Les élections municipales vont aggraver la paralysie de la Tunisie
Par Nabil Ben Azouz
Les élections municipales vont aggraver l'instabilité du pays. On ne se fait pas d'illusions. Avec le mode de scrutin actuel, on aura la même configuration : Nidaa-Ennahdha (droite libérale-droite intégriste), mais également la même gestion basée sur le "consensus", gardons silences et partageons. Ce mode ne permettra l’émergence d’aucune majorité stable. Son corollaire sera forcément l’absence de vision homogène et de programmes applicables, car ils passeront forcément leur temps à chercher l’introuvable, mais surtout à se mettre des bâtons dans les roues. Ils ne gèreront pas. Ils feront semblant.
Mais encore une fois, les démocrates progressistes, qu’ils soient de Gauche ou du Centre, vont se prendre un bon coup sur la tête à cause de leur désunion et de leur infantilisme qui n'ont que trop duré.
Par contre, le bon côté de la chose avec cette défaite annoncée sonnera peut-être le glas pour leur vrai réveil qui les poussera enfin à mieux s’unir pour une première action que nous jugeons primordiale et fondamentale pour sauver la Tunisie, à savoir, la modification du mode de scrutin actuel.
Effectivement, pour donner plus d’espoir et plus de stabilité à notre pays, il faut absolument modifier notre mode de scrutin actuel. Ce mode à la proportionnelle qui n’a que trop duré, crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Personne ne peut le nier. Des politiques, des constitutionnalistes des plus brillants et des militants de la société civile, le demandent depuis un certain temps. La récente intervention du président de la République sur ce sujet brûlant, permettra, on l’espère, que le débat sur le mode de scrutin électoral devienne finalement incontournable. Cela ne peut qu’être salutaire pour notre jeune démocratie en plein processus de construction. Et même si le Front Populaire et d’autres familles politiques refusent clairement la modification du mode de scrutin actuel, c’est leur droit absolu, il faut l’écouter, le discuter et le respecter.
Pour pouvoir enfin modifier le scrutin électoral actuel, il suffit d’avoir le soutien de 109 élus du peuple, courageux et patriotes, ne pensant qu'à l'intérêt de la Tunisie. Certains y consentent déjà, et c’est tant mieux.
La gouvernance boiteuse actuelle du pays doit cesser. Nous avons un Parlement qui croit légiférer, mais qui passe son temps à se déchirer et à s’invectiver, une opposition qui souvent n’est pas écoutée, voire même écrasée, un gouvernement qui ne fonctionne que par « consensus », donc se neutralisent en pensant gouverner et dont les composantes passent la majorité de leur temps à se glisser des peaux de bananes sous les pieds, laissant ainsi le pays à la dérive, et enfin un président pourtant élu au suffrage universel, donc par le peuple, mais qui n’a que quelques domaines réservés et qui doit se contorsionner pour exister.
Pour un vrai salut de la Tunisie, nous devons par tous les moyens chercher à stabiliser notre pays qui ne cesse de vivre des crises diverses depuis 2011. A cette époque, le mode de scrutin à la proportionnelle, pouvait être compréhensible pour divers partis qui ont légitimement lutté contre le régime de Ben Ali et qui voulaient «y être». Et toutes les familles politiques avaient la légitimité d’y participer car on devait tous ensemble donner une Constitution à notre pays. Mais sept ans de réflexion plus tard et avec la gabegie régnante, il est grand temps de passer à autre chose et de dire : ça suffit !
On peut nommer tous les gouvernements que l'on veut et leur donner tous les superlatifs que l'on désire, on n'y arrivera pas tant que nous fonctionnons avec ce mode de scrutin paralysant. L’Histoire des autres pays tels que la France et l’Italie qui ont abandonné le mode de scrutin à la proportionnelle, aurait pu nous servir d’exemple.
Nous appelons avec plusieurs constitutionnalistes tels que les professeurs Sadok Belaïd, Salsabil Klibi, Rachida Ennaifer et avec Amine Mahfoudh « à la révision du code électoral, à mettre fin à la proportionnelle et à adopter le scrutin majoritaire à deux tours, que ce soit un scrutin majoritaire uninominal ou un scrutin majoritaire de liste. Il faut savoir que l’exercice démocratique ne peut réussir que dans la stabilité, la proportionnelle n’offre pas de stabilité ».
Notre objectif avec ces éminents professeurs, certains élus politiques qui sont déjà d’accord avec cette proposition et des militants de la société civile tels que Kamel Jendoubi ancien président de l’I.S.I.E, c’est d’imposer ce débat à l'ARP, à l’opinion publique et à tous les partis politiques et d’avoir le soutien du président de la République et du chef du gouvernement pour les convaincre d’adopter cette modification qui, à notre avis, sera salutaire pour la Tunisie. Tout le monde y gagnera, d’abord nous les citoyens mais aussi les hommes et femmes politiques en premier s’ils réfléchissent bien !
*Membre du Collectif Citoyen Soumoud-Résistances