alexametrics
jeudi 25 avril 2024
Heure de Tunis : 06:12
A la Une
Gouvernement Essid : Un remaniement sans changement
02/02/2015 | 19:59
4 min
Gouvernement Essid : Un remaniement sans changement

C’est aujourd’hui, 2 février 2015, que Habib Essid a dévoilé la seconde mouture de son gouvernement. Lors d’une conférence de presse aussi sèche et aussi rapide que la précédente, le chef du gouvernement a remis une nouvelle copie de sa composition. Une équipe gouvernementale politique qui a été le résultat de négociations acharnées. Premier constat: C’est Habib Essid qui en sort affaibli, déjà !

Le premier enseignement de cette nouvelle composition est que Habib Essid a cédé aux pressions partisanes. En effet, sa nouvelle équipe a vu l’entrée de deux partis qui ne faisaient pas partie de la première version : Ennahdha et Afek Tounes. Yassine Brahim et Samira Meraï ont récolté respectivement des ministères de l’Investissement et de la Coopération internationale et de la Femme. Ennahdha a obtenu le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, attribué à Zied Laâdhari ainsi que deux secrétariats d’Etat. Par conséquent, la nouvelle liste proposée par Habib Essid intègre en tout quatre partis : Nidaa Tounes, Ennahdha, Afek Tounes et l’UPL.
Ceci devrait lui garantir un passage aisé devant l’Assemblée des représentants du peuple. C’était justement le but recherché à travers l’intégration de ces deux nouveaux partis dans la composition gouvernementale : passer sans encombre devant l’ARP et pouvoir se targuer d’avoir composé un gouvernement d’union nationale.

Il y a eu du changement dans ce gouvernement mais pas dans tous les domaines. En effet, les titulaires des quatre ministères régaliens restent inchangés malgré les critiques. La personne de Mohamed Nejem Gharsalli, ministre de l’Intérieur, avait suscité des interrogations. Sa proximité supposée avec le parti Ennahdha durant son mandat de gouverneur a été souvent évoquée d’un côté, et son passé en tant que juge a été vivement condamné par ses compères comme Kalthoum Kennou, d’un autre côté. Habib Essid a refusé de toucher à ses ministères car il était parvenu à mettre en place un fragile équilibre qu’il aurait été hasardeux de remettre en cause aujourd’hui. Plusieurs fuites avaient évoqué Lazher Karoui Chebbi en tant que ministre de la Défense en remplacement de Farhat Horchani, ce qui n’est pas arrivé. Mais M. Chebbi a obtenu un lot de consolation en étant nommé représentant personnel du président de la République, Béji Caïd Essebsi.

Cette sensibilité aux pressions politiciennes et l’obligation de partager les portefeuilles a un effet pervers : Habib Essid commencera sa mission en étant fragilisé. Il existe également une autre preuve de cette fragilisation, la modification de la structure même du gouvernement. Quand on compare les deux compositions proposées par Habib Essid et au-delà des changements concernant les noms, il est important de noter que plusieurs portefeuilles ministériels ou secrétariats d’Etat ont changé ou ont été supprimés. Par exemple, il n’existe plus de secrétariat d’Etat chargé de la fiscalité et des prélèvements et la création d’un secrétariat d’Etat chargé de l’Habitat. Outre la structure, on peut aussi pointer certains noms. On pourra noter l’accession de Slim Chaker au portefeuille de l’Economie et des Finances alors qu’il était au Commerce. On pointera également l’éviction de Khadija Chérif du portefeuille de la Femme ainsi que celle de Mohsen Hassen du ministère du Tourisme.

Cette flexibilité dans les structures du gouvernement et dans les noms proposés n’augure rien de bon, selon certains observateurs. En effet, les programmes urgents que doit entreprendre le nouveau gouvernement sous la houlette de son chef Habib Essid, nécessite la présence d’une vision claire. Certains avaient cru entrevoir cette vision lors de la première présentation du gouvernement Essid, du moins au niveau des structures. Ceci n’a pas tenu devant les pressions partisanes et tout a été mis en cause devant la première difficulté. Le message qui est délivré est pour le moins inquiétant car ce gouvernement devra faire face à une multitude d’autres difficultés.

Le seul objectif poursuivi par Habib Essid est de rassembler un maximum de voix pour pouvoir passer devant l’Assemblée. On souhaite faire passer un message de cohésion nationale et d’unité avec un gouvernement qui obtient une confiance quasi unanime. Toutefois, c’est une formation hétéroclite qui sera confrontée aux challenges relatifs à l’emploi, au chômage ou à la cherté de la vie. C’est aussi une formation qui ne semble pas être composée autour d’un programme ou d’un plan d’action.

