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Les similitudes entre les programmes d'Ennahdha et de Ben Ali
19/09/2011 | 1
min
Les similitudes entre les programmes d'Ennahdha et de Ben Ali
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L’analyse du document proposé comme programme par le mouvement Ennahdha peut se condenser dans l’examen du point 101 de cette série de mesures, qui promet la création de 590.000 postes d’emplois durant le quinquennat 2012-2016.
Ce point rappelle étrangement la promesse faite par l’ancien président Ben Ali, annonçant 300.000 emplois, en deux ans, pour absorber le chômage des diplômés. Tout le monde avait alors dit que c’était de l’utopie.

C’est étrange et cela saute aux yeux. Quand on lit de près le programme électoral d’Ennahdha et celui présenté il y a quelques jours aux ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G8, on trouve plusieurs similitudes. Des coïncidences troublantes entre le programme du parti islamiste et le programme économique et social (le plan Jasmin, cliquer ici pour le télécharger) élaboré par les équipes de Béji Caïed Essebsi présenté à Marseille. Et quand on pousse la lecture, les similitudes sautent davantage aux yeux avec le programme de Ben Ali. Qu’a donc proposé de plus Ennahdha pour qu’on puisse le croire ?
A vrai dire, la réponse à cette question ne saurait ignorer le contenu du restant des 365 mesures, ne serait-ce que pour comprendre comment l’absorption du chômage va se concrétiser. A ce titre, le point 102 donne déjà un premier indicateur en affirmant que l’Etat va faire un effort supplémentaire en renforçant l’encadrement dans l’administration publique pour essayer d’absorber une partie des chômeurs diplômés.
Les points de 103 à 113 exposent d’autres propositions pour absorber le chômage. Ils parlent d’investissements dans les secteurs des sciences et de technologie (103), d’accompagnement des projets (104), de formation professionnelle pour une meilleure insertion sur le marché du travail (105), de recherche de nouveaux marchés de travail à l’étranger (106), de grands projets (107), de financement de petits projets (108), d’associations de développement (109), de prise en charge par l’Etat des charges de la couverture sociale pendant cinq ans (111), de réduction dans les transports publics et de gratuité des soins (112), ainsi que d’un meilleur encadrement social dans les établissements scolaires (113). Mais, c’est du déjà vu ! Il n’y a aucune mesure qui n’a pas été déjà proposé par l’ancien régime

Or, ce n’est pas un jeu d’enfants que de ramener le taux de chômage de 14,5 % à 8,5 %. Il ne s’agit nullement de cumuler toutes les mesures possibles pour encourager l’emploi. ‘Il s’agit de concevoir un nouveau modèle de développement qui exploite autrement le potentiel humain de la Tunisie’, comme l’a expliqué le professeur Mohamed Haddar, président de l’Association des économistes tunisiens. ‘La place de la Tunisie doit changer dans la division internationale du travail’, a-t-il notamment dit.
En plus, et que les experts d’Ennahdha nous excusent, mais leurs propos renvoient directement à ceux de Mohamed Ghannouchi, ex-Premier ministre, lorsqu’il avait présenté le 6 juillet 2010 devant le parlement le projet du 12ème plan. Ghannouchi espérait ‘réaliser et maintenir sur les 5 prochaines années un taux de croissance de l’ordre de 5% et de faire passer le PIB par habitant à 8371,5 dinars en 2014 tout en créant 415.000 emplois sur la période afin de réduire le taux de chômage à 11,6%’.

Quant à Ennahdha, elle se propose de ‘réaliser et maintenir sur les 5 prochaines années un taux de croissance de l’ordre de 7% et de faire passer le PIB par habitant à 10.000 dinars en 2016 tout en créant 580.000 emplois sur la période afin de réduire le taux de chômage à 8,5 %’.
Si l’on va dans les détails, on retrouve facilement les centaines de mesures contenues dans le « défunt programme présidentiel 2009-2014 », que ce soit les mesures touchant au développement régional (115 à 127), le développement de l’agriculture et de la pêche (128 à 149), ainsi que pour tous les autres secteurs (industrie, énergie, tourisme, santé, etc.).

Par ailleurs, le ‘copier/coller’ ne se limite pas à la question de l’emploi, ni à la conception de mise à niveau, il touche également la question du financement de l’économie. Le préambule du programme d’Ennahdha annonce, tout comme le projet du 12ème plan de développement du gouvernement Ghannouchi, de renforcer le recours à l’épargne nationale. Mais, après avoir reproduit la même analyse, l’analyse d’Ennahdha limite la contribution de cette épargne dans l’économie à 67 % alors qu’elle est de 73,4 % pour le projet du 12ème plan.
Une telle comparaison permet de constater que l’approche globale du projet d’Ennahdha ne coupe pas du tout avec les grandes lignes du douzième plan. D’où la question évidente concernant la différence dans les résultats. Comment pourrait-on obtenir 7 % de taux de croissance avec les mêmes orientations économiques ? Ce n’est sûrement pas en surchargeant les entreprises publiques de cadres diplômés que l’on obtienne un meilleur taux de croissance.

En plus, que les experts d’Ennahdha nous excusent encore une fois, leurs projections sont carrément erronées. Ce n’est pas avec un taux de croissance moyen de 7 % que l’on puisse réduire le taux de chômage de six points (de 14,5 % aujourd’hui à 8,5 % en 2016). Cette réserve est avancée sans entrer en polémique sur le taux de chômage réel, ni sur la possibilité, ou non, d’atteindre ledit taux de croissance.
En effet, on ne cesse de parler actuellement de 700.000 chômeurs, ce qui veut dire que 1% des chômeurs est matérialisé par 48.275 chômeurs (700.000 : 14,5 = 48.275). Rabaisser le taux de chômage de six points signifie donc l’emploi de (48.275 X 6 = 289.650), en plus de la satisfaction de la demande additionnelle annuelle qui s’élève à 90.000 emplois par an. Il s’agit donc de créer (289.650 + 450.000 = 739.650) emplois, et non pas 580.000 comme annoncé par le projet.
Deuxième incorrection, 1 % de taux de croissance permet de créer une moyenne de 16.000 emplois, ce qui veut dire que les 7 % de taux de croissance permettent de créer 112.000 emplois, soit 20.000 de plus que la demande additionnelle annuelle sur le marché du travail. En cinq ans, le marché de l’emploi peut absorber 100.000 chômeurs, soit à peine, 2,5 % des chômeurs et le taux de chômage se réduirait de 14,5 % à 12 %.

Mais, que ce soit avec Ennahdha (ou avec le PDP, Ettakatol, UPL, etc.) car ils n’ont fait tous que reproduire le même schéma de développement avec des chiffres traduisant leurs aspirations, le problème ne se situe nullement à débattre les chiffres mais, plutôt, à réfléchir autrement le modèle de développement pour mener la Tunisie vers une croissance basée réellement sur la technologie. Ceci n’a pas été fait jusqu’à maintenant et ce n’est nullement en calquant les anciens projets que l’on puisse mieux gouverner même si l’on change les personnes.
L’ancien modèle de développement était certes gangréné par la corruption mais ce n’est pas son unique handicap. La Tunisie a carrément besoin d’un autre modèle de développement. Il est impératif de lancer un appel pour que toutes les compétences tunisiennes y réfléchissent afin de réussir la transition économique, tremplin incontournable pour réussir la transition démocratique.
19/09/2011 | 1
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