alexametrics
vendredi 29 mars 2024
Heure de Tunis : 10:21
Chroniques
Brahim Kassas, député de la honte
20/08/2014 | 15:59
4 min
Par Marouen Achouri

Une certaine réflexion a précédé l'écriture de cette chronique : Faut-il s'abaisser à réagir aux attaques de Brahim Kassas contre les médias lors d'une énième sortie à l'Assemblée nationale constituante? D'un côté, la bataille du manque d'éducation semble perdue d'avance face à un maître en la matière. D'un autre côté, un argumentaire structuré démontrant que ce type de bassesse ne devrait pas avoir lieu semble hors de portée de cet élu. Le dilemme est donc entier. Comment dialoguer avec Brahim Kassas?

Un bref rappel des faits s'impose. Lors de la séance plénière du 19 août 2014 consacrée au débat sur la loi anti-terroriste, Kassas demande la parole pour parler de tout sauf du sujet, comme à son habitude. Il a "craché" sur les "médias de la honte" et les "médias des égouts" coupables à ses yeux d'avoir maltraité les membres de l'ANC et d'emmener le pays vers sa perte. Il dit également que "s'il n'y avait pas de parti islamiste à la tête du pouvoir, vous ramperiez aux pieds de vos maîtres". Il ajoute : "Nous resterons vos maîtres et nous savons que vous êtes les chiens de vos maîtres". Il continue ensuite à vomir des insanités et finit par se lever et demander à la présidente de la séance, Meherzia Laâbidi, "d'éclaircir les choses tout de suite" puisqu'il ne reste plus qu'un mois avant que les élus ne quittent l'hémicycle.

Il est loin le temps où Brahim Kassas faisait partie de Nidaa Tounes et regardait le reste du monde de haut! Il faut dire que le donneur de leçons de morale du jour a été élu sur les listes de Hechmi Hamdi "Aridha Echaâbiya". Ensuite, il a démissionné pour rejoindre Nidaa Tounes et aujourd'hui il est "indépendant", vis-à-vis des bonnes manières et de la politesse certainement…

Quoi qu'il en soit, depuis un certain temps, Brahim Kassas fait délicatement du pied aux islamistes. Evidemment, il s'agit de délicatesse à la manière de Kassas, donc, pas du tout délicat. La présence d'une telle personne à l'Assemblée nationale constituante est en elle-même une insulte à l'intelligence du peuple tunisien. Monsieur s'est pris pour le grand défenseur des valeurs de probité, d'honnêteté et d'intégrité contre les hordes de gens qui veulent du mal au pays, et dans lesquel il met les journalistes.

Pourtant, la conscience de Brahim Kassas n'a été nullement troublée par le fait de siéger dans une assemblée illégitime et de percevoir ses émoluments pendant presque trois ans. Ah l'argent! Voilà un des grands soucis de Brahim Kassas. On ne compte plus ses interventions et ses interruptions de séance pour demander à être payé en exposant ses difficultés financières. Il n'a pas arrêté de pleurnicher pour dire qu'il voulait sa prime de logement, sa prime de déplacement etc. Pourtant, c'est lui qui devrait payer des primes pour la détérioration de l'image de la Tunisie en offrant ce spectacle affligeant.

Outre ses pleurnicheries pour de l'argent, Brahim Kassas s'est également illustré par le fait de vouloir en venir aux mains plus d'une fois avec d'autres élus. C'est qu'il ne faut pas l'énerver le Kassas! Sinon, il tombe la veste et il attaque. Bien sûr, il ne le fait que devant la caméra et il ne s'insurge qu'en s'assurant que la séance est bien retransmise à la télé et que son micro est bien ouvert.

La démocratie et ses bienfaits ont fait qu'une personne comme Brahim Kassas soit présent sous la coupole du Bardo. Toutefois, ceci ne doit pas mettre en cause le principe de la démocratie. Il doit seulement nous pousser à réfléchir sur la manière avec laquelle nous avons utilisé ce principe, cet idéal. Aujourd'hui, un amateur, un aspirant politicien se permet d'insulter les journalistes tunisiens en les traitant de chiens. Pour la prochaine assemblée, il faudra bien réfléchir avant de voter et faire en sorte de nous débarrasser de ce type de populistes primaires qui pensent parler au nom du peuple.

Quand on dispose du potentiel de réflexion de Brahim Kassas, il est beaucoup plus facile de voir le monde d'une manière binaire. Il y a les méchants d'un côté, dont les médias évidemment, et les gentils de l'autre, dont lui-même. Il y a ceux qui veulent du mal au pays, dont ceux qui vont aux ambassades, et les héros intègres, dont lui-même bien sûr. C'est parfaitement compréhensible venant d'une personne qui ne pourra, de toutes façons, jamais aller plus loin dans la réflexion et l'analyse. Un dernier mot pour répondre aux attaques contre les médias : Ceux que vous insultez resteront M. Kassas, par contre vous, vous disparaitrez aussi vite que vous êtes apparu, avec la honte en plus.
20/08/2014 | 15:59
4 min
Suivez-nous