Il n'y a pas que le Coran dans la vie...
La semaine dernière, dans une rue de Tunis, des artistes de rue ont été empêchés de jouer leur musique. Un groupe de jeunes musiciens, prodiguant leur art aux passants, ont été chassés par la police et dégagés de leur bout de trottoir, accusés de faire du grabuge et de "troubler l'ordre public". Les passants auront été privés d'un instant d'évasion, gratuit et libérateur, dans leur routine quotidienne. L'art et la musique, du grabuge? Visiblement, oui. Mais ceci ne s'arrête pas là.
A peine le printemps a-t-il pointé le bout de son nez, qu'on pense déjà à la meilleure manière d'occuper nos jeunes pendant leurs (longues) vacances d'été. Dans le cadre du projet de réforme de l'école nationale et du plan de lutte contre le terrorisme, le ministre des Affaires religieuses annonce qu'un accord a été signé avec le département de l'Education pour proposer une nouvelle activité aux jeunes pendant leurs vacances. Désormais, les écoles publiques ouvriront leurs portes en été et seront consacrées...à l'apprentissage du Coran.
Cette initiative du ministère des Affaires religieuses doit servir, selon ses instigateurs, à potéger nos jeunes de l'endoctrinement et du fléau du terrorisme. Tout cela est bien sympathique mais lorsqu'on pense que le premier à prendre à coeur le "divertissement" de nos jeunes, est le ministre des Affaires religieuses, c'est qu'il y a un souci quelque part.
Mais soyons clairs. L'idée est bonne dans le fond, ouvrir les écoles pendant les vacances pour que nos jeunes puissent apprendre, est une idée fort louable. En effet, au-delà de l'aspect religieux, apprendre le Coran a le mérite d'enseigner aux jeunes les subtilités de la langue arabe, de corriger leur diction et prononciation et de leur permettre de tester leur mémoire et de faire travailler leur cerveau. Pourquoi jaser alors? Parce que tout simplement, là n'est pas le problème. Il n'y a pas que le Coran dans la vie et cela est loin d'être suffisant !
Pourquoi avoir directement pensé à l'apprentissage du Coran pendant les vacances scolaires au détriment des autres clubs sportifs, éducatifs et culturels qui pourraient plus intéresser les jeunes? On parle de "profiter" des vacances d'été pour faire apprendre aux élèves le Coran. Profiter oui.
Les autres ministères des Technologies, des Sports et, surtout, de la Culture, n'auraient-ils pas dû être les premiers à faire ce genre de propositions? Pourquoi la lecture n'a-t-elle pas sa place dans nos établissements éducatifs? Pas au même rang que l'enseignement coranique du moins. C'est que les priorités ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Aujourd'hui, les écoles coraniques fusent dans toutes les villes. On en voit de plus en plus et elles semblent faire le bonheur de parents soucieux d'apprendre à leurs enfants les rudiments du Coran et de la religion. Dans les jardins d'enfants et les écoles maternelles, parmi les pléiades d'activités toutes aussi enrichissantes pour les enfants, les ateliers de Coran figurent parmi les plus prisés. Certains établissements proposent même les services d'un cheikh pour apprendre aux enfants les abc de la religion...et des bonnes manières.
Pourtant les activités ne manquent pas. Les écoles devront être mises au défi de célébrer la culture, de donner envie aux jeunes d'apprendre l'art, l'histoire, la musique, de lire, de réfléchir et de créer. L'apprentissage du Coran est un enseignement comme un autre. Il peut être salutaire pour les jeunes de lire ce livre saint par eux-mêmes et d'en comprendre la logique afin d'éviter de gober les versions loufoques que tout hurluberlu pourrait leur raconter un jour. La question est, pourquoi uniquement le Coran? Pourquoi est-ce que la culture est loin d'être une priorité?