’une superbe interview chez Boubaker Ben Akacha sur Mosaïque FM. C’est une phrase qui devrait être adoptée immédiatement par Youssef Chahed, l’ensemble de ses ministres et l’ensemble des chefs d’entreprises publiques ou privées. Soyons tous daltoniens, il y va de notre pérennité à tous !

Depuis la révolution, l’Etat via ses différents gouvernements, n’a cessé de se déculotter face aux syndicats, grévistes et sitinneurs. Les chiffres de Tunisair et de Tunisie Telecom sont en baisse drastique, des recrutements massifs sont enregistrés par dizaines de milliers, les emplois fictifs (dans les sociétés d’environnement notamment) se comptent par milliers, le déficit budgétaire se chiffre en centaines de millions de dinars, tout comme le déficit commercial.

Malgré ce constat dramatique, les syndicats continuent encore à parler de lignes rouges et à observer des grèves et le gouvernement continue de céder en imposant davantage et encore plus les entreprises et les créateurs d’emploi et de croissance ! A un moment où un autre, face à cette myopie (voire aveuglement) de certains syndicats, il faut dire stop et affronter ceux qui empêchent plusieurs secteurs d’évoluer et de laisser le pays évoluer. Il faut devenir daltonien comme Samir Majoul car l’Histoire et les expériences des pays développés ont montré que les seuls qui ont réussi sont ceux qui ont adopté une politique de fer et n’ont pas vu les lignes rouges.

19/02/2018 | 15:59
6 min
Suivez-nous

Commentaires (17)

Commenter

citoyenne
| 01-03-2018 11:01
la privatisation en Tunisie vécue dans les années 90 Le taux moyen du marché monétaire (TMM) a atteint 5,61% au mois de février 2018. Il s’agit de son plus haut niveau depuis 15 ans. pas toujours bénéfique, l'Etat n'a pas pu dans plusieurs cas privatiser systématiquement les entreprises publiques se trouvant dans le secteur concurrentiel et en conséquent assurer le sauvetage de l'économie, rappelez vous Mr Nizar , la STD, société tunisienne de diffusion fondée par Mr Azzouz Rebai allah yrhmou dans les années fin 60 , une société de grand calibre dans le domaine du livre, fourniture scolaire et de bureau et aussi messagerie , qu'a t il fait l'Etat avec cette grande société(qui employait vers les 1000 personnes )et qui concluait dans le temps des marchés d'importation et d'exportation avecdes grandes maisons d'édition de l'orient et de l'occident, cette meme société était chargée aussi d'approvisionner en fourniture de bureau tout le secteur public sur tout le territoire du pays, sans oublier enfin que l' organisation du foire international du livre était à l'époque à sa charge .Revoyons maintenant ce qu'a bénéficié l'économie de la liquidation de cette société .. oui c'était une décision de liquidation parce que tout simplement l'Etat n'a pas pu privatiser et tirer profil de ce grand patrimoine appelé l'STD, tout le personnel a été licencié( bon il a été indemnisé par la fameuse Carep) mais après c'était quoi ? ....., un stock détérioré dans des locaux fermés des années et des années à avenue de carthage, rue de grèce, bab saadoun

LE NOMADE
| 21-02-2018 23:52
Cher ami
J'ai aimé votre trait d'humour à propos du:nous untel......!
Ceci dit,je me permets de vous demander un peu d'équilibrage:vous dites "Révolution"uniquement!
Il faut penser à nous" les complotistes" qui pensons que c'est un coup d'état et non une vraie révolution!
Merci, pour votre compréhension!
Et sachez que notre amitié vous est acquise!

Daly
| 20-02-2018 15:52
Les tunisiens ne votent pas pour la personnalité qui peut sauver l''économie mais par idéologie.
Le parti au pouvoir veut encore faire tomber son nième gouvernement qui n''est soutenu que par l''UGTT.
Et vous espérez encore voir les choses changer?

takilas
| 20-02-2018 13:31
Puisqu''ils habitent tous à Tunis., donc pourquoi pas continuer à mettre main basse sur Tunis ?
Et adieu le sud sans festival de carthemage, sans match de football entre club africain et espérance (devenus tous des originaires de Tunis) , des amusements à Dah dab et puis et surtout de la bière et du vin à flots dans les bars de Tunis ou dans les véhicules (achetés grâce aux prêts de la banque mondiale et du FMI) en stationnent près ou aux alentours des plages des banlieues de Tunis. Et les salaires sont desservis gratuitement par le "gentil" gouvernement.

hassouna abdelmalek
| 20-02-2018 13:03
dommage pas un mot sur le blocage du phosphate ,une plaie béante

Nouri Kamoun
| 20-02-2018 10:10
Je pense que la position de l''UGTT n''est pas déterminante s''il y avait en face un gouvernement qui sait ce qu''il veut et qui est déterminé à assumer ses responsabilités.

Ce qui manque c''est la compétence à faire le bon diagnostic, décider des orientations; bien communiquer, parler vrai, mobiliser , demander des sacrifices à tous y compris aux privilégiés qui refusent de payer leurs impôts.

Ce qui manque c''est le courage de décider pour sauver le pays. Je suis sûr que si les Tunisiens sentent que tout le monde est traité de la même manière, il y adhéreront volontiers.

Devant une telle détermination et des bons choix justes, l''UGTT serait isolé et l''opinion serait montée contre lui. Pourquoi voulez-vous que l''UGTT limite volontairement ses pouvoirs s''il constate que ceux qui sont en face n''ont pas le courage de prendre de décision.

Prenez l''exemple du ministre de l''éducation, la première décision qu''il fallait prendre en septembre le jour de sa nomination est de décider que les heures dues pour un professeur du primaire soit 22 heures au minimum par semaine et non 15 heures. Pour en convaincre les Tunisiens, il suffit de leur dire ce que font les autres pays 1000 fois plus riche que nous. S''il y avait le courage de prendre cette décision, on aurait plus de problèmes des instituteurs qui assurent des vacations. Bien sûr il y aurait grève, 1 semaine, 1 mois voire plus mais le problème serait résolu. On aurait alors plus d''enseignants que le besoin et on pourra alors dispenser d''enseignement 3000 instituteurs pour se consacrer à une formation continue pendant une année ou deux années et ainsi on commence à s''attaquer aux vrais problèmes de l''éducation. A l''opposée j''entends tous les jours Le Ministre de l''éducation insister qu''aucune décision aucune réforme ne serait prise sans l''accord des syndicats. Le pays a besoin d''autres ministres.

Mohamed 1
| 20-02-2018 07:48
L''Allemagne était économiquement derrière la France il y a 20 ans. Aujourd''hui, elle est devant. Gerhard Schröder, chancelier allemand, est passé par là. Il a appliqué ce que préconise Nizar Bahloul.

zaiane
| 20-02-2018 02:00
L''auteur a tout à fait raison . L''économie du pays se trouve tout à fait paralysée par les syndicats qui abusent complètement de leur rôle et en font un pouvoir qui dépasse celui du Gouvernement. C''est à ce dernier de réagir et de les remettre à leur place quitte à utiliser toute la force de son Pouvoir.Sinon,c''est la catastrophe et la ruine du pays.

HSE 1994
| 19-02-2018 22:03
Excellent article
La Tunisie doit choisir entre la peste et le choléra
Le bolchevisme de l''ugtt et l''islam politique à 4 têtes

Dr. Jamel Tazarki
| 19-02-2018 22:00
J'ai fait beaucoup de fautes de frappe et d'inattention mais je ne corrige que la faute qui me dérange le plus:
des passages qui sont très superficiels.