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Interview de Zied El Héni : la présidence n'est pas une récompense mais une responsabilité
12/09/2014 | 1
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Interview de Zied El Héni : la présidence n'est pas une récompense mais une responsabilité
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C’est dans un petit café du centre de Tunis, avenue Jean-Jaurès, que nous rencontrons Zied El Héni. Cette interview, deuxième d’une série de rencontres avec les présidentiables en Tunisie, est celle d’un « candidat citoyen, issu du peuple et ne voulant rien avoir à faire avec les partis politiques et leurs mécanismes ».
Tout en niant être bourguibiste, Zied El Héni qui ponctue ses réponses de passages de l’hymne national, affirme être issu de l’école bourguibienne et se dit désireux d’honorer la mémoire de l’ancien président, père, selon ses dires, des bases de la Tunisie moderne.



Un journaliste qui se présente à la présidentielle, ceci est très peu commun. Pourquoi ce choix ?
Si je me présente aux élections aujourd’hui, ce n’est pas en tant que journaliste. Je suis un citoyen tunisien, né dans la Tunisie de l’indépendance, ayant étudié sur les bancs de l’école de la République et bénéficié de la scolarité gratuite offerte par l’Etat, de l’école primaire jusqu’aux études doctorales. J’ai été élevé pour être un homme libre et aimer mon pays, envers lequel j’ai énormément de gratitude et j’éprouve la responsabilité de servir ses intérêts et de défendre sa souveraineté.
Ce choix est également motivé par un sentiment de déception face à une certaine élite qui vend son pays et n’hésite pas à dilapider les ressources nationales au profit de puissances étrangères.

Aujourd’hui, la majorité des partis politiques s’entretue pour accéder au pouvoir et les Tunisiens ont plus que jamais besoin d’une personnalité qui défende leurs intérêts et les représente. Il est temps de céder la place à de nouvelles générations, plus jeunes et porteuses d’espoir pour le pays. La Tunisie n’a pas besoin de gens qui cherchent à la diriger pour couronner leur carrière, la direction du pays n’est pas une récompense mais une véritable responsabilité.


Qu’avez-vous de plus que les autres à offrir ?
Je suis officier de réserve et je suis le seul candidat à avoir accompli son devoir militaire. Je suis aussi spécialisé dans le dossier du terrorisme et je sais manier 13 armes différentes.  Par ailleurs, mon métier de journaliste m’offre une certaine proximité avec les citoyens et une connaissance de leurs contraintes quotidiennes. Je suis aussi un candidat indépendant, sans aucune appartenance politique. La Tunisie a besoin aujourd’hui de sincérité, d’une personne qui dit toute la vérité aux Tunisiens, mais aussi de courage et de décisions audacieuses. L’enjeu de ma candidature est de constituer un contrepoids indépendant et non politisé à un gouvernement qui portera les couleurs politiques de la majorité parlementaire. Un président indépendant pourra défendre les intérêts du pays loin des tiraillements et des calculs politiques.


Comment comptez-vous mener votre campagne, ferez-vous le poids face aux mécanismes et aux grands moyens déployés par les partis ?
Je vais user de poésie pour répondre à cette question et reprendre les vers d’Abou el Kacem Chebbi : « Que celui qui a peur de gravir les montagnes, vive éternellement au fond des vallées ». La Tunisie a pu sortir du colonialisme par la force de la volonté des Tunisiens patriotes qui ont su résister, malgré le peu de moyens en leur possession. Les élections ne sont pas seulement une question de moyens, mais avant et surtout, de volonté. Si je suis seul sur la piste de départ, nombreuses personnes qui partagent mes préoccupations, me suivront  par la suite. Il suffit d’allumer une étincelle et les plus engagés suivront incontestablement.
A l’heure actuelle, j’ai pu recueillir 4.179 signatures et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. J’aimerai souligner que je suis le seul candidat qui va à la rencontre des gens dans les cafés et les marchés pour réunir les parrainages, à Tunis et dans les régions. Je n’ai aucune équipe qui travaille pour moi et chaque signature que j’obtiens émane de citoyens avec lesquels j’ai discuté et qui ont foi en ma vision et mon engagement. D’ailleurs, les slogans de ma campagne sont « Espoir et Défi » et « Vive la Tunisie ! », ce qui résume tout mon programme.
La tâche était nettement plus simple au départ avant que l’argent politique ne fasse partie intégrante du jeu pour plusieurs formations politiques dont je préfère ne pas citer le nom.


