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Les faucons d'Ennahdha veulent plonger la Tunisie dans l'incertitude
03/02/2013 | 1
min
Les faucons d'Ennahdha veulent plonger la Tunisie dans l'incertitude
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Le destin du gouvernement et de la Troïka devrait être fixé d’ici une semaine au plus tard. Le parti d’Ennahdha aurait, en effet, réclamé une semaine pour se prononcer définitivement sur ce fameux feuilleton du remaniement ministériel, un délai accepté par le CPR tout en en faisant un véritable ultimatum au-delà duquel, ce serait la rupture.
Du côté d’Ettakatol, la position est claire depuis quelque temps à savoir sa sortie de la Troïka au cas où les deux ministères des Affaires étrangères et de la Justice ne seraient pas confiés à des personnalités neutres et indépendantes.


Il faut dire que les événements se sont précipités au cours des deux derniers jours avec les réunions extraordinaires tenues par le conseil de la choura d’Ennahdha et le conseil national du Congrès pour la république (CPR).

Le parti islamiste semble prendre la voie de la fuite en avant. Les faucons de ce parti semblent l’emporter, du moins dans l’état actuel des choses, en imposant leur vision, à savoir, le maintien des ministères de souveraineté chez leur parti et l’apport de quelques retouches de façade. Ils ne semblent pas concevoir que de petits partis, à leurs yeux, tels que le CPR et Ettakatol, leur fassent du « chantage ».

Le parti de Rached Ghannouchi semble ainsi croire à l’illusion qu’il peut gouverner, à lui tout seul, la Tunisie. Mais ses alliés d’hier, qu’Ennahdha qualifie aujourd’hui de simples partenaires, semblent réaliser enfin que le parti islamiste ne représente que…39% du nombre des sièges à l’Assemblée nationale constituante et beaucoup moins au niveau du nombre des votants au scrutin du 23 octobre 2011.

Mais pourquoi l’émergence de cette crise en ces moments précis au point de voir la fameuse Troïka voler en éclats ? Pourquoi cette prise de position ferme et énergique des deux partenaires d’Ennahdha ? Et pourquoi cette intransigeance du parti islamiste au risque de se retrouver isolé ou presque dans le paysage politique national ?

Pour pouvoir répondre à ces multiples points d’interrogation, il faut remonter à octobre 2011. On se rappelle qu’il a fallu un mois en entier pour signer le fameux document de coalition, sans être lu par certains, à cause des rivalités entre Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar pour le poste de président de la République, chacun d’eux tenant à inscrire son nom dans le palmarès et dans l’histoire comme ayant assumé cette charge de la magistrature suprême de la Tunisie.

Les deux petits partis, vivant en ces moments là, comme dans un rêve et croyant à peine qu’ils se trouvaient aux portes du pouvoir, ont accepté toutes les conditions d’Ennahdha et n’ont pas réalisé -ou ont fait semblant – qu’ils avaient accepté des « miettes du gâteau », à savoir six portefeuilles chacun sur la cinquantaine de départements à prendre. Sans oublier que les ministères de souveraineté sont tous revenus – à part celui de la Défense nationale – au parti islamiste.

Mais avec le temps et l’usure du pouvoir, les divergences commençaient à voir le jour. Et ce qui devait arriver arriva avec la démission de Mohamed Abbou du CPR qui s’est, enfin, aperçu, qu’il n’avait aucune prérogative au sein du gouvernement et qu’il devait obéir à ses maîtres d’Ennahdha.

Ensuite, ce fut le départ du ministre des Finances, Houcine Dimassi avant le premier sérieux clash entre Ennahdha et le CPR lors de l’affaire de Baghdadi Mahmoudi, suivie juste après par celle du remplacement du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli par Chedly Ayari.
 
Et depuis, on ne parle que de remaniement ministériel qui a entraîné une véritable crise déclenchée par le discours de Moncef Marzouki réclamant un gouvernement restreint composé de compétences et la multitude de voix s’élevant revendiquant la neutralité des ministères de souveraineté. Une ligne rouge pour le parti islamiste qui a fait semblant d’accepter des négociations là-dessus, mais a fini de trancher sous l’emprise de Rached Ghannouchi et ses partisans.

