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Les alternatives silencieuses de Mehdi Jomâa
12/02/2016 | 19:59
6 min
Les alternatives silencieuses de Mehdi Jomâa

 

Cela fait un peu plus d’un an qu’il a officiellement quitté la scène politique et qu’on ne l’a quasiment plus revu sur une scène médiatique ou publique. En dépit de cette « absence », force est de constater que son nom est régulièrement rappelé dans les médias et souvent cité dans les salons. Que prépare l’ancien chef du gouvernement Mehdi Jomâa ?

 

Il y a ceux qui, pour exister politiquement, multiplient les conférences de presse, les interviews, les déclarations et les polémiques. On annonce un projet par ci et on dénigre un hypothétique adversaire par là. L’essentiel est qu’on parle d’eux, de préférence en bien, et toutes les ficelles sont bonnes à prendre: on rappelle ses années de militantisme lorsqu’on s’est cousu la bouche pendant que les autres la fermaient, on se réclame d’un leader politique défunt en s’autoproclamant son héritier unique et on se présente comme le « sauveur », « le meilleur » ou « l’incorruptible ». La vitrine est belle, les mannequins sont beaux, mais ça s’arrête là. Car de projet concret, il n’y en a point. Et puis, il y a ceux qui préfèrent s’occuper des fondations avant d’attaquer la façade. Le béton n’est certainement pas beau à voir, mais il est essentiel à toute construction qu’on veut solide.

 

Après avoir quitté la Kasbah un certain 6 février 2015, Mehdi Jomâa n’a quasiment plus parlé dans un média. Est-il retourné aux affaires après une brève expérience politique de deux ans ? « Oui, il faut bien que je vive et que j’assure des rentrées d’argent à ma famille », dit-il à son entourage. Les médias ? Il évite toute apparition publique, bien qu’il n’ait jamais cessé de rencontrer des journalistes, triés sur le volet, avec qui il maintient des relations cordiales et s’entretient exclusivement en « off ». La même démarche est entreprise avec les plus gros hommes d’affaires et d’influence du pays, mais également les diplomates et les décideurs internationaux. Mais le tout se passe en toute discrétion. Même les indiscrétions sont étouffées. Qui, par exemple, sait que Mehdi Jomâa a passé son réveillon avec le Roi du Maroc ? Ou du contenu des tête-à-tête qu'il a eus en novembre dernier avec Abdelaziz Bouteflika et Abdelmalek Sellal ?

En dépit de son silence religieusement observé, on parle souvent de Mehdi Jomâa dans les médias. Et ce ne sont pas uniquement les journalistes et les animateurs qui parlent de lui. Un leader politique, qui ne sait plus avec qui en découdre, l’a récemment descendu en flammes, dans deux stations radio. Ce qu’il lui reproche ? C’est que les médias ne parlent de lui qu’en bien, alors qu’il n’a (selon ce « leader ») rien fait de bien durant son année à la présidence du gouvernement.

 

Jalousie ou inquiétude ? En regardant de l’intérieur la ruche de Mehdi Jomâa, sise dans un quartier huppé de Tunis, ce « leader » a de quoi s’inquiéter et le jalouser, tout comme les autres dirigeants d’échoppes politiques aux belles vitrines.

La ruche en question est mise à disposition par un généreux donateur participant au « projet ». Grande villa de trois niveaux, bien gardée, mais fort discrète. On n’y entre qu’après avoir montré patte blanche. « C’est ici que tout se prépare », nous dit-on. Et qu’est-ce qui se prépare ?

L’idée première part d’un constat, exactement celui fait par Béji Caïd Essebsi en 2012 : il n’y a pas de véritable alternative capable d’être un réel contrepoids aux actuels gouvernants. Ce vide fait que quelques personnalités pragmatiques de tous les domaines ont décidé de se rassembler pour imaginer un programme politique concret, applicable et séduisant. On insiste à dire, sans convaincre, que ce n’est pas un parti politique, ni même l’ébauche, mais plutôt un think tank qui prendra la forme d’une fondation. Le nom est déjà sélectionné et ce sera « Tunisie Alternatives ». « Tounes el badael » en arabe.  

Quant à la composition, les personnalités en question, on trouve outre Mehdi Jomâa, Hédi Laarbi, Neila Chaâbane, Emna Kallel, Taoufik Jelassi, Kamel Bennaceur, Taher Lakhdher, Walid Belhadj Amor, Sana Ghenima, Aziz Majoul...

