alexametrics
jeudi 25 avril 2024
Heure de Tunis : 14:59
A la Une
Le commerce parallèle, symptôme d'une marginalisation de tout un pan de la Tunisie
11/02/2015 | 19:59
4 min
Le commerce parallèle, symptôme d'une marginalisation de tout un pan de la Tunisie

Rien ne va plus dans les régions frontalières au sud-est de la Tunisie. La grogne populaire à Dhehiba et Ben Guerdane a paralysé les activités dans la région. La situation a dégénéré jusqu’à en arriver à de violents affrontements opposant les forces de l’ordre et les manifestants, ayant entrainé un protestataire décédé et plusieurs autres blessés, outre les dégâts matériels subis par les postes de polices incendiés. La situation explosive dans ces deux villes est symptomatique de la marginalisation de longue date d’une région qui subsiste essentiellement grâce au commerce parallèle. 


Les manifestants protestaient à Dhehiba contre la marginalisation et revendiquaient la création d’emplois et la suppression de la taxe de sortie du territoire de 30dt, en plus de l’assouplissement des contrôles douaniers sur les transports des marchandises. Ils ont été réprimés par les forces de l’ordre, en fin de semaine dernière. La mort d’un manifestant a engendré des heurts et les mouvements de protestations se sont étendus à la ville de Ben Guerdane où les manifestants ont appelé à l’ouverture d’une enquête sur le recours excessif de la force policière. 

Après le point de passage de Ras Jedir, Dhehiba est le deuxième plus important poste frontalier avec la Libye. La situation dans les deux régions est similaire d’autant plus que la presque majorité des habitants actifs sont impliqués dans le commerce parallèle constituant leur unique moyen de subsistance, en l’absence de politique de développement régional et d’investissements.

Une étude récente de la Banque mondiale a démontré que les flux d’échanges informels entre la Libye et la Tunisie sont considérables et pourraient égaler la moitié du total des échanges commerciaux entre les deux pays. Le commerce informel, activité importante dans la région, a principalement lieu à travers le poste frontalier de Ras Jedir et en second lieu à Dhehiba. L’échange informel implique un grand nombre de personnes, tels que les transporteurs, les vendeurs ambulants, les commerçants saisonniers ou les grossistes et consommateurs tunisiens, pour qui cette activité rend les marchandises plus abordables. En outre, diverses marchandises en provenance de Chine et de Turquie entrent en Tunisie à travers la Libye, à cause des différences de taxation pouvant atteindre 78%. Le commerce informel est devenu encore plus vital pour l’importation des marchandises nécessaires et pour les exportations, qui fournissent des revenus en devises étrangères.

Il faudra noter que le taux de chômage le plus élevé en Tunisie est enregistré, pour l’année 2013, selon l’INS, dans le gouvernorat de Médenine (20,4%) avec 31.800 chômeurs et de Tataouine (37,0%) avec 16.200 chômeurs. D’après l’étude de la Banque mondiale, ce taux dans la délégation de Ben Guerdane est de 2% inférieur à la moyenne dans le gouvernorat de Médenine. Jusqu’à 20% de la population active est impliquée dans le commerce informel dans la région, dont 83% des habitants de Ben Guerdane, ce qui en fait la principale source d’emploi. Généralement, il s’agit d’hommes dans la trentaine qui ont un niveau d’études primaire ou secondaire, et ont, en moyenne, quatre personnes en charge. Un calcul a établi que le revenu mensuel de ces ménages est d’environ 250dt, ce qui est en dessous du seuil de pauvreté national. C’est dire la situation plus qu’alarmante dans laquelle vivent les habitants de la région. Le même schéma s'applique aussi à Dhehiba. 

