Les mensonges que nous apprendrons à nos enfants
Demain est la Journée internationale de l’enfance. A partir de cette année, dans les écoles, les enfants auront droit à un enseignement sexuel. Aux questions de « comment on fait les bébés », « quelle est la différence entre une fille et un garçon », à « pourquoi il ne faut pas laisser le vieux monsieur dégueulasse nous toucher », les enfants pourront enfin comprendre leurs corps, la notion d’intimité et de consentement. Du moins on essaye. Ce n’est pas trop tard…
Mais attention ! Il ne faut surtout pas que cet enseignement soit contraire à la « culture arabo-musulmane », tient pourtant à préciser le ministère. Que faut-il comprendre par-là ? Le corps humain, les notions d’intimité, de consentement, de pédophilie et de viol ne sont-elles pas universelles et propres à toutes les religions ? Il faut croire que non et le ministère tient bien à nous le faire savoir. Les cours d’éducation sexuelle ne seront-ils au final qu’un pur mensonge ? On attend de voir…
Qu’apprenons-nous au juste à nos enfants ? A ne pas se mettre les doigts dans le nez ? A ne pas parler la bouche pleine ? Et à être poli avec les gens ? Mais est-ce que nous nous employons à leur donner le bon exemple ? Certainement pas.
Dans un pays où l’élite (oui, le mot fait mal) politique se doit de donner l’exemple, mais fait tout de travers, que reprocher aux générations futures ? Dans le nouveau parlement, fraîchement élu et très fraîchement inauguré, les élus se mettent le doigt dans le nez, parlent la bouche pleine et ne sont pas polis les uns avec les autres. Déjà une semaine que la séance inaugurale a été tenue que les chamailleries et les insultes fusent de toutes parts. Les élus du peuple, choisis et sélectionnés parmi la crème de l’élite politique, rivalisent en insultes aux yeux et oreilles de tous. « Souris », « chiens », « terroristes », « serpillère » sont des mots que vous n’arrêterez pas d’entendre pendant les cinq prochaines années. Noms d’oiseaux, insultes sexistes, menaces et cafouillages en tout genre en seulement trois séances. Au lieu de penser aux lois qui seront votées pour garantir un avenir meilleur aux générations futures, les élus se dénigrent et menacent de porter plainte les uns contre les autres. Mais il ne faut pas critiquer le parlement. Ces élus ne sont là que depuis une semaine.
Dans un pays où on tergiverse pendant des mois sur la nécessité de nommer une personnalité indépendante à la Kasbah, et où, au final, on choisit l’un des siens, comment apprendre aux enfants à ne pas mentir ? Plus le mensonge est gros, mieux il passe. Est-ce vrai ? C’est ce que semble penser Ennahdha en tout cas. Les partenaires politiques du parti islamiste semblent peu s’offusquer du fait que Rached Ghannouchi ait nommé l’un de ses proches à la Primature, en le présentant à tous comme un indépendant.
Dans les faits, il importe peu que Habib Jamli s’y connaisse en agronomie, en régions intérieures ou même en héliciculture, pourvu qu’il obéisse aux desiderata du « président de tous les Tunisiens », entendez par là le grand et puissant Rached Ghannouchi.
Il importe peu aussi que Rached Ghannouchi occupe un poste dans lequel il n’est clairement pas à sa place et qu’il ne semble pas du tout maîtriser, pourvu qu’il obtienne le « trophée » qu’il a toujours mérité avant de prendre sa retraite. Pourvu aussi qu’il multiplie les discours rassembleurs et mielleux pour faire croire qu’il est la meilleure chose qui soit arrivée aux Tunisiens depuis les élections. Plus le mensonge est gros…moins il passe.
Il importe peu aussi que les politiques se moquent ouvertement de leurs électeurs, quelques jours à peine après avoir obtenu le pouvoir. Qu’ils balaient d’une main les promesses électorales pour lesquelles ils ont justement été élus et se moquent ostensiblement des Tunisiens grâce auxquels ils sont là.
Les menteurs qui les ont précédés, eux au moins, avaient eu la classe d’attendre le bon moment pour mentir, pas de se vautrer dans les boniments aussi gros que difficiles à gober et de dire, chaque jour, une chose et son contraire.
Mais nous ne sommes pas à un mensonge près. Dans ce pays, où un parti arrive au pouvoir et ne le quitte plus alors que pèse contre lui une affaire d’organisation armée qui traine de tiroir en tiroir ; où les arrestations politiques deviennent si courantes qu’on s’y habituerait presque, le mensonge ne veut plus rien dire. Plus, il est gros, plus il est là, présent au su et à la vue de tous. Tout le monde le sait, mais personne n’a le pouvoir de le dire. C’est cela que nous apprendrons à nos enfants en leur souhaitant une bonne journée demain…