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Chroniques
Marzouki rapproche Ennahdha et Nidaa mais ils ne sont pas (encore) au stade de l'alliance
07/12/2014 | 19:16
3 min

Par Sofiene Ben Hamida

Le rapprochement constaté entre Nidaa et Ennahdha lors de la séance d’ouverture de l’Assemblée des représentants du peuple a surpris une large frange de Tunisiens qui ont cru que les deux plus grandes composantes du nouveau parlement ont vite décidé de s’allier et de partager le pouvoir comme on partage un butin de guerre. Pour avoir été trop longtemps trahis par le passé par leurs gouvernants, les Tunisiens médusés devant leurs écrans de télévisions, qui voyaient les islamistes et les nidaistes se mettre d’accord sur le report de la séance puis sur le vote du président et ses deux vice-présidents, ont cru qu’ils allaient encore une fois être les dindons de la farce.

Pas encore vraisemblablement. Tout indique, en effet, que, jusque-là du moins, ce rapprochement surprenant n’atteint pas le degré d’alliance politique entre les deux grands partis politiques du pays. On attendra donc confirmation à travers la composition gouvernementale pour pouvoir parler d’alliance. En attendant on parlera de rapprochement et d’un croisement des intérêts d’Ennahdha et du Nidaa qui profite à quelques formations politiques au détriment d’autres.

L’intérêt immédiat du Nidaa est bien entendu de réunir les conditions favorables à une élection haut la main au second tour de la présidentielle, de son candidat et leader Béji Caid Essebsi. Ceci ne peut se faire qu’au détriment de son concurrent, le président provisoire sortant Moncef Marzouki, qui a profité largement, lors du premier tour, du soutien actif et en masse des militants islamistes. Le rapprochement avec Ennahdha permettrait donc de calmer les ardeurs des islamistes en faveur de Marzouki. Il ne s’agit pas d’un rapprochement qui vise à puiser dans le réservoir électoral d’Ennahdha. Beaucoup d’islamistes, consignes ou pas, préféreraient se mutiler que voter pour Béji Caid Essebsi, diabolisé trop longtemps par leurs propres dirigeants. Par contre, ces mêmes islamistes pourraient lever le pied le jour des élections et trouver mieux à faire que se déplacer aux bureaux de vote.

Cette manœuvre a l’avantage pour le Nidaa de priver Marzouki de centaines de milliers de voix ce qui garantirait l’élection de son candidat avec un score plus confortable que celui enregistré lors du premier tour.
De son côté, par ce rapprochement, Ennahdha marque des points sur au moins trois niveaux. En s’assurant du poste de premier vice président de l’Assemblée, le parti islamiste assure une présence, plus symbolique et psychologique que réelle, au centre du nouveau système politique tunisien. Cela a une valeur de consolation après son échec à peine voilé aux législatives. Sur un autre plan, distiller les voix islamistes qui iront au second tour au candidat Marzouki permet à Ennahdha de remettre le président provisoire sortant à sa place, lui qui s’est permis de s’adresser directement au peuple d’Ennahdha sans passer par ses dirigeants. Un mauvais score de Marzouki garde le leadership de l’opposition entre les mains du parti islamiste alors qu’un bon score de Marzouki ferait de lui, de facto, le leader de l’opposition pour les cinq prochaines années et relèguerait le parti islamiste, qui lui aurait assuré ce score, à une place subalterne derrière lui. Enfin, ce rapprochement qui se traduirait par un score gonflé en faveur d’Essebsi, profiterait à Ennahdha pour continuer de développer si nécessaire un discours de diabolisation du Nidaa et faire le parallèle entre les résultats du Nidaa et les résultats des élections sous l’ancien régime.