Parlez-nous des grandes lignes de votre programme…
Concernant le volet sécuritaire, j’envisage de doter le Conseil de la Sécurité de prérogatives plus larges et mieux définies. Ce conseil, présidé par le président de la République, décidera de toutes les nominations des cadres sécuritaires supérieurs, et ce, afin que tout se fasse dans un esprit de compétence et non de loyauté.

Par ailleurs, tous les anciens accords conclus qui permettent aujourd’hui à des pays étrangers de piller les richesses nationales (pétrole, gaz, sel…) devront être révisés de sorte à ce que les intérêts nationaux soient respectés. Aujourd’hui, personne n’ose contester ces contrats de crainte de fâcher nos partenaires français, britanniques ou américains. Nos mines de sel sont pillées à cause de la convention de 1949 et personne ne fait rien. Tout ce que nous demandons, c’est un partenariat gagnant-gagnant qui respecte les intérêts du pays, en contrepartie, ceci nous permettra de freiner l’immigration clandestine, ce qui sera profitable pour les pays partenaires.
Le problème des ordures devra aussi être pris très au sérieux car l'état actuel des rues tunisiennes est susceptible de donner envie à plusieurs jeunes tunisiens de fuir le pays.

Une autre mesure qui s’impose, sur le volet sécuritaire, est de rattacher le corps de la Garde nationale à celui de l’Armée, à l’instar de pays comme la France ou les Etats-Unis. Au sujet du ministère de l’Intérieur, il est temps d’unifier la direction. Pour contrecarrer le problème du terrorisme, je suis le premier à avoir proposé de s'attaquer aux nids terroristes dans les quartiers et les villes.

Pour l’économie, la Tunisie n’étant pas isolée du monde extérieur, il est indispensable de créer un climat propice aux affaires qui profite de son emplacement stratégique entre Afrique et Europe. Nous devons encourager les Tunisiens à investir, non seulement dans leur pays, mais aussi à l’étranger. L’investissement en Afrique est l’un des rares points que je partage avec Moncef Marzouki. Plusieurs marchés africains sont très intéressants et profiteraient aux deux parties. Il faut arrêter d’avoir une vision unidirectionnelle et élargir son intérêt à de nouveaux marchés.
La Tunisie a aujourd’hui besoin d’un nouveau modèle économique. Le tourisme et les services sont des acquis mais l’économie tunisienne devra s’orienter davantage vers l’agriculture. L’agriculture est créatrice de richesses et pourra ancrer les gens dans leurs terres et limiter l’afflux vers les grandes villes. Il faut avant tout rayer tous les crédits des agriculteurs et mettre en place un programme qui les encourage à investir dans la terre mais aussi en mer.

Je ne prétends pas être un expert en économie mais je reste convaincu qu’un bon président devra savoir s’entourer d’une équipe compétente qui fournira des solutions concrètes aux grandes lignes qu’il lui impulsera. Les experts sauront définir les détails techniques afin de faire de la Tunisie un grand atelier de labeur et de développement. Bourguiba lui-même n’avait pas de programme détaillé mais portait de grandes espérances dans le développement de la Tunisie. Il a su compter sur les jeunes pour fonder le noyau de la nation moderne.


Comment comptez-vous faire face au danger libyen ?
Il est important de savoir que la stabilité en Tunisie est intimement liée à celle prévalant dans d’autres pays voisins, dont la Libye. En Libye aujourd’hui, le Conseil national est élu par le peuple, nous nous devons de respecter cette légitimité qui permettra au pays de reconstruire ses institutions, de dissoudre ses milices et de contrôler les armes en libre circulation sur ses terres.

