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Les recommandations de l'International Crisis Group pour réformer l'appareil sécuritaire tunisien
29/07/2015 | 19:59
7 min
Les recommandations de l'International Crisis Group pour réformer l'appareil sécuritaire tunisien

Depuis les attentats terroristes successifs, qui ont frappé au Bardo le 18 mars puis à Sousse le 26 juin 2015, faisant 59 victimes de nationalités étrangères, l’appareil sécuritaire tunisien est sous les feux des projecteurs.  C’est dans ce cadre que l’International Crisis Group (ICG) a publié le 23 juillet 2015, un rapport  intitulé « Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie » à travers lequel il propose une synthèse des problèmes internes des forces de sécurité intérieure (FSI) et des réformes nécessaires pour les dépasser.

 

Il est vrai que ces attaques, en plus de leur dramatique bilan meurtrier, ont ciblé intentionnellement, l’économie et la stabilité du pays. D’ailleurs, au lendemain de l’attentat de Sousse, les chiffres, alarmants, ont commencé à tomber pour une saison touristique annoncée catastrophique. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là, car ces attentats ont fait vaciller le fondement même de la révolution du 14 janvier 2011.  Devant l’incapacité évidente de l’Etat de faire face à la menace terroriste jihadiste, une tranche de la population tunisienne a ouvertement exprimé une nostalgie à l’« efficacité sécuritaire » de l’ancien régime dictatorial. Un comble pour une nation qui a payé du sang de ses martyrs la liberté et la démocratie.

 

D’ailleurs, cette efficacité est relative, aussi les dysfonctionnements enregistrés aujourd’hui sont le résultat direct d’une illusion entretenue, selon laquelle l’appareil sécuritaire sous l’ancien régime était fort et performant. Si le climat de suspicion généralisée et la surveillance efficace, permettaient aux FSI de canaliser, tant bien que mal, la délinquance en expansion, il s’en fallut de peu pour se rendre compte que les forces de sécurité n’étaient pas efficaces parce qu’elles étaient fortes mais parce qu’elles étaient craintes.

 

Force est de constater, qu’après la révolution, ces craintes bien ancrées mais finalement injustifiées, ont été dissipées. La fragilité de l’appareil sécuritaire, si bien gardée, a été mise à nu, et pire, exploitée par les jihadistes. Les décisions et les restructurations bâclées qui ont eu lieu depuis le soulèvement de 2011 ont plongé l’administration sécuritaire dans un climat de confusion et d’insécurité. La mise à la retraite anticipée de « figures de l’ancien régime » qui a conduit au gel des activités de plusieurs services dépendants de la direction générale des affaires spécialisées et la suppression l’inspection supérieure de la police nationale « la police des polices », qui tenait d’une main de fer le contrôle interne des inspections générales, ont fortement contribué à l’indiscipline et à l’augmentation des activités de petite corruption au sein même du corps sécuritaire.

 

Tout ceci pour dire que la déstructuration de l’institution sécuritaire, déjà fragile, qui se retrouve, de surcroît en plein dans les conflits et les divisons politiques a largement contribué aux difficultés qu’elle rencontre, désormais, dans la guerre qui l’oppose aux terroristes. Ajouter à cela le dilemme imposé par le projet de loi antiterroriste récemment voté, qui relance le débat sur les réflexes autoritaires des forces de sécurité versus les ambitions démocratiques du pouvoir politique. C’est dans ce contexte qu’apparait la nécessité de la prise en compte des aspects techniques mais également politiques et sociologiques du secteur de la sécurité intérieure, pour pouvoir ainsi réformer la police avant que le climat sécuritaire ne se dégrade davantage.

 

L’ICG propose, dans ce sens 12 recommandations adressées à la présidence de la République et au gouvernement, aux principaux partis politiques, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), aux ONG et instances internationales et aux Etats partenaires de la Tunisie dans le domaine de la sécurité. Elles sont formulées comme suit :

1.  Eviter la tentation de conférer des tâches de police judiciaire à l’armée nationale afin de corriger les dysfonctionnements des forces de sécurité intérieure (FSI) et d’améliorer la sécurité à court terme.

2.  Multiplier les réunions de la cellule de coordination sécuritaire et de suivi, et privilégier un discours anti-terroriste qui ne soit pas antireligieux.

3.  Poursuivre le projet de création du centre de regroupement des informations sécuritaires (fusion centre) et, au-delà de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, l’élargir à de nouveaux ministères (Education, Formation professionnelle, Affaires religieuses).

4.  Organiser une conférence nationale ouverte à tous sur la notion de sécurité dans un état de droit, le rôle et les missions de la police, les causes de la fracture Nord/Sud et du jihadisme, la crise de confiance de la population envers l’appareil sécuritaire, et les moyens démocratiques de traiter les problèmes actuels, avec comme objectif de briser les tabous et établir un constat objectif.

5.  Eviter d’instrumentaliser la menace terroriste sur le plan politique en en renvoyant la responsabilité sur ses adversaires.