Une enquête de la BM a été effectuée auprès des personnes impliquée dans le commerce parallèle. Leur demandant les solutions qui pourraient améliorer leur vie quotidienne, deux catégories de réponses en ressortent. 36% des personnes interrogées ont proposé un certain  nombre de mesures susceptibles d’améliorer leurs activités, tels que l’assouplissement des contrôles douaniers, l’amélioration des relations avec les autorités libyennes ou encore la lutte contre la corruption au sein des réseaux commerciaux et de transport de marchandise. Le second groupe, plus important (55% des personnes interrogées) assurent vouloir arrêter le commerce informel et souhaitent obtenir un emploi stable dans leur région. Les emplois les plus prisés sont dans le secteur industriel, l’agriculture et le secteur touristique, en particulier le tourisme médical ou encore la création d’une entreprise commerciale, sous condition de la mise en place d’une zone de libre échange.

Face à la grogne des habitants de Dhehiba et Ben Guerdane et à la répression policière qui s’en est suivie, la classe politique tunisienne, toutes tendances confondues, ont appelé à la mise en place, en urgence, d’une stratégie de développement visant à sortir ces zones frontalières de la marginalisation. Des régions oubliées par les autorités et les régimes qui se sont succédé, ce qui a mené à une situation sociale plus que critique. Les habitants n’ayant trouvé aucun autre moyen à leur disposition pour s’en sortir, se sont rabattus sur le commerce parallèle comme seule source de revenu. D’aucuns disent que ce phénomène a proliféré après la révolution et à cause d'un certain laisser-aller sécuritaire, mais force est de constater que les raisons sont plus profondes et découlent de la disparité économique et sociale dont souffre le sud-est de la Tunisie.

Véritable moteur économique des régions frontalières, le commerce parallèle est un phénomène complexe à traiter. Lutter contre, ne devrait pas forcément passer par l’intensification des sanctions ou par des solutions sécuritaires, ceci est corroboré par les troubles sociaux qui ont éclaté à Dhehiba et Ben Guerdane. Une stratégie globale de développement régional et un plan d’intégration progressif des personnes impliquées dans ce commerce au sein des circuits officiels est à préconiser, afin de limiter l’ampleur du trafic, cause de pertes faramineuses pour l’Etat tunisien.

 

11/02/2015 | 19:59
4 min
Suivez-nous
Commentaires (15) Commenter
Trafic dans tout le pays.
Contribuable
| 12-02-2015 17:56
Messieurs les lecteurs de BN .
Le trafic est dans tout le pays juste un peut plus dans le sud et plus visible qu'ailleurs .
En été des bâchés remplis des fruits et légume dans chaque coin de la rue sans payer le moindre Millime d'impôt .
Des stations service ambulant tout les 5 km un vrais danger publique sans payer le moindre Millime .
Avant la révolution c'était limité après Mareth ver le sud , aujourd'hui jusqu'à Bizert .
Maintenant la loi pour tous !!!!!!!!!!
Il faut légaliser tout ça
el manchou
| 12-02-2015 16:14
La solution est simple : mettre en place des règles simples sur l'import/export et faciliter l'activité de point de vue administratif.
Ceux qui ont le plus à perdre ne sont pas les contrebandiers qui risquent leurs vie chaque jour, mais leur boss installés à el manar et ennasr, et surtout les douaniers qui en vivent !
Une mentalité raciste !
Numide de Sbeitla
| 12-02-2015 15:38
@Leon,
Votre pseudo analyse illustre le racisme et le mépris classique des elites de la dictature : "les gens du nord sont aptes a faire le commerce civilisé des européens tandis que les sudistes sont aptes a faire la contrebande.. . Avec une telle mentalité raciste le pays ne trouvera ni stabilité ni progrés . Une mentalité pénible et imbecile que Ben Ali et ses elites ont cultivé et qui a contribué a le chasser du pays ! Sois sur que ceux qui voudraient perpetuer cet etat de choses seront éjectés des commandes de
l etat et ce tres bientot ! Sans la fidelite et
le soutien des populations du sud et de
l interieur , le terrorisme ne sera jamais vaincu... Le vent de liberté et de libération a toujours soufflé du sud et des regions de
l interieur et ce depuis l epoque de Carthage. Sans le soutien des royaumes berberes numides persécutés par Carthage, Rome n aurait jamais réussi a vaincre la cité punique...
Mais c'est le pauvre contribuable qui a créé le commerce parallèle!
DHEJ
| 12-02-2015 15:26
Suffoquant sous la pression fiscale, le pauvre contribuable est fatigué de l'état et de sa taxe indirect alors il se rue vers le commerce parallèle!