L’impact collatéral de ce rapprochement est la marginalisation du Front populaire qui a très mal géré sa première apparition à l’Assemblée. Il risque de se condamner à un rôle d’opposition de plus en plus radicale sans réel impact sur l’évolution de la vie et du paysage politique en dehors et sous l’hémicycle.
Par contre, le parti de Slim Riahi, qui aurait pu avoir le même sort que le mouvement Al Aridha en 2011, a su manœuvrer adroitement pour sortir le plus grand vainqueur de ce cette première valse politique. Il peut se targuer aujourd’hui de son poste de deuxième vice président de l’Assemblée, poste occupé de surcroit par une illustre inconnue. Cela s’appelle le pragmatisme érigé en religion au sein de l’UPL et qui fait cruellement défaut au Front populaire.
07/12/2014 | 19:16
3 min
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Commentaires (31) Commenter
Le Bonheur Elusif
Kairouan
| 10-12-2014 12:53

Slahdiine, je recois toujours de votre part plus ce que j'en donne, ou, devrais-je plutot dire, vous me founissez matiere a penser plus entiere et intense que mes flashs et mes questions... Je devrais deja commencer par vous remercier pour la poesie, la chanson, le noir-et-blanc, et toutes ces reflexions: Merci enormement :-)

D'apparence disjointes les differentes parties de votre messsage ne faillent pas pourtant a attirer l'attention sur tout ce qu'il y a de plus critique et plus elusif: Le present, ou le passant du Temps [1]. Je realise meme, au moment ou j'ecris ca, que le bonheur y est rattache -- comme le sont le passe et le futur (ou memoire et projection) a l'instant que nous disons avoir entre les mains. Est-ce l'incommensurabilite du bonheur, ou le cote fragile et ephemere de ce present, qui les rend tellement importants et elusifs en meme temps? Pourquoi sinon tant d'affect par rapport a ce passant insaisissable du temps?

Cependant, comme pour vous proteger, je sens dans vos ecrits que -- malgre l'intensite de vos sentiments -- vous vous soustrayez a cette ordre du Temps present ; a cette forme de 'fuite' ou, nulle part ailleurs pourtant, le possible ne peut s'exprimer, pour devenir ulterieurement un acquis (ou un passe) apres s'etre projete dans l'inconnu ( ou le futur) ; bref, a toute actualisation du bonheur ephemere soit-il ou incommensurable dans toutes ses dimensions.

Ceci n'est qu'une perception peut-etre, mais le mot qui m'a le plus perturbe dans votre message est le mot 'ultime', et meme si je comprend son sens, je reste interdite devant comment vous l'utilisez... Par quoi devrais-je repondre a cette reflexion, cher ami, sinon par vous rappeler qu'a tout instant vous etes dans les plus tendres et subtiles considerations de celui qui vous a cree, actualise, et mis sur cette terre ? Et que meme si celui qui vous a dote d'intelligence, de sens, et de sensibilite sait vous inspirer ou comment vous trouver, il en va de votre bonheur que vous le revelez incessement, et le chercher quand il semble vous eluder [2]

Plus humblement, vous etes dans mes prieres et mes pensees.
Tres amicalement,
Imen.


[1] J'emprunte cette expression d'une emision de J.C. Ameisein, Sur les Epaules de Darwin : Le passant du Temps. France Inter (1er Juin 2013)
[2] Il y a une superbe phrase de Jalel-Eddine Al-Roumi qui dit "Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais deja trouve".