Comment expliquez-vous qu’il y ait autant de candidats à la présidentielle aujourd’hui ? A votre avis, les conditions de candidature ont-elles besoin d’être révisées ?
Le paysage actuel est très normal, nous ne devons pas être impressionnés par ce nombre. Le même scénario a été observé dans d’autres démocraties dans le monde. Lors de la clôture des inscriptions, seule une quinzaine de personnes confirmera sa candidature à la présidentielle. Il s’agit de membres de partis ayant de véritables mécanismes et un poids réel dans le pays, de ceux qui ont utilisé l’argent politique pour acheter des voix, mais aussi d’indépendants qui n’ont pas de moyens mais jouissent d’une réelle notoriété.
Par contre, les conditions de candidature actuelle permettent à certaines personnes souffrant de troubles psychiatriques de gouverner un pays et devront donc être révisées. Un certificat médical, attestant des capacités physiques mais surtout psychiatriques, devra être décerné à chaque candidat au scrutin et délivré par un comité de professeurs de renommée. Aucune candidature ne devrait, par ailleurs, être permise à tous ceux qui ne se sont pas acquittés de leur devoir fiscal et aussi militaire. D’ailleurs, le service militaire devra être obligatoire à tous les Tunisiens et Tunisiennes, et aucun citoyen ne devra accéder à une fonction publique sans l’avoir accompli.
Ce que je regrette par contre, c’est la présence d’hommes d’affaires au sein de certaines listes. Ceci pourra permettre aux lobbys de certaines grandes fortunes de contrôler le jeu. La politique devra être porteuse de message, s’il y a pas de message, la politique ne sert plus l’intérêt supérieur du pays.


Quelle sera votre première décision en tant que président ?
Si je suis élu, la première action que j’accomplirai est d’aller me recueillir sur la tombe de Habib Bourguiba et de prononcer une prière en sa mémoire. Là je pourrai lui dire : « Tu peux reposer en paix, tu as laissé des hommes et des femmes capables de protéger la Tunisie et de veiller sur ses intérêts ».
Mais la première vraie décision que je prendrai si je suis élu président, c’est de poser un ultimatum au Qatar pour que Mahmoud Bouneb puisse revenir en Tunisie. Mahmoud Bouneb est retenu de manière illégale au Qatar, je me suis entretenu avec Mongi Hamdi, (NDLR : ministre des Affaires étrangères) qui affirme être en relation avec le Qatar dans cette affaire. Nous ne demandons pas d’outrepasser la justice qatarie mais nous pensons que l’interdiction de voyage prononcée contre Bouneb est injuste et qu’elle devra être levée afin qu’il puisse rentrer chez lui. L’Etat tunisien s’engagera à le renvoyer au Qatar pour comparaitre devant le tribunal lorsque son audience sera fixée. Je donnerai au Qatar 48 heures pour annuler cette interdiction de voyage, autrement l’ambassadeur qatari à Tunis sera renvoyé.

Selon la Constitution, le président de la République a la prérogative de promulguer les lois. Ainsi, il pourra refuser d’approuver tout texte juridique qui aille à l’encontre de l’intérêt de la nation. De plus, il préside le conseil des ministres et peut donc être le centre de la décision.

Comment évaluez-vous le paysage médiatique de ces trois années post révolution ? La HAICA joue-t-elle bien son rôle d’après vous ?
La HAICA est l’un de plus grands acquis pour les médias après la révolution en Tunisie. Il faut reconnaitre qu’une première expérience présente toujours des lacunes et que des décisions ont été certes prises de manière irréfléchie, telles que les licences octroyées à certaines chaînes et refusées à d’autres. Mais la HAICA est sur la bonne voie et a montré sa fermeté dans plusieurs dossiers. Je pense que le secteur des médias écrits et électroniques devra également se doter d’une instance de régulation. Une instance qui devra être différente du Conseil de la presse, préalablement proposé et doté de prérogatives trop larges.
 
Pensez-vous qu’un journaliste est capable de passer de « l’autre côté », celui du pouvoir ?
En tant que journaliste, je suis un défenseur des libertés et je rapporte la voix des citoyens. Je pense que le rôle la plus noble qu’un président puisse avoir c’est d’être la voix du peuple qu’il représente. Je ne serai pas la voix qui critique mais celle qui apporte le changement.

Entretien mené par Synda Tajine et Elyes Zammit

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