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Tribunes
Lettre d'un professeur à ses élèves
23/08/2016 | 21:18
3 min
Lettre d'un professeur à ses élèves

 

Par Nabil Ben Azouz*

 

Encore un de nos enfants enterré ce matin à la fleur de l'âge. Oui, nos enfants et c'est comme cela qu'on le ressent puisque au cours de l'année, vous êtes plus avec nous qu'avec vos propres parents. On vous pleure autant car nous nous sentons également responsables. Nous aussi on s'attache à vous. On n'est pas des machines.

 

Quelque part nous avons failli. Vous êtes des élèves et notre devoir c'est de vous "élever" vers le savoir, la sagesse et la réussite dans votre vie. On veut des têtes bien faites et non des têtes bien pleines. On vous accompagne dans vos premiers pas. On vous a dit de croquer la vie, mais pas de la taquiner.

A quoi sert-il de gloser sur la mondialisation et l'histoire de la guerre froide, si vous ne savez pas que la route tue ? A quoi sert-il de faire les plus belles analyses philosophiques sur la mort ou la vie et que vous ne sachiez pas que le volant entre vos mains est en fait une arme ? A quoi sert-il que vous résolviez les problèmes mathématiques les plus compliqués, si en rentrant d'une belle soirée pleine de bonheur, vous n'osez pas dire à celui qui conduit vite, "eh, mec ralenti et arrête ta frime, notre vie est entre tes mains".

 

Le permis de conduire que vous rêvez tous d'avoir, et c'est bien, comprend un code de la route qui n'est pas un livre de cuisine thaïlandaise. Vous devez savoir que notre pays détient le record mondial des accidents de la route. Alors arrêtez de nous faire souffrir. Arrêtez de nous faire pleurer. Soyez ces citoyens consciencieux, réfléchis et responsables que nous espérions de tous nos cœurs. Mes fortes pensées vont d'abord à ses parents, car vous devez savoir, qu'un ami c'est dans la tête qu'on l'aime, une amie c'est dans le cœur, mais les enfants c'est dans nos tripes (ma mère sans que je la comprenne à l'époque, parlait de "kibda", un sentiment inexplicable, animal et qui vous saisit au fond de vous-même). Mais ça, vous le comprendrez demain. Adieu, mon grand Khalil. Paix à ton âme. Tu ne seras plus là où on t'a connu, mais à jamais et pour toujours, là où nous sommes.

 

Peut-on ne pas politiser les choses ? Je suis de ceux qui aiment la politique et qui pensent que tout est politique, mais voyant ce qui se passe dans ce monde de requins, jamais je ne ferais de politique. Je ne voulais pas trop politiser cette lettre, mais je ne peux m'y empêcher. Au moins pour dire deux simples mots.

 

Nos enfants se meurent sur la route. Qui est fautif ? Oui, il faut une véritable "conscience citoyenne". Il faut de l'éducation, la compréhension et parfois aussi la peur du gendarme. Mais pour moi la faute est partagée.

On a bien parlé de nos jeunes qui ne sont pas bien conscients des dangers, mais que dire des pouvoirs publics. Est-ce que vous croyez que les flics (oui ok, pas tous !) sont de bons connaisseurs de ce fameux code de la route ? Est-ce que vous croyez qu'ils sont là pour faire respecter les règles ou pour souvent emmerder les jeunes filles et soutirer de l'argent ? Est-ce que vous croyez que les pouvoirs publics jouent bien leur rôle, eux ? Sont-ils au moins conscients de l'état réel de nos routes ? Ont-ils réparé et bien adapté l'infrastructure routière ? Sont-ils si aveugles pour ne pas voir que le parc automobile s'est fortement modifié ? Nous avons des Porsche et des BM ou je ne sais quoi, qui roulent sur des routes faites pour des 4L et des Dodoches ?