Hamadi Jebali, qui était prêt à faire des concessions pour sauver la Troïka, s’est retrouvé en minorité au sein de son parti. Il l’a fait savoir d’une manière voilée en ce samedi du 26 janvier 2013 en annonçant qu’il était prêt à s’en remettre à l’ANC avant de le montrer clairement lors de la dernière réunion du conseil de la choura qu’il a quittée en colère.
 
Nombreux sont les observateurs qui avait prédit ce blocage pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le gouvernement, avec sa composition fondée sur la répartition partisane et sans compter de véritables compétences capables de diriger la Tunisie dans une phase transitoire, exceptionnelle et délicate sur tous les plans, politique, social et économique, n’a ni l’envergure ni la capacité d’assumer cette mission.

Les titulaires des postes ministériels croyaient avoir affaire à une tâche aisée et que tout marcherait tout seul en attendant les prochaines élections qui les confirmeraient dans la victoire de leurs partis.

Ils se sont alors mis à débiter des promesses et des paroles, confortés en cela par des chiffres avancés par des mécanismes, dont celui de l’Institut national des statistiques, mis sous la coupe d’Ennahdha. Ils se sont mis, également, à mettre la main sur tous les rouages clés de l’Etat (gouvernorats, délégations municipalités, sociétés nationales directions générales) sous le prétexte fallacieux qu’il est logique qu’ils travaillent avec des hommes de « leur » confiance.
 
Or, ils semblent avoir oublié qu’ils sont là uniquement pour assurer la mise en place des institutions en vue de la prochaine étape finale et non pour gouverner dans le sens classique du terme. Or, ce qu’a fait Ennahdha laisse supposer qu’il s’installe aux commandes du pays pour des dizaines d’années puisqu’on est jusqu’à parler de stratégie de longue haleine visant des projets à réaliser dans vingt ans !

Pourtant, le pays a besoins de mesures urgentes pour répondre aux besoins immédiats des citoyens et des régions intérieures et de la mise en place des Instances essentielles, de la loi électorale et, bien entendu, l’élaboration du texte de la Constitution.

Mais ce n’étaient pas les objectifs d’Ennahdha qui a multiplié les manœuvres et les opérations de diversion pour nous faire tailler une Constitution à « sa » mesure, des Instances (élections, information et magistrature) à « sa » mesure, tout en prenant le temps qu’il « lui » faut pour organiser des élections à « sa » mesure.
 
Grisé par le pouvoir et voulant avoir le beurre et l’argent du beurre, le parti islamiste a voulu rafler toute la mise aux dépens et de ses adversaires et de ses partenaires politiques. Mais c’était compter sans la résistance des forces progressistes et démocratiques du pays aussi bien politiques que celles de la société civile qui ont tenu bon par le biais des médias et des réseaux sociaux.

Déstabilisé par cette résistance et par l’émergence de Nidaa Tounès, désormais, allié aux partis Al Joumhouri et El Massar, deux formations au militantisme reconnu et au passé honorable en matière de lutte contre la dictature et la corruption, le parti islamiste semble opter pour la fuite en avant et pour la manière forte.

Après avoir misé sur les forces salafistes, devenues encombrantes, il est en train de compter sur ces bandits desdites Ligues de protection de la révolution (LPR) dont toutes les forces politiques et de la société civile réclament la dissolution. Ennahdha est allé jusqu’à abattre les masques en revendiquant officiellement la libération des présumés assassins de Lotfi Nagdh à Tataouine !
 
Un point à relever. Il est curieux que certains revendiquent le départ des ministres de la Justice et des Affaires étrangères, alors qu’au départ la réclamation portait sur tous les départements de souveraineté.

Or, avec ce qu’on constate comme passivité des forces de l’ordre lors des attaques subies par les réunions des partis politiques et l’impunité dont bénéficient ces hors la loi de LPR ainsi que la dernière crise entre Ali Laârayedh et les forces de sécurité, le département de l’Intérieur devrait être plus que jamais concerné par le changement et par l’avènement d’une personnalité compétente et technicienne pour le diriger et pour garantir, le moment venu, un déroulement normal des prochaines élections et de la campagne électorale.

« Sans un ministre de l’Intérieur neutre, il ne pourra y avoir des campagnes électorales et des élections libres et démocratiques », dixit Maya Jribi.

La crise est donc bien là. Elle risque, non seulement de « balayer » la Troïka au pouvoir, mais surtout de faire retarder, sin die, le processus de la transition démocratique et de faire plonger la Tunisie dans une période d’incertitude indéterminée.

03/02/2013 | 1
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