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Chroniques
Entre croissance et emploi, la relation n'est plus évidente
16/11/2017 | 20:00
3 min

L’économie du pays a-t-elle amorcé un rythme de croissance qui permette d’espérer qu’à moyen terme, elle se hisse au niveau souhaitable pour répondre aux défis de l’emploi et du développement régional ? En tout cas, les dernières données de croissance économique publiées par l’Institut national de la statistique (INS) tendent à confirmer les prévisions économiques du gouvernement en la matière.

 

En effet, l’INS a estimé le taux de croissance du PIB à 2,1% en glissement annuel au cours du 3e trimestre 2017. Un troisième trimestre au cours duquel l’économie du pays a rebondi à 0,7%  par rapport au second trimestre de 2017. Ces deux paramètres suggèrent amplement que le taux de croissance du pays en année pleine devrait être en phase avec les prévisions du gouvernement : 2,3% de croissance en 2017. Cependant, est-ce que cela mérite de clouer au pilori ceux qui considéraient que l’économie tunisienne ne va pas afficher un tel taux de croissance ? Pas si sûr. Car le détail des données sectorielles de croissance pose plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses sur le degré de dynamisme de certains secteurs d’activité.

 

Dès l’abord, il est pour le moins curieux que l’INS publie la contribution sectorielle à la croissance, sans fournir plus de détail. Quelle crédibilité faut-il accorder au fait que la valeur ajoutée du secteur de l’agriculture et de la pêche a augmenté au cours du 3e trimestre 2017 de 2% en glissement annuel, lorsque l’INS signale dans la foulée que les données relatives à l’évolution de la valeur ajoutée de ce secteur a été revue à la baisse pour le 1er et le 2e semestre de cette année ? Quel sens faut-il donner aux résultats de croissance du secteur industriel en l’absence d’une donnée clé que l’INS tarde étrangement à fournir : l’Indice de production industrielle (IPI) du mois de septembre 2017 ? L’indice de toutes les turpitudes dès lors qu’on est, en réalité, en présence de deux indices. L’un se fonde sur « la nomenclature d’activité tunisienne de 2002 » et l’autre sur « la nomenclature d’activité produit de 1986 », handicapant toute tentative de croisement de ses données avec d’autres paramètres, comme par exemple, ceux relatifs à l’emploi.

 

Du coup, les étrangetés sont nombreuses. Ainsi, le secteur de l’agriculture et de la pêche, qui affiche une croissance de 2,7% durant les 9 premiers mois de l’année, enregistre dans le même temps 3,8 % ou 19.800 pertes d’emploi au cours de la même période. A moins d’un effort de productivité exceptionnel, cela laisse tout de même perplexe. Ce n’est d’ailleurs pas seulement là que l’on constate une absence de corrélation ou plutôt une corrélation inverse entre la valeur ajoutée et l’emploi. Les statistiques de croissance sectorielle du second trimestre 2017 avaient déjà révélé cette singularité pour le secteur des BTP (Bâtiments et Travaux Publics) qui, tout en enregistrant un recul d’activité de 3,2 %, a affiché 16.200 créations nettes d’emploi. Visiblement, les opérateurs du secteur ont fait œuvre d’une formidable philanthropie.

 

Quoiqu’il en soit, la croissance de la valeur ajoutée brute durant les 9 premiers mois de l’année n’a pas infléchit la courbe du chômage. Avec 35.500 créations  nettes d’emploi au cours de cette période, le taux de chômage est demeuré stable à 15,3% de la population active. Le pari du gouvernement de réaliser 70.000 créations nettes d’emploi en année pleine en 2017 semble de plus en plus difficile à tenir. A moins que l’INS puisse y concourir.   

