La compensation, ça suffit !
2.700 millions de dinars. C’est la somme que dépensera l’Etat en compensation au titre de l’année 2017. Selon les calculs du gouvernement, cette somme représente 46,3% du budget de développement de l’Etat (sans compter la dette) et 2,8% du PIB tunisien.
Il s’agit d’un gouffre financier pour l’Etat en plus d’être un mécanisme archaïque et hors du temps. Certaines voix se lèvent pour demander la suppression, tout simplement, de la caisse de compensation quand on voit les quantités de pain jetées aux poubelles, quand on voit des jeunes tourner pendant des heures dans la voiture de papa en espérant séduire une belle fille qui passerait par là. On pourrait énumérer des centaines de cas où l’argent payé par l’Etat est bêtement jeté par les fenêtres. Pire encore, il existe des cas où la compensation est utilisée pour se faire encore plus d’argent. C’est le cas dans certains cafés et certaines boulangeries. C’est le cas pour la contrebande d’huile par exemple.
Il ne s’agit pas ici de supprimer la compensation, il s’agit de l’améliorer. Tel qu’il est aujourd’hui, le mécanisme de la compensation est une aberration qui ne fait aucune distinction entre les personnes ayant besoin de l’aide de l’Etat, et les autres. On achète tous le pain, l’essence, le sucre, le café ou l’huile au même prix, indépendamment des moyens de chacun. C’est une injustice fondamentale qui remet en question le principe même de la compensation.
Toutefois, une telle réforme ne sera pas facile. Certains gauchistes sont encore enfermés dans un idéalisme béat et ne veulent surtout pas que l’on touche au fond de commerce du pauvre et du spolié. D’autres voix de bobos de gauche s’élèveront depuis les bancs des bars les plus branchés de la capitale pour dire que c’est intolérable, que l’esprit de la révolution est menacé et qu’il faut créer un hashtag et prendre des photos.
Mais ils peuvent tous être tranquilles parce que ce gouvernement n’osera pas s’attaquer à ce problème. Au royaume du consensus mou, du « dialogue », des contreparties et des arrangements, personne n’a intérêt à s’attaquer à la compensation de peur d’en payer les conséquences politiques plus tard. Personne n’ira prendre le risque de « troubler la paix sociale ». De peur, de manque de moyens et par ambition aussi.
Pourtant, il existe des solutions. L’une d’elles est celle de la carte que porterait chaque personne qui a le droit à la compensation. Les personnes ayant un revenu leur permettant de subvenir à leurs besoins, aux prix réels du marché, seront exclues du mécanisme de compensation. Quant à celles qui sont réellement dans le besoin, elles pourront accéder à une compensation ciblée qui pourrait même être élargie pour baisser encore plus les prix pratiqués avec les classes les plus défavorisées. Pourquoi pas une baguette à 500 millimes pour les classes aisées et la même baguette à 50 millimes pour les classes défavorisées ?
Comme des centaines d’autres projets dans plusieurs domaines d’intervention publique, le projet est ficelé mais rangé dans les tiroirs d’une administration. On s’échine à faire de nouveaux plans, à lancer des études de faisabilité et à calculer les avantages et les inconvénients. Il suffirait pourtant d’ouvrir grandes les armoires des ministères pour en sortir les études et les projections déjà faites par les têtes de l’administration publique. Des têtes qui sont en majorité à la retraite ou qui ont été « mises de côté ». Des personnes qui souffrent, en silence, en regardant ce qui est advenu de leur pays.