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Chroniques
La rage et le président
01/10/2014 | 17:00
3 min
Par Marouen Achouri

Une effervescence politique concernant les élections, les dossiers et les parrainages, secoue la Tunisie depuis quelques semaines maintenant. Mais c’est une autre nouvelle, passée de manière relativement anodine, qui résume à elle seule le mal de ce pays.
Le 29 septembre 2014, le gouverneur de Ben Arous, Abdellatif Missaoui, a décidé de classer la zone de Borj Cedria comme étant une zone infestée par la rage. On pourrait écrire de longues tirades sur l’état de déliquescence inacceptable qui nous a menés aujourd’hui à ce type de mesures à quelques kilomètres du centre de la capitale. On pourrait aussi pointer les différentes défaillances qui ont mené à ce résultat et commencer à chercher des responsables.
Les réactions à cela sont tout aussi intéressantes. Il y a les inconditionnels du dénigrement qui jurent que tout cela est du fait de la révolution et qui soutiennent que s’il n’y avait pas eu cette satanée « révolution de gueux » la rage n’aurait jamais atteint la capitale. D’autres qui iront directement mettre en cause le gouvernement de la troïka en l’accusant de tous les maux de la Tunisie en faisant des conclusions peu probables. Les derniers crieront que c’est de la faute des technocrates, de ce gouvernement qui ne fait pas grand-chose mais qui le fait avec le sourire.

Mais tout cela est dans le caractère du Tunisien. Il est adepte du « ce n’est pas moi, c’est les autres ». On se précipite pour chercher le responsable, pour chercher quelqu’un à clouer au pilori à l’image des foules moyenâgeuses qui s’égayaient à la vue de prétendues sorcières brûlées vives. Pendant ce temps là, la rage ou le chômage ou l’endettement de la Tunisie ou l’insécurité etc. prolifèrent. Est-on devenus à ce point, incapables de se mettre autour d’une table et de réfléchir à des solutions, juste pour le bien du pays ? Sommes-nous condamnés à nous détruire les uns les autres en consacrant notre énergie à s’écharper pendant que le danger nous guette tous ?
La rage n’est que symptomatique de cette tendance tunisienne à oublier l’essentiel. On se concentre sur la bataille entre Nébil Karoui et la HAICA et on oublie que l’essentiel, c’est le marché audiovisuel tunisien qui va péricliter ou qui a déjà commencé à le faire. On s’attarde sur les suspicions de falsification des parrainages et on oublie que l’essentiel, ce sont les failles d’une ISIE qui n’a pas les moyens de ses ambitions. On critique les candidatures de Zouari, Zenaïdi et Morjane et on oublie que l’essentiel, c’est que tout le monde puisse tenter sa chance devant les urnes et se soumettre au jugement des Tunisiens.

C’est là justement le rôle du prochain président de la Tunisie. Il doit être un homme capable de mettre tout le monde autour d’une table après les avoir débarrassés de leurs vestes partisanes. Le prochain président doit être le garant du bien de la Tunisie et le protecteur de son intérêt supérieur. Si on met de côté le vocable usé et pathétique de « consensuel » et « indépendant », il est plus judicieux de se poser deux questions : Qu’est ce que cette personne a apporté à la Tunisie et qu’est-elle prête à apporter encore ? C’est bien là l’essentiel. En tant qu’opposant, qu’ancien ministre ou inconnu au bataillon, chacun a apporté quelque chose, alors il est temps d’établir tous les bilans de la manière la plus objective possible. Par la suite, on pourra s’inscrire dans l’avenir parce qu’on aura soldé le passé. On ne l’aura pas oublié, loin de là, mais on se sera réconciliés avec et on pourra avancer.

Quand la rage nous attaque, que certains ont fait des erreurs ou ont été assez négligents pour qu'on en arrive là, on doit d’abord s’entraider pour faire reculer la rage et sauver nos enfants, on déterminera les responsabilités après. Mais se battre et s’entredéchirer pour déterminer les responsabilités alors que tous les protagonistes sont enragés n’est une solution pour personne. Il en va de même en politique.
01/10/2014 | 17:00
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