Fake news, les nouvelles armes de manipulation de masse !
Informations bidon, images truquées, rumeurs présentées comme étant la vérité vraie, ne cessent de polluer l’espace virtuel et de pulluler sur les réseaux sociaux. Les Fake news ou Infox, pour reprendre le néologisme français, sont légion et ont un impact certain sur l’opinion publique.
Des femmes vont manifester devant le siège du parlement pour revendiquer la légalisation de la polygamie. L’info est devenue virale sur les réseaux sociaux et s’est propagée comme une trainée de poudre. Partagée massivement par les internautes, choqués par le fait que des Tunisiennes exigent un retour en arrière, l’info est accompagnée par une photo qui montre des femmes brandissant des pancartes favorables à la polygamie.
Le débat est lancé sur les profils Facebook. On insulte ces personnes rétrogrades, on les tourne en dérision, on politise l’affaire en remettant sur le tapis la guerre entre progressistes et islamistes… Des médias, prennent ensuite le relais, se saisissent de l’affaire en annonçant cette marche. Les articles publiés, sur les réseaux sociaux sont, à leur tour, partagés et confirment en quelque sorte les centaines de publications des internautes. La boucle est bouclée.
Sauf que voilà, il s’agit tout bonnement d’une rumeur infondée. Pourtant, une simple vérification aurait permis de dévoiler la supercherie. Autant les internautes ne sont pas outillés face à ces manipulations, autant les journalistes sont tenus d’authentifier leurs sources. Il s’avère ainsi que la photo a été photoshopée, une reproduction qui détourne la photo originale parue en 2018 sur des sites marocains.
Aviser les gens qu’il s’agit d’une fausse information est bien sûr possible après coup, mais le mal est déjà fait parce qu’elle s’est déjà propagée et continue à le faire.
Ceci n’est qu’un petit exemple parmi tant d’autres des quotidiennes « infox » qui s’incrustent dans l’actualité et sèment le doute chez les lecteurs. Des lecteurs devenus consommateurs, par la force des choses, qui subissent le flot incessant des informations n’étant pas outillés à démêler le vrai du faux.
Récemment aussi, la rumeur du décès de l’ancien Premier ministre, Mohamed Ghannouchi a rapidement circulé sur le réseau social de prédilection des Tunisiens, Facebook. Dans ce cas aussi, des médias ont relayé l’information faisant d’elle un fait avéré. Le concerné a dû se manifester en personne pour nier sa propre mort. Malaise. Une mésaventure qu’a connue aussi le militant de gauche Gilbert Naccache. C’est tard au soir que son épouse contactée par des amis a appris qu’un média (public d’autant plus) a annoncé le décès de son mari. Gilbert Naccache a à son tour rédigé un statut pour dire qu’il était encore en vie.
Ces deux cas de figure étaient facilement vérifiables, d’autres le sont beaucoup moins, voire très difficile à reconnaitre, et représente une véritable arme de manipulation des masses.
Ce phénomène est intrinsèquement lié à l’essor des réseaux sociaux qui ont permis à tout un chacun de publier n’importe quoi. Cela a totalement changé la donne puisqu’avant pour s’informer on s’achetait son journal où on se rendait sur un média en ligne. Aujourd’hui, les consommateurs utilisent Facebook comme agrégateur de contenu. Les imbrications des algorithmes de Facebook font que désormais les contenus ayant généré le plus de likes, de commentaires ou de partages obtiennent de la visibilité au détriment d’autres. Et qui dit Fake news, dit une information à fort potentiel viral, produite pour susciter la polémique et le buzz.
En Tunisie, comme partout dans le monde d’ailleurs, les Fake news font fureur et il ne fallait pas attendre longtemps pour que cette arme soit récupérée par les politiques. Rien de plus facile pour discréditer son adversaire, que de propager des rumeurs infondées présentées comme étant explosives, des photos montées ou sorties de leur contexte, de détourner une information en fomentant toutes sortes de théories complotistes. La recette est gagnante, pourquoi s’en priver ?
Pas plus tard qu’aujourd’hui, le ministre de l’Education, Hatem Ben Salem a révélé qu’il s’est rendu compte à son arrivé à la tête du département que deux fonctionnaires (à la solde de son prédécesseur si l’on puit dire) géraient pas moins de 60 faux profils sur Facebook. Des faux comptes destinés, selon lui à discréditer, propager des insultes et des rumeurs contre certaines parties et certains adversaires.
Un constat qui dévoile une pratique largement répandue. Les faux comptes et fausses pages sur les réseaux sociaux sont légion. A coups de sponsoring de Fake news et vu le nombre croissant de ces supports, on en arrive au stade de la professionnalisation du phénomène.
Il faut dire que les fausses informations politiques se propagent très rapidement et touchent plus de personnes que tout autre type d’information. Ce qui s’est passé au cours des dernières élections américaines en est l’exemple de référence. D’ailleurs, il ne faut pas grand-chose pour semer le doute et manipuler l’information pour créer des articles lus et partagés massivement. Une bonne connexion internet, un simple ordinateur ou smartphone, quelques logiciels de montage et le tour est joué. L’opération de manipulation de l’opinion publique est lancée et est pratiquement impossible à contenir.
Il faudra s’y résigner, plus aucune crise politique, plus aucune élection, ne passera sans charrier son lot de Fake news publiées sur mesure au service d’un homme politique ou d’un parti. Des légions de « blogueurs » sont payées grassement pour mener à bien leur mission.
C’est ainsi que les stratégies d’influence peuvent profiter pleinement des possibilités offertes par la révolution numérique. Des stratégies d’influence 2.0 dont la première arme et la plus visible n’est autre que le phénomène des Fake news.
Ikhlas Latif