C’est une journée à marquer d’une pierre noire pour la région de Kasserine. Les Tunisiens se sont réveillés au matin de ce mercredi 31 août 2016, en apprenant qu’une opération terroriste s’est déroulée à l’aube dans la cité El Karama, faisant des morts et des blessés. Kasserine, un gouvernorat, qui a été le premier à être touché par le terrorisme naissant en Tunisie post-révolution, n’est pas au bout de ses peines. La menace persiste et rien n’est gagné !

Lundi 29 août, jour d’entrée en fonction du nouveau gouvernement d’union nationale, trois soldats de l’armée tunisienne ont trouvé la mort au mont Sammema, l’un des principaux maquis des terroristes qui se sont retranchés dans les hauteurs ouest du pays. Neuf autres soldats sont blessés, dans ce guet-apens ourdi par les terroristes. Des mines ont explosé, au cours du passage d’un char de l’armée et selon Belhassen Oueslati, porte-parole du ministère de la Défense, les assaillants ont utilisé, lors de l’attaque, des fusils mitrailleurs, des lance-roquettes et des grenades. C’est une véritable scène de guerre qui nous est parvenue du lieu de l’attaque : un engin blindé mis en pièces et entaché de sang.

Encore une fois, trois jeunes y laissent la vie pour défendre la patrie. Ils s’appellent : Amen Themri, Motaz Khenissi et Montassar Boulhémi. Qu’ils reposent en paix !

Mardi, on apprenait que des opérations de ratissage d’envergure ont été effectuées à mont Sammema à la recherche des éléments terroristes. Les forces armées ont retrouvé d’importantes traces de sang et des affaires appartenant à ce groupe. Les terroristes ont été touchés lors des affrontements avec les militaires et il s’avère qu’ils disposent d’équipements tout neufs, d’après les objets saisis sur les lieux.  Le même jour, le groupe terroriste Katibat Okba Ibn Nafaâ, affilié à l’organisation terroriste Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), refaisait surface et revendiquait, dans un communiqué, l’attaque.

Et c’est en ce mercredi que tout se précipite. Dans la matinée, des terroristes s’attaquent à « Hay el Karama, une cité de la ville de Kasserine. Ces éléments, qui étaient retranchés au mont Selloum, ont tenté de par cette action, de s’emparer de la cité, notamment dans le but de s’y approvisionner. Encerclés, chassés de leur maquis, les terroristes adoptent une nouvelle stratégie et prennent des risques. La réplique des forces sécuritaires n’ayant pas tardé, ils se sont retranchés dans une maison de la ville. S’en sont suivis de violents affrontements, alors que les citoyens, bravant le danger et à coups de « Tahya Tounes » [Ndlr. Vive la Tunisie], sont sortis dans les rues pour afficher leur soutien aux efforts de lutte contre le terrorisme. Ils se sont par ailleurs, mobilisés et ont tenté de protéger la ville en se dressant contre les assaillants. Un jeune de 16 ans a trouvé la mort. On pourrait disserter à longueur de journée sur l’inconscience de certains citoyens, qui se mettent en danger, en pareilles situations, mais cela dénote du rejet que ressent une forte majorité de Tunisiens face à ce phénomène qu’est le terrorisme.

Du coté des terroristes, deux éléments  ont été tués lors des échanges de tirs. Plusieurs arrestations ont été effectuées par l'Armée et certains autres éléments dangereux ont réussi à prendre la fuite.

A peine quelques heures après les événements de la cité el Karama, la série noire continue. Un accident de la route, survient dans la localité de Khmouda, faisant 16 morts et 85 blessés.

Un véhicule poids lourd a dérapé et foncé sur l’emplacement du souk hebdomadaire de Kasserine déclenchant un énorme incendie meurtrier.

Selon le ministère, l’accident est survenu lorsque les freins d’un poids lourd transportant du ciment ont lâché. L’engin a dérapé et est entré, dans un premier temps, en collision avec un bus de la Société régionale de transport de Kasserine, avant de percuter un poteau électrique haute tension qui s’est effondré sur plusieurs voitures. Une quinzaine de véhicules ont pris feu.

La zone où a eu lieu l’accident était particulièrement fréquentée ce mercredi, jour du marché hebdomadaire à Kasserine. Certains observateurs ont relevé le fait que cet affreux accident coïncidait avec l’opération sécuritaire qui se déroulait en même temps à la cité el Karama. Simple coïncidence ou acte prémédité ? On avance la thèse de la voiture-bélier, mode opératoire qui rappelle l’attaque terroriste de Nice, et qui serait une tentative de desserrer l’étau autour des terroristes. Mais toute cette théorie reste, bien évidemment, à prouver en l’absence d’éléments allant dans ce sens…

Ce mercredi, également, s’est tenu le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement d’union nationale. Gouvernement qui a inscrit la lutte contre le terrorisme dans ses premières priorités. Lors de la passation des pouvoirs, l’ancien chef du gouvernement, Habib Essid a transmis un document retraçant les réalisations, les objectifs et les chantiers laissés en cours par l’équipe sortante. Le volet sécuritaire et de lutte contre le terrorisme y tient une place importante.

Le gouvernement Chahed a fait son « baptême du feu » dès son accession au pouvoir. En dépit des succès sécuritaires, la menace demeure bien réelle et l’opération de Kasserine en est la preuve vivante. Le phénomène terroriste est certes régional, il n’en demeure pas moins un problème tunisien qui impacte la stabilité économique et politique dans le pays. Le défi de Youssef Chahed et de sa nouvelle équipe sera de savoir mettre en place une stratégie nationale efficace et efficiente. Six gouvernements se sont succédé depuis les événements de janvier 2011, chaque gouvernement esquisse les contours d’une stratégie et à son départ, c’est l’éternel recommencement…

Ikhlas Latif