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Les prérogatives de Moncef et l'hypocrisie de Marzouki
25/06/2012 | 1
min
Les prérogatives de Moncef et l'hypocrisie de Marzouki
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Moncef Marzouki, président de la République tunisienne, indigné, fâché et outré. Il est tellement dépité qu’il a promis d’aller se plaindre auprès de l’ANC. La cause ? Le gouvernement n’a pas attendu sa signature sur la décision d’extradition de Baghdadi Mahmoudi. Pire encore, M. Marzouki avait déjà dit «Non !» à cette extradition.
Et pourtant l’extradition a bien eu lieu et il se trouve devant un fait accompli écœurant ! Le gouvernement, lui, pense et affirme avoir agi en toute légitimité car détenant le mot de la fin dans cette affaire. Est-ce un vrai bras de fer entre le gouvernement et la présidence ou bien est-ce que Marzouki serait en train de feindre la victime attendrissante?

Le dimanche 24 juin 2012, à l’aube, un hélicoptère, transportant l’ancien Premier ministre libyen sous le régime de Kadhafi, Baghdadi Mahmoudi, a décollé du sol tunisien pour atterrir à Tripoli en Libye. Le gouvernement tunisien a ainsi concrétisé sa décision de livrer l’ancien Premier ministre libyen aux autorités de son pays, une décision que le président de la République Moncef Marzouki a contestée, mais n’a rien fait pour empêcher sa réalisation.

Il est vrai que la question des extraditions des réfugiés et des fugitifs est une affaire très complexe qui implique la justice tout comme les relations diplomatiques. Ben Ali, son épouse Leïla, les Trabelsi, leurs alliés, gendres, proches, autant de personnes que le peuple tunisien voudrait juger, mais faute de rapatriement, ces personnes restent bien au chaud chez nos amis et frères, leurs pays hôtes. Le peuple tunisien vit une grande frustration à ne pas voir les responsables de tant d’injustices échapper à la loi.

Dans cette même logique, le gouvernement de la Troïka à majorité nahdhaoui, a exprimé son accord de principe à l’extradition de l’ancien Premier ministre libyen, lequel accord a été ensuite conforté par une décision de la Cour d’appel, signée par le chef du gouvernement, Hamadi Jebali.
Sauf que le président Marzouki s’est déclaré à maintes reprises défavorable à cette décision, car «contraire à ses principes, le militant des droite de l’Homme qu’il est». Il a même affirmé à plusieurs reprises, également, ne pas avoir l’intention de signer ladite décision.

A cette réaction, le gouvernement a répondu très clairement pouvoir, tout simplement, se passer de sa signature et de son accord. En effet, le 8 juin 2012, le chef du gouvernement a affirmé dans une entrevue avec l’AFP, que conformément au «petit Destour provisoire», la signature de Marzouki n’est pas indispensable. Autrement dit, avec ou sans sa «bénédiction», la décision est déjà prise et sera exécutée sous peu.

C’était le 8 juin et c’était une déclaration officielle puisque faite par le chef du gouvernement à une agence de presse internationale. Mais ni M. Marzouki, ni sa douzaine de conseillers n’ont bougé le petit doigt pour dénoncer cette déclaration ou la contester. La déclaration est passée dans les médias, mais ne semblait pas déranger. M. Marzouki a vraisemblablement opté pour la politique de l’autruche ou bien alors pensait-il que le gouvernement n’oserait pas aller jusqu’au bout de ses déclarations.

Et voilà, maintenant que c’est chose faite, la présidence bouillonne, remue ciel et terre par des déclarations et communiqués et annonce avoir la ferme intention de saisir l’ANC et s’y plaindre pour «piétinement des prérogatives présidentielles et transgression grave du consensus national».
Or, sait-on, seulement avec précision, quelles sont les vraies prérogatives du président de la République et pourquoi est-ce maintenant qu’on se rend compte à quel point elles sont limitées ?

Nombreuses étaient les voix qui se sont levées, notamment des élus de l’opposition et des médias alertant sur les pouvoirs trop restreints du président, sur le rôle figuratif qu’il allait jouer contre un rôle prépondérant et des pouvoirs absolus pour le chef du gouvernement. A l’époque, ceux qu’on désignait «la communauté des 0,00%» et «les médias de la honte» avaient bien vu venir ce déséquilibre dans le partage du pouvoir. L’opposition est même arrivée à se retirer du vote et n’a pas participé à l’élection de Marzouki.
Le gouvernement scandait alors des accusations à ses détracteurs de vouloir «mettre le bâton dans la roue du processus démocratique»; La présidence, elle, sous l’emprise de l’euphorie, et «la folie des grandeurs», était trop aveuglée par le pouvoir et le prestige du poste pour réaliser à quel point, on l’a roulée dans la farine, et à quel point les médias et l’opposition étaient clairvoyants et prévenants!

Autre possibilité, le président connaissait bien les limites de ses prérogatives mais profite de l’extradition, sujet sensible et objet de controverse, pour simuler le contre-pouvoir, criant au scandale parce qu’on lui a manqué de respect, parce qu’on l’a court-circuité et parce qu’on a piétiné ses prérogatives.

La polémique autour des prérogatives a donc ressurgi à la surface, car chacun s’est retrouvé face à ses responsabilités, mais celles du président de la République, s’avèrent minimes.

Si l’on revisite le petit Destour, dans son article 11 qui énumère les prérogatives présidentielles, on se rend compte que seuls le leadership des forces armées, l’amnistie, la réception des lettres de créances des représentants des Etats étrangers et les nominations au sein de la présidence, incombent au président de la République. Toute autre prérogative est soumise à soit la proposition, la concertation avec le gouvernement ou encore au consensus. Et on sait bien qu’une fois adoptée, une loi doit être respectée et il est trop tard, vraiment trop tard pour venir la contester.

Il faut cependant rappeler que l’article 324 du code des procédures pénales, stipule que la décision d’extradition revient au gouvernement qui peut l’accepter ou la refuser, mais qu’il reste tout de même impératif lors des décisions d’extradition des personnes réclamées par la justice de leur pays, que le chef de l'Etat signe le document d'extradition, chose qui fait défaut dans le cas précis de Baghdadi Mahmoudi. Les prérogatives présidentielles ont beau être limitées, il reste évident que le gouvernement a enfreint la loi. Une infraction sans précédent et très grave puisqu’elle concerne tout un gouvernement et pas seulement quelques individus.
Alors, si Marzouki ne démissionne pas suite à cette affaire, c’est que ses «principes» l’en empêchent !!

Dorra Megdiche Meziou
25/06/2012 | 1
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