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Chroniques
La santé de BCE (et des autres) en question
08/09/2014 | 15:59
5 min
Par Nizar BAHLOUL

Joli scandale pour marquer la rentrée « littéraire » française. La journaliste Valérie Trierweiler vient de publier un brûlot incendiaire sur le président français François Hollande qui se trouve être son ancien compagnon. Trierweiler a rédigé un bouquin, à chaud et en coup de colère, après s’être sentie humiliée et trahie par son ancien compagnon qui, lui, en a préféré une autre. Ne supportant pas d’être cocue pour un jour, elle a voulu inscrire cela dans l’histoire à travers ce « Merci pour ce moment » et recevoir un chèque de 500.000 euros au passage. « Merci pour ce pognon », c’est gratifiant d’être cocu(e) de nos jours, pourra-t-elle dire à son éditeur.
En réaction à ce brûlot, la presse française de gauche s’est montrée scandalisée, horrifiée, offensée, choquée. C’est indécent crient les uns. C’est horrible renchérissent les autres. Pour eux, la « consœur » a déstabilisé l’image de l’Etat et cassé celle du président de la République en rendant public cet aspect privé et intime. Bon, bref, de l’ensemble des « pleurnicheries » de la presse française de gauche, ce passage de Renaud Dély dans « Le Nouvel Obs » est à retenir.
« (… )Ce livre ne se contente pas d’attiser les ressorts du voyeurisme enfouis en chacun de nous. C’est surtout une faute contre la démocratie. Et une menace pour nos institutions puisqu’il s’attaque à un de ses piliers, la fonction présidentielle, garantie de stabilité, qui perdurera après le passage de François Hollande à l’Elysée.
En agissant de la sorte, Valérie Trierweiler piège les commentateurs, contraints de se pencher sur ces secrets d’alcôve qui auraient dû le rester, et pollue un peu plus le débat public, qui n’avait pas besoin de ça. (…) La révélation de leur vie privée ne peut se justifier que si elle dévoile, bien entendu, de potentiels actes délictueux, ou si ce comportement dans l’intimité perturbe la gestion des affaires publiques. »

Si en France, « révolutionnée » depuis 1789 on ne sait pas encore où s’arrête la vie privée et où commence la vie publique, comment voulez-vous que l’on connaisse ces frontières en Tunisie, nous qui n’avons pas encore établi de démocratie ? Et si la presse française, toujours parfaite quoiqu’elle fasse, leurs journalistes font systématiquement dans le deux-poids deux-mesures, qu’en est-il de nous.
Si j’évoque l’affaire Trierweiler, c’est pour aborder la lettre « brûlot » rédigée par le journaliste Omar S’Habou au candidat à la présidentielle Béji Caïd Essebsi. Je ne vais pas discuter l’ancienne position de M. S’habou dans le passé tout récent quant à cette candidature. Ni la justesse de sa position, que ce soit l’actuelle ou celle d’il y a quelques semaines.
Dans sa lettre-brûlot, Omar S’habou a franchi une ligne jaune, celle d’évoquer l’état de santé de M. Caïd Essebsi. Ce n’est pas la première fois que M. S’habou franchit cette ligne, il a déjà un précédent remontant à début 2012 avec Moncef Marzouki. A l’actuel président de la République, M. S’habou évoquait son passage par Sainte-Anne, le célèbre hôpital psychiatrique parisien et les éventuels impacts persistants. Au futur candidat, il évoque son âge et son incapacité éventuelle à gouverner.
Et comme je n’ai pas crié au scandale quand M. S’habou a évoqué la santé de M. Marzouki, je ne saurai le faire maintenant que cela touche Béji Caïd Essebsi, bien qu’à mes yeux ni l’un ni l’autre ne méritent d’entrer à Carthage.
Seulement voilà, cette question de l’état de santé n’est pas du domaine privé. Car cela perturbe la gestion des affaires publiques, comme l’a dit le confrère français plus haut.

La santé de Béji Caïd Essebsi n’est pas uniquement l’affaire de la famille Caïd Essebsi, c’est l’affaire de tous les Tunisiens et il est de notre droit de savoir ce qu’il en est réellement. On ne veut pas connaître les détails et on ne lui souhaite qu’une excellente santé. Les électeurs ont juste besoin d’une unique réponse médicale à une unique question publique : « est-il oui ou non apte à gouverner ? ».
Cette même question est valable pour les autres candidats, car il ne faut pas être âgé de 89 ans pour avoir des problèmes de santé. Nul ne devrait donc être dispensé de présenter un certificat médical pour attester d’une bonne santé de gouverner tout un pays. Pourquoi demande-t-on un pareil certificat à un candidat à l’armée ou à la police et non à la présidence ? Même un simple candidat pour entrer dans la fonction publique ou pour un permis de conduire doit en présenter un.

Or quand on voit les actuels candidats aux législatives et à la présidentielle, cela saute aux yeux que certains d’entre eux donnent l’apparence d’avoir de graves ennuis de santé. Au moins psychiatriques.
Je ne parle pas du célèbre cas des CPR, Wafa et Tayar seulement, mais aussi de ceux qui ont passé des années en prison et en isolement. Sont-ils sortis indemnes de cette épreuve inhumaine ? Le doute est permis et un certificat médical devrait être exigé par les Tunisiens pour avoir une réponse à cette question.
Une personne vivant au XXIème siècle qui parle de potences peut-elle être considérée comme psychiatriquement saine ? Un candidat qui se voit déjà président juste parce qu’il a cumulé dix heures de succès en invité de trois/quatre plateaux télé est-il en bonne santé ?

Il n’y a pas que le bulletin de santé que l’on devrait exiger des candidats, on devrait également leur demander une attestation fiscale récente. Là, des noms peuvent être cités. D’où vient la fortune de Slim Riahi ? Et celle de Bahri Jelassi ? Est-elle totalement déclarée aux autorités fiscales ? D’où vient l’argent des candidats d’Al Mahabba de Hachmi Hamdi, sachant que le financement étranger est strictement interdit ? Comment se fait-il que Sihem Badi, qui était ministre, soit candidate en France où, théoriquement, elle n’est plus résidente depuis deux ans au minimum ?
Toutes ces revendications sont, hélas, illégales puisque non prévues par le code électoral. Un code électoral élaboré par une ANC totalement illégale et dont les membres ne sont pas tous en parfait état de santé.
Oui, malgré l’indécence apparente de ses propos, Omar S’habou a le droit d’exiger de Béji Caïd Essebsi un certificat de bonne santé. Exigeons ce certificat et exigeons-le à tout le monde ! Devant participer à une émission polémique à la fin de cette semaine chez Samir El Wafi, Omar S’habou saurait élargir son appel patriotique à tous ces candidats à risque.
08/09/2014 | 15:59
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