 

Ils sont au final eux les premiers coupables car c'est eux les "responsables". La politique n'est pas seulement le sentiment enivrant d'un "petit" pouvoir insignifiant. Il faut que nos politiques aillent au charbon et par de réelles actions ils sauvent les gens...C'est le premier de leurs devoirs. Sinon qu'ils restent chez eux. Vous voyez que tout est politique !

 

 

*Militant indépendant

23/08/2016 | 21:18
3 min
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Commentaires (15)

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Friday
| 26-08-2016 08:43
j'aime les commentaires de ce monsieu, et son style.
On en veut d'autre, souvent, et pourquoi pas une chronique régulière.
Il m'arrache le sourire, parle au coeur et à l'esprit, sympathique surtout, "wahed ma yaklakch mennou ki yakrah", (avec tout le respect à ce monsieur, malheureusement je ne le connaissais pas avant).
J'espère qu'on continuera à le lire.

dali
| 25-08-2016 10:25
c'est bien de faire des débats politiques mais le plus important ne serait -il pas de consacrer autant d'emissions télé-radio ect.. pour expliquer et mettre en garde les conducteurs et les conductrices contre les dangers de la route.

Napoleon
| 25-08-2016 07:54
En général, dans plus 80% des cas, c'est le chauffard qui est responsable de l'accident. Et, selon le hasard, parfois, il tue, parfois, il se tue et dans d'autres cas il tue et se tue. Quand à nos routes, la Tunisie n'a plus les moyens et à vrai dire, elle n'a jamais eu les moyens pour les moderniser. Si du temps de Ben Ali on empruntait des devises pour construire des ponts et des viaducs, aujourd'hui on empreinte pour payer les salaires des anciens terroristes qui ont intégré la fonction publique. Aujourd'hui, on rencontre des bolides qui circulent et dont le prix de certains équivaut à ce que gagnent 10 policiers de la circulation durant toute leur carrière professionnelle (35 ans de service) à coté d'une charrette tractée par un mulet ou un âne. Dans les années 70- 80, c'étaient des 404 bâchées, des 4L, des AMI 8 et des LNA montées en Tunisie qui circulaient et les charrettes avaient disparues. Je profite de l'occasion pour proposer à ce que dans la loi de finance 2017 : la valeur de la vignette soit tributaire de la valeur de la voiture : exemple les voitures dont la valeur dépasse 50 milles dinars payent annuellement 1% de la valeur de la voiture, les voitures de plus 100 milles dinars 2%, les plus de 200 milles dinars 3% et ainsi de suite. Les plus values réalisées par les caisses de l'Etat serviront à combler les déficits de la CNAM.

apsbk77
| 24-08-2016 20:16
Belle lettre mais remplie d'utopie comme d'idéalisme. Certes l'on se doit "de vivre ses rêves et non rêver sa vie"...mais de dire que l'éducation des enfants passe avant tout par celle antérieure des parents. Un bijou n'est pas taillé dans le gravier

Amazigh Tunisien
| 24-08-2016 18:38
Pourquoi maintenant pourqoi juste maintenant? ?? la mort des jeunes sur les routes depuis toujours pourquois vous bougez juste pour vos amis???? Bougez pour l'humanité svp

Gg
| 24-08-2016 17:12
Cher Monsieur,
Cher prof dont la lettre me touche, il ne faut pas croire à la raison en ce qui concerne la conduite automobile.
Vous vous adressez à des jeunes de 18-20 ans, ou à peine plus, or à cet âge on se croit immortel. On défie la mort, parce qu'on n'y croit pas!
N'avez vous pas tenté le diable, à cet âge? Sûrement, si! Moi aussi. J'ai souvenirs de mémorables têtes à queues, et de braves gens qui m'ont évité...
Donc : infrastructures, formation, et repression. Voilà ce qui marche, même pour les adultes qui sont sensés avoir pris conscience de ce qu'un véhicule est certes un formidable outil de liberté, un outil de travail, mais aussi une machine à tuer et se tuer.
Bonne rentrée, cher professeur!