 

Ce ne sont que les noms qu’on a bien voulu nous donner, car il y en a d’autres et de calibre supérieur dont plusieurs ministres du gouvernement Jomâa. Ces derniers préfèrent pour le moment la discrétion, tout comme les hommes d’affaires de renom et même des personnalités aux tendances islamistes. C’est là tout l’ADN de Mehdi Jomâa (ou de son « Tunisie Alternatives »), les compétences se sélectionnent en fonction de leurs compétences, justement, et non en fonction de leurs orientations religieuses ou de leur militantisme et encore moins en fonction de leur haine à telle idéologie ou amour à tel personnage. Ces caractéristiques de discrétion et de pure compétence représentent l’autre molécule de l’ADN de Tunisie Alternatives, qu’on trouve rarement ailleurs : ici, on ne se la joue pas !

D’ores et déjà, une équipe de communication est mise en place, dirigée, elle aussi, par une autre « personnalité » aux compétences certaines. C’est une ruche dans la ruche, composée de jeunes belles têtes qui savent être efficaces et, on le constate au quotidien, ce n’est pas donné à tout le monde. On y écrit des analyses, on surveille d’un coin de l’œil les chaînes d’informations internationales sur les écrans accrochés aux murs, on assure la veille, on observe (avec amusement) la concurrence et ses dénigrements, on étudie les textes, le tout sans bruit.

 

Concrètement, Tunisie Alternatives c’est quoi ? Réponse du service de communication : « C’est un laboratoire d’idées indépendant et ouvert qui vise à fédérer les compétences tunisiennes pour proposer au pays des stratégies et des programmes de développement alternatifs, afin de sortir la Tunisie des difficultés qu’elle traverse aux plans sécuritaire, économique, social, culturel et de la crise des valeurs républicaines et citoyennes.

L’objectif est de contribuer à l’édification d’une Tunisie démocratique, prospère et juste, à travers l’offre de propositions innovantes permettant de relever le défi des transformations nécessaires des modèles politique, économique et social de la société et d’en accélérer la mise en œuvre. »

 

Le projet semble prometteur, mais un peu trop optimiste quand on connait la réalité du pays. « C’est là la raison principale de la discrétion, nous répond l’un des acteurs du projet. On ne saurait préparer la charrue avant les bœufs. On ne peut pas courir les plateaux télé, sans avoir au préalable concrètement préparé quelque chose de viable et de solide. La fondation d’un projet se doit d’être solide et, pour se faire, elle exige des centaines d’heures de travail minutieux ».

La date de médiatisation de tout cela ? « Nous communiquerons quand nous serons prêts, mais nous serons prêts à temps ! ». Et si le calendrier politique est bousculé pour une raison ou une autre ? « Si le calendrier est bousculé, nous pouvons dire que nous serons prêts avec une bonne fondation déjà. »

Sous-entendu, les autres n’ont que la (belle) vitrine de prête…

 

Nizar Bahloul

 

12/02/2016 | 19:59
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Commentaires (48)

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El Barmeki
| 14-02-2016 21:39
Merci Dr Tazerk. Les leçons de Socrate demeurent actuelles. Malheureusement l.analphabétisme est la chose la plus répandue surtout parmi les politicards actuels majorité et opposition. Pauvres sont ceux qui croient encore à la théorie du sauveur, mais les malheurs que nous vivons et la médiocrité qui paralyse tous les secteurs y sont pour beaucoup. L'apparente liberté d'expression nous bercera d'illusions tant nous sommes incapables de changer notre mentalité et de cesser de croire aux miracles.

futur de tunisie
| 14-02-2016 16:03
Il n'a fait que faire bosser ses copains : gaz de schiste par ci, nucléaire par là, avec des Ministres hors du coup. Il n'a JAMAIS pensé à la Tunisi même quand il DEVAIT le faire.

boubaker sadok
| 14-02-2016 13:31
Beethoven l'homme même sourd qui ne s'est jamais soumis face au destin et à la fatalité avait de l'admiration,de l'estime et de l'espoir en comparant Napoléon aux plus grands et suite au désenchantement et déception pour tous les leaders Beethoven déclara : « Ce n'est donc qu'un homme ordinaire! »

Dr. Jamel Tazarki
| 14-02-2016 11:55
"Glaucon, fils d'Ariston, aspirait à devenir orateur populaire, avec la prétention d'arriver au gouvernement de l'État, quoiqu'il n'eût pas encore vingt ans : ses parents et ses amis ne pouvaient le faire revenir, bien qu'on l'arrachât de la tribune et qu'on le couvrît de huées. Socrate, qui lui voulait du bien, par amitié pour Charmide, fils de Glaucon, et pour Platon, parvint seul à le rendre sage.