Un parti a, d’ores et déjà, exprimé son désaccord avec cette composition et va, de fait, se retrouver dans l’opposition : le Front populaire. C’est le député du parti Ammar Amroussia qui l’a annoncé aujourd’hui en assimilant les concertations sur la composition du nouveau gouvernement à des « manœuvres » et à des « cabales politiques ». Mongi Rahoui, lors de son passage à Nessma TV, a déclaré que ce gouvernement était basé sur des « consensus imaginaires ».

Plusieurs doutes entourent cette nouvelle composition proposée par Habib Essid. Les analystes et les observateurs sont d’accord pour dire que cette composition est le fruit de plusieurs pressions politiques pour que Afek Tounes et Ennahdha intègrent le gouvernement. Entre le programme de ce gouvernement et la nécessité que l’équipe proposée par Habib Essid obtienne la confiance du gouvernement, des sacrifices ont été consentis. Aujourd’hui, les répercussions de cette composition gouvernementale se verront également à l’intérieur de Nidaa Tounes et d’Ennahdha. Les deux partis qui s’étaient livré une guerre sans merci lors des deux campagnes vont se retrouver aujourd’hui côte à côte au sein d’un même gouvernement. L’avenir risque d’être riche en surprises.

Marouen Achouri
02/02/2015 | 19:59
4 min
Suivez-nous
Commentaires (4) Commenter
Des décisions inquiétantes
RAS
| 03-02-2015 16:36
Le fait de conserver un *** à la tête d'un Ministère clé est un acte malhonnête qui ne présage rien de bon,à l'heure où la réforme des institutions judiciaires et sécuritaires est prioritaire et cruciale pour l'avenir de notre démocratie

Exclure une personne auss intègre et responsable que Mme Cherif est également une décision malsaine.
Justice absente ?
ourwa
| 03-02-2015 02:48
Je repose la même question, posée sur ce site, par ailleurs :" CE GOUVERNEMENT NE COMPORTERA PAS DE MINISTERE DE LA JUSTICE ???????
Un gouvernement enfin
Hayy Ibn Yagdhan
| 02-02-2015 23:50
Il est premature de décaler que H. Essid a été fragilisé, d'ailleurs il a réussi a former un gouvernement donc il a réussi la tache la plus difficile. Il a réussi a intégrer Ennahda sans offrir de grandes concession.

Le changement de gouvernement était nécessaire et l'inclusion d' Afek une nécessité pour que le gouvernement puisse avoir l'accord de l' ARP.

La vision et les programmes de developpement ce n'est pas pour 2015. H. Essid ne va pas formuler une stratégie et un programme a la hate et sans consultations. C'est une tache qui demande du temps, au moins une année, pour formuler un programme et l'ajuster en tenant compte des reactions de l'ARP et la société civile. La Tunisie a suffisamment souffert de visions et programmes autocrates, mal conçus, mal adaptes, qui étaient voues a l'échec (le programme de cooperatives de Ben Saleh dans les années 60, le libéralisme de Nouira dans les 70, les ajustements du FMI dans les années 80 et 80, et la mafiosation des années 2000 sous les Trabelsi).

H. Essid peut commencer par preparer le terrain en essayant de decentraliser le systeme et donner plus de responsabilités et autonomie aux municipalités et structures locales. Et démarrer des programmes qui ne demandent pas un grand investissement tel que la promotion de l'agricuture et les TICs. Les changement du système d'education, la modernisation de la bureaucratie, vont demander bcp plus de temps.

M. Achouri cherche toujours un nouveau dictateur, il faut s'adapter au jeux démocratique ou nul n'a le dernier mot et les decisions necessitent consensus et revisions. Considerer l'avis et les intérêts de ceux qui s'opposent a votre vision n'est pas un signe de faiblesse, mais un site que la démocratie commence a s'enraciner.
LA PLUS BELLE CHANSON DU NATIONALISME ARABE :
JOHN WAYNE
| 02-02-2015 20:16
https://www.youtube.com/watch?v=-LY8jkPw8M0

F.M. Alias JOHN WAYNE
Ancien Elève au Collège Sadiki.
Diplômé d'Histoire et de Sciences Politiques de l'Université Paris-Sorbonne.
Ancien Fonctionnaire aux Ministères des Affaires Etrangères et de l'Intérieur Tunisiens des gouvernements d'Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali.
Diplomate de carrière et spécialiste de la sécurité et du renseignement.