6.  Mettre en place une série de consultations internes sur la manière dont les fonctionnaires de la sécurité conçoivent leur profession dans la Tunisie de l’après Ben Ali ; le bilan des échanges servant de base à un nouveau code de déontologie des FSI.

7.  Créer, en collaboration avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, un Haut comité de la réforme et de la gestion du corps sécuritaire, élu par les membres des FSI dans le but de renforcer la cohésion du corps, de faire respecter les principes de moralité et de compétence, et de garantir la qualité des services de sécurité. Ce comité :

a) participera à l’élaboration d’un nouveau code de déontologie des FSI en partenariat avec les commissions compétentes de l’ARP ;

b) mettra en œuvre, de concert avec la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l’Intérieur, un plan de gestion stratégique et systémique des ressources humaines (cellule psychologique pour le recrutement, référentiel d’emploi et de fonction, informatisation des variables de compétences) ;

c) participera à la révision des statuts juridiques qui fixent la mission, les modalités de recrutement, de formation, de promotion ainsi que les relations hiérarchiques des agents et des cadres des FSI, notamment la réduction des prérogatives de nomination et de mutation du ministre de l’Intérieur et de la loi n°82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure.

8.  Accélérer la création du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale du ministère de l’Intérieur.

9.  Soutenir de manière prioritaire la réforme des statuts, la mise en place d’un plan de gestion des ressources humaines des FSI, l’amélioration de la formation initiale et continue, notamment le projet du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale.

10.  Coordonner les aides bilatérales et multilatérales.

11.  Participer à l’élaboration d’un nouveau code de déontologie des FSI, co-signer avec le Haut comité de réforme et de gestion du corps sécuritaire un agenda clair de réforme du secteur de la sécurité. L’ARP devrait mettre en œuvre cette réforme sous la forme d’une loi organique, comme prévu par la constitution.

12.  Valoriser le travail de contrôle parlementaire de la Commission de l’organisation de l’administration des forces armées et de la Commission sécurité et défense (formation des députés sur les questions sécuritaires, embauche d’attachés parlementaires entre autres).

 

Notons que ces mesures sont une première étape d'une réforme globale qui devra aller au-delà de la mission des Forces de sécurité intérieure et porter, entre autres, sur la nécessité de concrétiser des projets de développement dans les régions frontalières, de rénover l’habitat dégradé dans les zones périurbaines, d’améliorer les conditions carcérales, et de promouvoir des alternatives à l’idéologie djihadiste. Ce sont des réformes de fond qui doivent être appliquées pour que l'institution sécuritaire cesse de subir, comence à prévenir et à être prête à intervenir dans la logique d'une stratégie claire et un environnement maitrisé et non à la hâte et dans la confusion la plus totale comme il a été le cas jusque là. 

 

Myriam Ben Zineb

29/07/2015 | 19:59
7 min
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Commentaires (6)

Commenter

DHEJ
| 30-07-2015 17:06
Mais le public sait comment attaquer l'arme illégale


Par contre personne ne connait la procédure pénale pour attaquer L'arme légale en JUSTICE!


Comme le cas de cet étudiant qui a été terrorisé!


Le père ne sait pas quoi faire!

DHEJ
| 30-07-2015 16:32
La guerre des armes légales et illégales fait-elle peur à ICG?

BN: Merci de relire nos règles de modération.

belazi
| 30-07-2015 13:32
copier coller specialite tunisienne pour toute nouveaute ,mais helas toujours mal appliquee .il ne faut pas copier sur le voisin au risque de se rendre ridicule .il est vrai que créer en tunisie ou inventer ne se trouve que dans les mosquee

Maher
| 30-07-2015 11:32
ICG est une ong a forte relation avec le gouvernement americain....regardez la recommandation n° 5..."Eviter d'instrumentaliser la menace terroriste sur le plan politique en en renvoyant la responsabilité sur ses adversaires."...presque tous les tunisiens disent que la Nahdha est responsable de la montee du djihadisme en Tunisie sauf ICG qui fait tout innocenter les islamistes

Napoleon
| 30-07-2015 11:25
Que dire les conseilleurs ne sont pas les payeurs ou le dicton tunisien : « Le conseil de la souris au maître des lieux vend le chat et achète du fromage. Voici un extrait de Wikipédia concernant cette « ONG »
« Les critiques font valoir que l'ONG ne mérite pas ce nom, 40 % de son financement venant directement des gouvernements selon le rapport annuel 2008, 30 % émanant d'entreprises privées. Ils accusent également l'ONG de promouvoir activement les campagnes de guerre de l'OTAN, notamment en Afghanistan. Elle est régulièrement invitée par l'OTAN. » D'après wikipedia

DHEJ
| 29-07-2015 20:38
Mais quel avenir pour l'usage de l'arme à feu par un agent du FSI?

Le Crisis Group est-il comme le Tunisien à toute solution d'un problème, on crée d'autres problèmes!


A ces nullards je pose la question suivante: qui commandent les FSI et sous le controle de quelle autorité, en d'autres termes les FSI appliquent-elles la volonté du peuple pour ne pas en tirer profit====> déclaration universelle des droits de l'hommes et du citoyen!