Le rencontrant un jour et voulant tout d'abord se faire écouter, il engagea ainsi la conversation avec lui : « Glaucon, dit-il, tu t'es donc mis dans la tête de gouverner notre cité? - Mais oui, Socrate. - Par Jupiter, c'est le plus beau des projets qu'un homme puisse former : car il est clair que, si tu parviens à ton but, tu seras en passe d'obtenir tout ce que tu désireras, de servir tes amis, d'élever la maison de tes pères, d'agrandir ta patrie. Tu commenceras par te faire un nom dans ton pays, puis dans toute la Grèce, et peut-être même, comme Thémistocle, jusque chez les barbares ; enfin, partout où tu iras, tu fixeras sur toi tous les yeux. » En entendant ces mots, Glaucon se redressait avec fierté et demeurait avec plaisir. Socrate continua en ces termes : « N'est-il pas évident que, si tu veux être honoré, tu dois rendre service à la république? - Sans doute. - Au nom des dieux, ne me cache rien, dis-moi quel est le premier service que tu veux lui rendre." Glaucon gardait le silence, cherchant en lui-même par où il commencerait. « Voudrais-tu d'abord, lui dit Socrate, de la même manière que s'il s'agissait d'enrichir la maison d'un ami, t'efforcer d'enrichir la république? - Je le voudrais. - Le moyen de la rendre plus riche, n'est-ce pas de lui procurer de plus grands revenus?- C'est tout naturel. - Dis-nous donc d'où se tirent aujourd'hui les revenus de l'État et quel en est le chiffre. Il est évident que tu en as fait une étude, afin de pouvoir suppléer aux produits qui se trouveraient trop faibles et remplacer ceux qui viendraient à manquer. - Mais, par Jupiter, reprit Glaucon, je n'y ai jamais songé. - Puisque tu n'as pas songé à ce point, dis-nous au moins quelles sont les dépenses de la ville : car il est certain que tu as l'intention de diminuer celles qui sont superflues. - Ma foi, je ne m'en suis pas non plus occupé. - Eh bien, remettons à un autre temps le projet d'enrichir l'État; comment, en effet, y songer avant de connaître les dépenses et les revenus? - Mais Socrate, dit Glaucon, on peut encore enrichir la république de la dépouille des ennemis. - Oui, sans doute, si l'on est plus fort qu'eux; car si l'on était plus faible, on perdrait même ce que l'on a. - Tu dis vrai.- Celui qui veut, à l'occasion, pouvoir faire une guerre, doit donc connaître la force de sa nation et celle des ennemis, afin que, si sa patrie est la plus forte, il lui conseille de commencer les hostilités, et si elle est la plus faible, il lui persuade de se tenir sur la défensive. - Tu as raison. - Dis-nous donc d'abord quelles sont les forces de notre cité sur terre et sur mer, puis quelles sont celles des ennemis. - Ma foi, je ne puis te répondre ainsi sans préparation. - Mais si tu as écrit quelque chose là-dessus, je l'entendrai avec le plus grand plaisir. - Non, par Jupiter, je n'ai absolument rien écrit. -Eh bien, alors, nous ajournerons aussi notre première délibération au sujet de la guerre; peut-être, vu l'importance de l'objet et ton début dans les affaires, n'as-tu pas pu l'étudier encore? Mais je vois que tu t'es occupé déjà de la défense du pays; tu sais quelles garnisons sont nécessaires et quelles autres ne le sont pas, sur quels points les gardes sont trop nombreuses ou bien insuffisantes; tu conseilleras d'augmenter celles qui ne sont pas assez fortes, de retirer celles qui ne sont pas nécessaires. - Par Jupiter, reprit Glaucon, je suis d'avis de les retirer toutes; car elles gardent le pays de manière à ce qu'on y vole tout. - Mais si l'on retire les garnisons, ne sens-tu pas qu'il sera possible alors à qui voudra d'enlever même de vive force? D'ailleurs, as-tu visité toi-même les garnisons? Comment sais-tu qu'elles font mal leur service? - Je le suppose. - Eh bien, quand nous aurons quelque chose de plus que des suppositions, alors nous délibérerons aussi sur cet objet. - Peut-être cela vaudra-t-il mieux. - Je sais, ajouta Socrate, que tu n'as pas été voir les mines d'argent, de sorte que tu ne peux pas dire pourquoi elles produisent moins qu'autrefois - En effet, je n'y ai pas encore été. - On dit, ma foi, que l'air y est malsain; et conséquemment, si l'on vient à en délibérer, tu auras là une excuse suffisante. - Tu te moques de moi reprit Glaucon. - Mais je suis sûr du moins que tu as soigneusement examiné combien de temps le blé récolté dans le pays peut nourrir la ville, et combien on en consomme de plus chaque année, afin que, si l'État venait à éprouver une disette, tu ne fusses pas pris au dépourvu, mais en mesure, grâce à tes prévisions, de pourvoir aux besoins de la ville et de la sauver. - Tu me parles là, dit Glaucon, d'une grosse affaire, s'il faut veiller à tous ces détails."