P.S. Merci a BN pour cet espace de communication.
@Kamélion78
slimen
| 09-12-2014 15:15
je suis daccord avec vous et même si Béji caid sebsi va gagner avec 80 % ce sera normal et personne ne doit mettre en doute puisque on a vu en france chirac gagner contre le pen au deuxieme tour avec 80% des voix et personne n'a critiqué ce résultat , tout le monde sait ce que c'est un vote sanction.
Excellente analyse
slimen
| 09-12-2014 15:05
Entièrement daccord avec Soufiane. Nidaa sait bien manoeuvrer et le FP a encore une fois raté le coche. J'espère que FP va se rattraper et rejoindre le camp des démocrates sinon il va disparaitre comme les 2 partis de troika.
Excellente analyse
slimen
| 09-12-2014 15:04
Entièrement daccord avec Soufiane. Nidaa sait bien manoeuvrer et le FP a encore une fois raté le coche. J'espère que FP va se rattraper et rejoindre le camp des démocrates sinon il va disparaitre comme les 2 partis de troika.
Bravo sofienne !toujours aussi lucide !
PATRIE
| 09-12-2014 11:29
Merci sofienne pour cette lecture qui m a aidé a comprendre ce qui se passe, moi qui n est pas très brillante a déchiffrer les magouilles des politiciens , j ai finalement compris et je trouve que ce Bce est un as en négociation , il me rappelle le génie de Bourguiba .je pense que le Nida n est pas aussi naif pour faire une alliance quelconque avec innahtha , il sait ce qu il risque ,et ça ne peu pas lui échapper , comme tu dis sofienne il gagne des voies et du temps jus qu a l arrivé du deuxième tour , je ne fais que saluer son intelligence et son savoir faire a savoir classer ses priorités !bonne continuation sofienne et heureusement que tu es la pour les gens comme moi :)
Les promesses de l'aube
Slahdiine
| 09-12-2014 01:09
Kairouan, difficile de résister à vos si émouvantes déclarations qui font jaillir tant de larmes, aussi reprenant mes esprits et revenant sur terre, à Tunis, un jour de bourrasque, Prévert écrivait, souviens-toi Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là.
Qu'importe que le ciel nous tombe sur la tête et qu'on ne compte plus les champions pour enfoncer les portes ouvertes, on panse ses plaies et l'on poursuit sa route le c o e u r brisé sans doute mais l'espoir que demain sera un autre jour suffit à traverser un désert, du coup, les controverses sur l'air du temps me paraissent bien insignifiantes à batailler pour savoir qui sera locataire de Carthage, qui sera ministre dans un pays qui compte plus d'un million de chômeurs tout cela me parait si dérisoire et tragique en même temps que finalement je préférerais rire de ma personne comme un ultime et nécessaire acte de courtoisie que je me dois !
L'actualité, ce spectacle permanent nous donnera à notre insu, l'occasion d'ouvrir des portes secrètes d'où l'on écrira des commentaires à attendrir les c o e u r s.

PS : un jour vous m'avez demandé de proposer une traduction d'un quatrain de Antar, j'ai eu beau me casser la tête et fouiller de fond en comble les bibliothèques je n'ai rien pu faire et cependant j'ai pu lire à la suite de votre demande quelques ouvrages splendides de la poésie arabe archaïque. J'ai ainsi pu lire de Pierre Larcher « le brigand et l'amant » deux poèmes préislamiques de Ta'abbata Sharran et Imru'Al Qays. Puis » le guetteur de mirages » avec cinq poèmes préislamiques dont « Qui sont les pleurs » de Al-A'Shâ Maymou ( lâm mâ bukâ'u), enfin dans la revue Synergies Monde arabe que vous pouvez consulter en intégralité sur internet, un numéro spécial sur les Mu'allaqât qui m'a enchanté.
Pour une Tunisie meilleure dans cinq ans
bahr
| 08-12-2014 23:59
@tounsia2
chère amie,
bonsoir et merci d avoir dégainée me répondre.
Je vous promet que "bech nchid yedi" avec les deux actuels candidats en attendant de voir les noms des acteurs de la société civile sur les listes électorales.
J'applaudis des deux mains
salah
| 08-12-2014 19:49
Je rejette viscéralement Ennahdha, Ils sont dangereux et ce pour la simple raison que pour mener à bien les affaires du pays, il faut être rationnel, comme Bourguiba l'était.
Ceci étant dit, je vis en France et je peux assurer que le clivage politique entre droite et gauche fait énormément de dégâts dans ce pays.
Enfin, je rejette Ennahdha, mais il ne faut pas que les modernistes tunisiens, importent les défauts du système français.
Personnellement, j'applaudis des deux mains si toutes les forces dépassent leur antagonisme et travaillent ensemble en Tunisie.
Enfoncer Des Portes Ouvertes
Kairouan
| 08-12-2014 17:47
@Salhdiine


Cher Slahdiine,

Un jour ou il a plu sur Tunis, nous nous sommes promis de voter l'un contre Mal, l'autre pour l'Inconnu!
Ce jour la (un jour ou Verlaine volait au secours des coeurs serres) le ciel nous est soudain tombes dessus! Incomprehensiblement, des portes ouvertes ont ete enfoncees, ne servant a rien d'autres qu'a briser nos efforts d'ouverture, malgre la deception de nos esprits.

Comme tous les matins du monde, ce matin ne reviendra plus. Mais, en attendant les prochaines pluies, pourrions-nous, cher ami, renouer avec cette belle disposition d'esprit et cette promesse qui, en nous revisitant, nous reconcielira avec les blessures sans raisons?

Cordialement,
Imen

@observator
kimdee
| 08-12-2014 17:41
n'ira jà ha est???