Alouane
| 24-08-2016 14:59
Monsieur Chahed, je souhaite de tout mon coeur la résussite de votre passage auprès de l'ARP ce vendredi 26/8/2016.
Permettez , Monsieur le chef du Gouvernement au simple citoyen que je suis, de vous donner un conseil qui vous permettra certainement de réaliser les objectifs de gouvernement que vous vous êtes fixées, votre réussite à mon humble avis est tributaire de votre capacité d'appliquer les lois du pays avec rigueur, équité et éfficacité. Sans celà votre action est vouée à l'échec. Commencez tout d'abord dès demain à faire appliquer le code de la route sans pitié, avec la plus grande rigueur. Au bout d'une semaine, les résultats témoigneront de votre volonté et de votre ténacité et constitueront un indice irrévocable de vos prédispositions et de votre souci de faire respecter les lois dans tous les domaines. Si vous n'y parvenez pas, cela témoignera que ce pays est ingouvernable et que c'est bien les différentes mafias qui imposent leurs lois à tous les secteurs.

Himar de conduite
| 24-08-2016 13:11
Pour Himar (et c'est certainement une ânerie ce que dit Himar), le vrai problème est que dans nos sociétés modernes, où le maître mot est la performance, la VITESSE est une VALEUR.

A la maison, au boulot ou sur la route la vitesse est devenue une Valeur. Le plus rapide est le meilleurs. Combien de fois Himar a-t-il entendu, au bord de l'étable, les papas et mamans félicitant leurs enfant parce qu'ils ont fait leurs devoirs plus vite, ou qu'ils ont terminé leurs boulot plus vite, ou qu'ils ont fait Tunis Hammamet plus vite que le fils du voisin ...

Y a rien à faire professeur, Camus et Couluche, bien que critiques envers la société moderne, ont péri par excès de vitesse.

citoyen
| 24-08-2016 13:09
Les moyens pour lutter contre ce fléau existent et les commentaires ci dessus les ont énuméré par conséquent dans ce pays on s en fout de la vie humaine aussi une société qui perd son humanisme n en est plus une et c est le début de la fin

Gafsi
| 24-08-2016 12:45
J'aime bien le style de Mr Ben Azouz, malgré ce contexte calamiteux et ces journées peu fastes.

Maintenant, pour aborder la cause du problème, il faut creuser davantage. En effet, l'article ici se penche intelligemment sur l'aspect routier, un des maux de notre société et le traite de façon pragmatique mais je pense que la racine de ces problèmes est encore enfouie, faut creuser mais ça tiendrait pas en un seul article c'est clair.

Il fallait donc attendre la triste fin d'une figure publique pour qu'on se penche enfin sur ces problèmes, au point que BN publie à la hâte, un article sur mesure traitant des statistiques effrayantes de nos routes comme s'il s'agissait de celles d'un pays qu'on a jamais connu.

Pourtant, la mort, non lors d'un accident de voiture mais par décapitation d'un pauvre berger ou d'un soldat dans les montagnes, n'a pas généré autant d'émoi.

On se rappellera par exemple que lors d'une attaque terroriste, on n'a retenu que le nom de Cherni, les autres victimes sont vite passées à l'ombre.

Et c'est là toute mon idée; l'inégalité posthume est souvent précédée par une injustice dans la vie; tout le monde n'est pas traité de la même façon et c'est ce qui fait qu'au final, certains se sentent puissants, au dessus de la loi, car la notion de punition n'existe plus et la conscience en devient amadouée.

Il est donc clair que pour fonder une nation avec des principes solides, il faut que tout le monde soit traité de la même manière, surtout, surtout devant la loi, ainsi le respect s'installera de force mais petit à petit sera adopté comme un brassard de civisme et non une marque de honte, on aura donc des cadres plus consciencieux, des politiciens vifs et honnêtes et moins de James Dean au volant car comme tout le monde le sait; l'époque des héros est révolue.

Encore merci pour votre billet perspicace.