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Tribunes
L’avenir des régions : Sfax en exemple
21/08/2014 | 20:03
4 min
L’avenir des régions : Sfax en exemple
Par Mohamed Aloulou*

Dès les débuts de l’ère de l'indépendance la ville de Sfax (avec sa région) fut délibérément mise au "régime amaigrissant", sous le prétexte tenace et « l’argument porteur » qu'elle se portait bien.
Le déclin conséquent et attendu avait inéluctablement provoqué la migration de compétences légitimement ambitieuses, en particulier vers la Capitale alors en pleine expansion.
Cette saignée rampante et anémiante avait entraîné, par sa nature et par la tendance centralisatrice de l’autorité de l’époque, un déficit local en cadres et en dirigeants, surtout de premier plan.
Ainsi le balancement et le cercle vicieux « entre décadence et migration » se sont confortablement installés et perdurent depuis.

Le recours aux dits "Sfaxiens de Tunis", certes toujours aussi respectables que bien intentionnés, pour combler ce déficit conjoncturel aurait pu être une dérogation acceptable si elle n'était devenue une pratique sciemment entretenue et banalisée. Devenue presque systématique et généralisée (du politique à l’associatif), la solution palliative devient un problème par son insuffisance et ses effets pervers. D’un coté les cadres désignés ne firent pas tous preuve de compétence ou d’engagement (ménagement de l’autorité oblige) à la hauteur des attentes ; de l’autre leur présence a gêné sinon empêché l'émergence au sein de l’élite locale de « vrais leaders », c'est-à-dire engagés et audacieux, forts d’une représentativité et d’un soutien populaires et donc capables de sortir leur région de l'ornière où elle continue de s’enliser.
A travers ce rappel, il apparait évident qu’une ville telle que Sfax n’aurait pu éviter le déclin et ne peut espérer se relever qu’avec un « leadership local » qui serait non seulement compétent et motivé mais également averti de ses aspirations, intimement proche de sa population et profondément ancré dans son terroir. Ce besoin est vital, urgent et indéniable.

C’est dire entre autre qu’il ne suffit pas d’avoir une « relation d’origine » avec la ville, ou d’y être capable de largesses financières alléchantes et subtilement ciblées, pour prétendre s’y imposer leader ou être en mesure de bien la représenter.
Ceci dit, il est évident que toute dérogation éventuelle à cette prudente "obligation de résidence" supposerait qu’il y a une incontournable nécessité et que le bénéficiaire désigné présente un profil exceptionnel, avec (à la clé) une aptitude politique et une réputation morale qui forcent le respect et l’acceptation. Il n’en demeure pas moins que dans sa réalité cette prétendue « nécessité » fut au passé et reste encore plus que douteuse dans ses motivations, alors que ses effets pervers sont graves et certains ; c’est en fait et avant tout une intrusion envahissante de "la scène locale" qui masque son paysage politique et y empêche l’éclosion ou la confirmation de compétences nouvelles, disponibles et disposées à servir, et c’est en cela que « la solution viciée » devient « le vrai problème ».

Les cautions (tazkiyet) d’un autre âge n’étaient donc que des « solutions de commodité ou de facilité » à visée clientéliste et dominatrice dont on subit encore les malfaisantes conséquences.
De tels procédés ne peuvent être reconduits à présent, même sous le voile des consultations arrangées ou le prétexte du réalisme politique et de la nécessité, sans le risque grave d’un discrédit qui serait mérité.

Que l'on ait -de suite- le courage de mettre fin à ces « dangereuses dérives » diverses et emmêlées, tant celles des réflexes autoritaires et centralisateurs anciens que celles des insatiables appétits personnels renaissants, toujours aussi invasifs et insistants qu’illégitimes et trop peu justifiés.

A l’ère ou se prépare la démocratisation profonde du pays par la décentralisation et par une certaine autonomie des régions, il convient aux partis politiques de s’adapter sans tarder à l’inéluctable mutation, d’y adhérer avec conviction et même de savoir - comme il convient - prévoir et devancer.
Nul parti politique ne peut dans le contexte présent se permettre d’oublier ou négliger l’opinion, les préoccupations et les légitimes aspirations du citoyen au niveau des régions.

Il va sans dire que dans ce qui fut ici-même dit, « Sfax la tunisienne » n’est en fait qu’un exemple.


*Mohamed Aloulou est médecin cardiologue, ancien président du CSS et ministre de la Jeunesse et du Sport.
21/08/2014 | 20:03
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