Loi de finances 2019, l’épreuve de vérité pour Youssef Chahed
Houcine Ben Achour*
Faut-il encore douter des ambitions politiques de Youssef Chahed ? Petit à petit, le chef du gouvernement balise sa voie. Sa détermination à défendre l’intérêt général et sa volonté de plaider la cause de la patrie contre les intérêts particuliers semble le servir dans la mesure où il tente de persuader l’opinion qu’il fait partie des rares, sinon la seule personnalité politique qui met l’intérêt du pays au-dessus de toutes autres considérations. Et c’est la raison pour laquelle il tient, vaille que vaille, à aller jusqu’au bout de son mandat gouvernemental et de défendre, en fin de compte, son bilan lors des prochaines échéances électorales.
Sa rentrée politique, qu’il voulait solennelle, à l’occasion de la tenue, vendredi 14 octobre 2018, d’une conférence nationale sur les orientations économiques et sociales du projet de loi de finances réunissant le gotha des acteurs politiques, économiques, syndicaux et de la société civile fut quelque peu escamotée par l’absence de l’UGTT qui, quelques jours plus tard, se fera une raison, renouant le contact avec la Kasbah, par l’entremise du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Il est vrai que quelques remous ont saisit la centrale syndicale historique sur l’alignement de ses responsables sur les positions de Nidaa Tounes, appelant à s’en démarquer afin d’éviter que la diabolisation de plus en plus grandissante de Nidaa ne déteigne sur l’image de l’organisation syndicale.
En tout cas, Youssef Chahed fourbit ses armes en prévision de la plus délicate épreuve qu’il aura à affronter d’ici la fin de l’année : les débats budgétaires et le projet de loi de finances pour l’exercice 2019. La rencontre de vendredi dernier lui a permis d’une part d’évaluer les prédispositions de tout le monde et d’autre part d’instiller ses objectifs socioéconomiques à la lumière des résultats budgétaires et des prévisions économiques actualisées.
Certes, la croissance économique en 2018 ne va pas atteindre l’objectif souhaité : 2,6% contre 3% prévu. Un résultat qui permet juste de contenir le taux de chômage et non de le réduire. On pouvait craindre aussi que ce résultat allait bousculer les prévisions budgétaires. Moins de croissance signifiant logiquement moins de recettes budgétaire. Or, il n’en est rien. Bien au contraire, les ressources propres du budget de l’Etat devraient croître de près de 1,4 milliards de dinars par rapport à ce qui était initialement prévu. Cette marge budgétaire a permis de combler dans une large mesure l’accroissement des dépenses de gestion et particulièrement les dépenses de subvention (1,2 milliards de subvention à l’énergie et 230 MD de compensation des produits de base), tout en maintenant l’enveloppe des transferts sociaux (Pnafn, rentrée scolaire, fêtes religieuses,….) et sans accroître le recours à l’emprunt. Du coup, le gouvernement devrait atteindre l’objectif fixé initialement d’un déficit budgétaire de 4,9% du PIB. Et plus encore d’avoir réduit la part des ressources d’emprunt dans le total des ressources du budget de 30% en 2017 à 26% en 2018.
C’est sur cette trajectoire que cherche à surfer le gouvernement en 2019. Ainsi, s’est-il voulu raisonnable dans ses hypothèses servant de base à l’élaboration de son budget 2019, fixant un taux de croissance économique pour l’année prochaine à 3,1% (un-demi point de pourcentage de plus par rapport à 2018), un cours moyen du baril de pétrole à 72 dollars, une évolution moins prononcée des importations de 7,4% contre 13,2% en 2018, un déficit budgétaire limité à 3,9% du PIB et un taux d’endettement de 70,9% contre 71,7% en 2018. La volonté de maîtrise des finances publiques est manifeste. Cependant, suffirait-elle à convaincre sinon persuader les sceptiques qui ne vont pas manquer de soulever les problèmes d’inflation et de perte de pouvoir d’achat, l’alourdissement des conditions de crédit qui handicapent l’investissement, la persistance d’un inacceptable déséquilibre régional et l’absence de perspectives solides de création d’emploi.
De ce point de vue, Youssef Chahed aurait-il des arguments et mesures de réponses à ses problèmes ? Dans l’affirmative, il se les réserverait pour son discours de politique générale marquant le démarrage du marathon budgétaire prévu à partir du 15 octobre prochain. D’autant qu’il semble avoir entendu tout le monde lors de la conférence nationale de vendredi dernier. Sinon…