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Le double langage de Ghannouchi concernant les jihadistes
26/09/2012 | 1
min
Le double langage de Ghannouchi concernant les jihadistes
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Multipliant ses sorties médiatiques depuis les incidents de l’ambassade des Etats-Unis, le 14 septembre, le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, nuance ses propos concernant les jihadistes en fonction du public auquel il s’adresse. Ils « représentent un danger pour la Tunisie » avec l’AFP et « mes propos ont été déformés, nous n’avons nullement l’intention de combattre un courant religieux » avec Al Watania 1.

Rached Ghannouchi s’est limité à dire dans une déclaration à la télé Al Watania 1 que « ses propos avaient été déformés ». Il n’a pas appelé la journaliste de l’AFP pour contester après la publication de l’Agence de presse française sa fameuse citation « les jihadistes représentent un danger pour la Tunisie », en citant le leader d’Ennahdha. L’absence de contestation signifie que Ghannouchi est dans son jeu. D’ailleurs, depuis la chute de l’ancien régime et, notamment, depuis les élections du 23 octobre 2011, remportées par le parti Ennahdha, les leaders du parti islamiste ont brillé par leur double-langage et par une absence totale d’autocritique, ou de retour sur les événements passés.

Ainsi, si dans la déclaration de Ghannouchi à l’AFP, reprise depuis par plusieurs médias internationaux, dont Business News, le leader d’Ennahdha a déclaré : « Les salafistes jihadistes sont un danger pour la Tunisie. L’Etat tunisien doit ‘serrer le vis’ après l’attaque de l’ambassade américaine. A chaque fois que des partis ou des groupes outrepassent d’une façon flagrante la liberté, il faut être ferme et insister sur l’ordre ». Il trouve même que «Ces gens-là représentent un danger non seulement pour Ennahdha, mais également pour les libertés publiques dans le pays et pour sa sécurité, c’est pour cela que nous devons, tous, faire face à ces groupes mais avec des outils respectueux de la loi».
Par ailleurs, Ghannouchi a rejeté les accusations de laxisme à l’encontre du gouvernement tunisien qui n’a pas arrêté, alors qu’il en avait la possibilité au cours de la semaine dernière, le chef jihadiste Abou Iyadh soupçonné d'être derrière l’attaque du 14 septembre contre l’ambassade des Etats-Unis et une école américaine.
Le leader d’Ennahdha a même comparé ce chef des salafistes jihadistes tunisien à Ben Laden, ancien chef d’El Qaïda. Il a affirmé que « Ben Laden est resté libre durant plusieurs années et les services secrets internationaux sont restés longtemps à ses trousses sans pouvoir l’arrêter. Ce n’est, donc, pas étonnant que quelqu’un disparaisse (parlant d’Abou Iyadh), mais la police va continuer à le poursuivre jusqu'à ce qu’il soit arrêté».

Les propos étaient donc nets et clairs contre le salafisme jihadiste et affichaient une fermeté à toute épreuve pour lui barrer la route. « Mais, il s’agit surtout de tranquilliser le monde extérieur, qui ne veut pas que les jihadistes aient une place au soleil en Tunisie. Ce message a été repris par plusieurs médias internationaux qui ont titré en bande large : « le gouvernement tunisien serre la vis contre les salafistes ». « L’objectif de Ghannouchi est ainsi atteint », pense l’historien spécialiste des islamistes Néji Jalloul.
A peine 24 heures après sa déclaration à l’AFP, Rached Ghannouchi a voulu ‘nuancer’ ses propos accusant les salafistes jihadistes de « représenter un danger pour la Tunisie ». Au lieu d’envoyer des ‘précisions’ à l’AFP, Il a affirmé sur la télé nationale que « ses déclarations ont été déformées et rapportées de manière imprécise » soulignant que « les auteurs des agressions perpétrées contre l’ambassade et l’école américaines à Tunis n’appartiennent pas au mouvement salafiste mais ce sont des criminels et des terroristes ». Contrairement à l’explication exprimée sur les médias internationaux, Rached Ghannouchi a nié devant la presse nationale « toute volonté de combattre un courant religieux » affirmant que « la Tunisie est pour tous et que les salafistes jihadistes font partie intégrante de la société tunisienne ».

Par ailleurs, dans une interview sur Courrier international, Ghannouchi s’est déclaré « contre la constitutionnalisation du Conseil supérieur islamique », alors que, dans la commission des instances constitutionnelles de l’Assemblée, les membres d’Ennahdha bloquent l’avancement des travaux tant que « ce conseil supérieur islamique n’a pas été constitutionnalisé ».
Dans une autre interview avec Canal +, il a fermement condamné, au nom de l’Islam, les incidents perpétrés dans l’ambassade des Etats-Unis et l’école américaine et s’est clairement exprimé pour des poursuites contre les casseurs.

« Le double langage de Ghannouchi a des explications électoralistes. Ennahdha comprend une aile radicale quasi-salafiste, qui est présente à l’Assemblée et à la direction du parti, à l’instar d’Habib Ellouze et Sadok Chourou. Ghannouchi ne peut pas les ignorer dans sa stratégie électorale, surtout que les résultats du gouvernement de la Troïka ne sont pas éloquents sur le plan socioéconomique. Le leader d’Ennahdha se trouve donc coincé entre un désir de vendre à l’Occident son islam modéré et les exigences de sa base radicale, d’où ce double langage », conclut Néji Jalloul.
Par ailleurs, le Doyen et éminent juriste, Iyadh Ben Achour, s’est prononcé sur ces sursauts dans les positions d’Ennahdha en ces termes : « le parti majoritaire actuel va vers une scission incontournable, à plus ou moins long terme. Ce parti comprend des éléments brillants sur lesquels nous pouvons compter, des croyants modernes et intelligents, de véritables hommes d’Etat, en qui nous pouvons faire confiance, ceux qui ont participé à l'élaboration de la plateforme du 18 octobre 2005. En revanche, il comprend également des éléments dits « salafistes » sortis des ténèbres de la préhistoire politique. Ces tendances ne peuvent pas cohabiter, à terme. Le parti Ennahdha connaîtra le sort du Reffah partisi turc et ça sera d'ailleurs une excellente chose pour la Tunisie ».
En attendant, ce sont eux qui mènent le pays …

Mounir Ben Mahmoud
26/09/2012 | 1
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