Hafedh Caïd Essebsi, d’une débâcle à une autre
On aura tout entendu de nos responsables politiques. Le premier responsable d’un parti membre d’une coalition gouvernementale proposant le limogeage du Chef du gouvernement alors que celui-ci est un membre de son parti. Pis, mis en minorité par les représentant de cette coalition, ne chercherait-il pas à mettre en minorité le gouvernement à travers le dépôt d’une motion de censure ou ce qui pourrait implicitement s’en apparenter? La proposition faite par Hafedh Caïd Essebsi aux membres signataires de l’Accord de Carthage de limoger Youssef Chahed est surréaliste.
Ce qui dépasse l’entendement est la manière avec laquelle il en explique les raisons. Par le biais d’un post publié sur sa page Facebook ! Il ne pouvait faire mieux pour mettre en doute, une fois de plus, sa crédibilité politique et la crédibilité du parti qu’il représente.
Sur la forme, comme sur le fond, le directeur exécutif de Nidaa Tounes s’est totalement fourvoyé. Et c’est peu dire. N’a-t-il pas pris conscience que son argumentaire est éculé, à la limite de la mauvaise foi aussi. Hafedh Caïd Essebsi a-t-il tenu compte du legs socioéconomique des prédécesseurs. Toute personne de bon sens et pas nécessairement experte en économie sait que la situation économique et financière actuelle du pays n’est que la résultante d’une accumulation de choix erronés adoptés depuis 2011, par les gouvernements de la Troïka d’abord, puis par le gouvernement de Mehdi Jomaâ et enfin par celui de Habib Essid.
La Troïka a fait exploser les dépenses publiques en dilapidant les maigres ressources qui lui restaient. Le gouvernement de Mehdi Jomaâ a tenté de limiter la casse. Sauf que pour ce faire, il a engagé le pays dans une périlleuse spirale d’endettement. En voulant acheter la paix sociale, le gouvernement de Habib Essid a élargi dangereusement le gouffre financier des dépenses publiques. Et ce n’est pas tout, aucun de ces gouvernements n’a été capable d’honorer ses propres engagements de réforme dans les délais qu’ils ont eux-mêmes fixés en contrepartie desquels ils avaient le soutien financier du FMI et, partant, de la communauté financière internationale.
Corriger tous ces égarements ne tient nullement d’une formule magique comme semble vouloir le faire croire Hafedh Caïd Essebsi. Cela tient en revanche de la volonté de tout un chacun de s’y engager résolument. A ce niveau, on peut s’interroger sur ce qu’a fait le directeur exécutif de Nidaa Tounes pour engager son parti pour lutter contre la détérioration du taux de change du dinar, pour limiter l’endettement, pour réaliser les réformes nécessaires, pour être ferme face aux revendications sociales abusives, pour éviter la banqueroute vers laquelle s’achemine notre système de protection sociale, pour préserver les réserves en devises du pays, pour accélérer la mise en place des institutions constitutionnelles prévues dans le texte fondateur de la deuxième république….bref, tous les faux-semblants publiés sur Facebook pour jeter l’opprobre sur celui qui, il faut bien l’admettre, est devenu son seul rival au sein de Nidaa Tounes, après les départs successifs depuis 2014 de ses principaux fondateurs et autres locomotives du parti. Il n’est nul besoin ici de présenter un bilan de gestion de Hafedh Caïd Essbsi à la direction du parti. Il suffit d’évoquer l’échec de l’élection législative partielle de la circonscription d’Allemagne et la débâcle électorale des municipales et tout est dit, sur un parti qui donne de plus l’apparence d’un rassemblement de copains et de coquins.
Hafedh Caïd Essebsi ne semble pas voir que l’économie tunisienne s’apparente à un corps totalement désarticulé. Dès qu’on essaie de remettre un membre à sa place, cela fait forcément mal et que, dans ces conditions, les choix ne sont pas nombreux. Seules deux options sont possibles. Ou bien on traite tous les membres luxés à la fois ou bien on tente de remettre, un à un, les membres déboités. Le premier canevas sera de très loin plus douloureux que le second, mais la rémission n’en sera que plus rapide. C’est entre ces deux alternatives qu’il s’agit de choisir, décider et agir. C’est ce qu’attendent les créanciers du pays et que Hafedh Caïd Essebsi appelle « les partenaires internationaux de la Tunisie » qu’il ne respecte que dans le cadre de « l’indépendance des choix et de la souveraineté ». Mais de quelle indépendance de choix et de quelle souveraineté peut-on parler face à ses créanciers ?