Le système tel qu'il est ne fonctionne qu'avec le commerce parallèle et pour solutionner le système il faut bien des ingénieurs systèmes... comme le LION!

Bravo Ikhlas Latif
Tataouini
| 12-02-2015 15:20
Il ne faut jamais désesperer ! Un article et une analyse rigoureuses et pertinentes dignes d un journalisme sérieux qui respecte ses lecteurs. On s attendait sinon a ce que BN encourage la matraque et s indigne que les sudistes ne continuent pas accepter
l appauvrissement. l exploitation
la discrimination et le mépris traditionnel des fausses elites nordistes qui sont responsables de l etat atuel des choses . Il ne faut jamais désesperer . bravo Ikhlas Latif !
La contrebande existe partout en Tunisie
jilani
| 12-02-2015 15:11
Allez à Zahrouni, à 7 Km de Tunis, vous allez voir l'essence qui se vend au noir, les cigarettes, ...
Tous les marchands de parfum vivent avec de la contrebande. Vous entrez dans les opticiens, les lunettes solaires viennent la plupart du marché de la contrebande,...
Allez visiter les villas à Ennaser qui vendent des vêtements venus de la contrebande.
80 % des tunisiens consomment du marché de la contrebande.
Sud Tunisien
Léon
| 12-02-2015 14:26
Le sud tunisien a une économie qui ne peut être gérée de la même manière que celle de la côte ou du nord. De par la proximité de la Libye, beaucoup d'opportunités se présentent et je ne vois pas pourquoi priver les gens du sud de cette chance.
Ils habitent une région déjà assez dure et si vous finissez par les dégoûter ils se tireront plus haut et laisseront la régions aux djihadistes qui en feront leur fief.
Ben Ali avait l'économie intelligente car elle se basait sur la "réalité du terrain" et les réalités locales.
Certains bons étudiants des amphithéâtres français veulent appliquer les principes du commerce en Europe. Ils sont hors propos et ne font que couvrir l'économie d'autres pays. La leur, celle qui donne à manger à leurs compatriotes, ils s'en foutent. Ou bien ils sont assez bêtes pour s'en rendre compte.
Le Sud a ses Hommes. Ne tirez pas trop sur les ficelles, déjà beaucoup d'entre eux regrettent Ben Ali.
Léon.
VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.
@BN; la dernière, à propos de mon commentaire sur le revenu annuel de 250dt
Petit x
| 12-02-2015 14:00
@ Si Nizar BAHLOUL: En vous disant faites secouer vos "troupes", dites moi en quoi le mot "troupes" a nécessité une censure de la part du modérateur !!
vraiment bizarre !!

BN: Votre mot a été mis en ligne.Merci de vérifier.
@ Si Nizar BAHLOUL: faites secouer vos troupes !
Petit x
| 12-02-2015 12:34
Ya Ikhlas, vous avez dit que:
"Un calcul a établi que le revenu annuel de ces ménages est d'environ 250dt"
Un revenu annuel par ménage de 250dt; vous savez de quoi vous parlez ou pas ?

Un peu de sérieux SVP dans vos informations, sinon allez faire autre chose !!
On attend explication !
les crocs de la mafia
Mohra
| 12-02-2015 10:06
apparemment la version que la tunisie est colonisée par la mafia semble etre veridique