Dr. Jamel Tazarki
| 14-02-2016 11:53
la suite du texte:
"- Cependant, reprit Socrate, on n'est pas même capable de bien gouverner sa maison, si l'on n'en connaît pas tous les besoins, si l'on ne sait pas les satisfaire; mais puisque la ville contient plus de dix mille maisons et qu'il n'est pas facile de s'occuper de tant de familles à la fois, pourquoi n'as-tu pas essayé d'abord d'en relever une, celle de ton oncle? Elle en a besoin. Après en être venu à bout, tu aurais passé à un plus grand nombre; mais si tu ne peux pas rendre service à un seul individu, comment pourras-tu être utile à tout un peuple? C'est comme si un homme n'avait pas la force de soulever le poids d'un talent; n'est-il pas clair qu'il ne devrait pas essayer d'en soulever davantage? - Ah! certes, dit Glaucon, je serais bien utile à la famille de mon oncle, s'il voulait m'écouter! - Ainsi, reprit Socrate, tu n'as pas pu persuader ton oncle, et tu voudrais te faire écouter de tous les Athéniens et de ton oncle avec eux? Prends garde, Glaucon, en désirant la gloire, d'arriver à tout le contraire."

Dr. Jamel Tazarki
| 14-02-2016 11:50
la suite du texte:
"Ne vois-tu pas comme il est dangereux de dire ou de faire ce qu'on ne sait pas? Regarde parmi tous ceux de ta connaissance qui parlent et agissent sans savoir, s'ils te paraissent, pour cette raison, obtenir des éloges ou des reproches. Sont-ils admirés ou méprisés? Regarde, au contraire, les hommes qui savent ce qu'ils disent, ce qu'ils font, et tu verras, je crois, que, dans toutes les circonstances, ceux qui ravissent les suffrages et l'admiration sont précisément ceux qui savent, tandis que l'opprobre et le dédain sont le partage des ignorants. Aussi, puisque tu aimes la gloire et que tu veux te faire admirer de la patrie, travaille à bien savoir ce que tu veux mettre en pratique : car, si tu parviens à l'emporter en cela sur les autres, et qu'alors tu prennes en main les affaires de l'État, je ne serai pas étonné que tu obtiennes très facilement ce que tu désires."

les chevaux de l'apocalypse
| 14-02-2016 04:25
et la ou reside le danger.
les ennemis de la tunisie peuvent le manipuler facilement,voire tres facilement.
bonne chance aux tunisiens

bachi
| 14-02-2016 01:00
Les chiens aboient, la caravanne passe. Alors que toute notre belle elite post revolutionnaire, auto-proclamee professionnelle de la politique (on se demande quel serait la situation du pays s'ils etaient amateurs), se dechaine deja par ambition personnelle dans les plateaux tele, l'equipe Mehdi Jomaa donne, au dela de la competence, une lecon de modestie et dignite a ceux qui sont prets a vendre pere, mere et patrie pour troner sur un pays qu'ils garderont en faillite car incapables de lui donner une vision, un projet, un avenir. J'espere que cette equipe a des jeunes, car c'est a eux qu'il appartient de creer l'avenir.

tunisien pur sang
| 14-02-2016 00:37
Mise au point nécessaire et indispensable à rappeler aux tunisiens . Peut être même qu'il manquait d'autres points négatifs comme son sourire artificiel et ironique qui n'inspire guère confiance .
Qui derrière cette mascarade qui n'annonce pas de meilleurs jours pour notre chère TUNISIE qui n'est pas à vendre bande d'opportunistes !!!!!!

Faithful citizen
| 13-02-2016 23:53
"badil" une terminologie islamiste, après la révolution on n'entend que ça : al thakafa elbadila, al taâlim elbadil, etc...L'abus est de proposer une société "badila" et la Tunisie s'est perdue dans tout ça. Le seul exploit de l'année de son règne était de faire l'oreille sourde à l'arnaque du bac juin 2014 qui ne s'est pas arrêté au Kit mais une fuite prouvé de l'épreuve de math qui aurait due être annulée, suite à laquelle des quasianalphabètes ont su décrocher des 20. C'était une démonstration du badil de l'excellence...