16/11/2017 | 20:00
3 min
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Commentaires (3)

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harbi
| 19-11-2017 11:46
La mécanisation agricole a fait surface subitement. Pour le secteur BTP dont la mécanisation est plus perceptible, en première phase d'engagement de grands projets il y a usage d'engins et de ce fait une facturation à rythme plus élevé. Puis en seconde phase il ya davantage de main d'oeuvre pour les travaux manuels( mise au point voiries, ferronnerie, bordures, ...).
Un bon article d'un spécialiste financier qui doit être consolidé par une recherche plus approfondie pour nous éclairer comme lecteurs de ses articles.
Merci

Dr. Jamel Tazarki
| 19-11-2017 11:31
Le taux de chômage ne recule pas dans les mêmes proportions que l'emploi va progresser, en raison entre autre de la dynamique démographique de la population tunisienne, de l'âge du départ à la retraite, etc., etc., etc.


Je vous donne raison, si on comparait l'évolution de la croissance économique à celle de l'emploi sur une longue période, il serait évident que celles-ci sont positivement corrélées. Par contre, les pics et les creux du cycle économique ne correspondent jamais à ceux qui caractérisent la croissance de l'emploi. ==> la croissance de l'emploi se produit avec un certain décalage.


Je voudrais rappeler que notre oligarchie entrepreneuse préfère plutôt jouer sur la marge des heures de travail que de créer de l'emploi: faire plutôt recours aux heures supplémentaires et au travail durant les weekends non payé que de créer de l'emploi. Ce qui freine aussi la croissance de la création de l'emploi! Il est temps d'interdire les heures supplémentaires et le travail durant le weekend afin de créer de milliers de nouveaux emplois.




Développement sociale sans croissance du PIB:
Certes, il peut y avoir développement, en particulier sociale, sans croissance. Dans ce cas, les quantités produites stagnent, mais une répartition différente des richesses produites permet à plus de Tunisiens de satisfaire leurs besoins vitaux. Les Allemands l'ont fait avec l'introduction de l'agenda 2010 du temps du chancelier Gerhard Schröder, il s'agissait d'un programme de réformes socio-économiques qui consistait à mieux partager afin que chaque citoyen vivant en Allemagne pourrait dormir au chaud, manger à sa faim et se faire soigner. Je rappelle que l'Allemagne a introduit l'impôt de solidarité pour l'ex-RDA. Il était destiné à soutenir la reconstruction de l'Est. Le "Soli" a été prélevé juste après la réunification et représentait 5,5 % des impôts sur le revenu et sur les sociétés.


Notre modèle de croissance économique est lui-même générateur d'une polarisation sociale croissante, en particulier dans les grandes villes tunisiennes.


Notre UTICA et certains de nos politiciens préfèrent plutôt avoir croissance sans développement sociale, dans ce cas les quantités produites augmentent, mais sans qu'il y ait une amélioration du niveau de vie de la majorité de la population tunisienne de manière à ce que le fonctionnement de l'économie satisfait de plus en plus de Tunisiens. En effet, la production supplémentaire est accaparée en Tunisie par une petite minorité qui la gaspille et la consomme en produits de luxe, souvent importés. Il suffit de voir dans quel grand luxe vivent aujourd'hui certains de nos Milliardaires et certains des politiciens du parti politique Ennahdha. Certes, ce type de croissance ne peut durer indéfiniment, à long terme la croissance nécessite un changement des structures économiques et sociales sous peine de se bloquer.

Une réforme sociale est indispensable en Tunisie, c'est de savoir comment nous pourrions aider aujourd'hui le fonctionnaire, le paysan, le travailleur et les chômeurs à se fournir les objets, les produits et le minimum de consommation dont ils ont besoin. C'est cela que les classes pauvres attendaient de la Révolution de Jasmin. Elles n'attendent pas que nous leur donnions tant et tant de billets, elles attendent seulement la possibilité de se dégager de l'emprise de la faim et de la misère et de pouvoir vivre, c'est-à-dire de consommer et de produire des produits. Ce qu'elles attendent, c'est de leur apporter la possibilité de sortir de la situation qui leur a été faite en tant que classe qui a été toujours ignorée et désavantagée (Je sais ce que c'est d'avoir faim). Ne pas répondre aux espoirs et à l'attente de ceux qui ont cru en la Révolution de Jasmin est une grande déception.

Comment répondre aux nouveaux besoins sociaux? Est-ce que nous en avons les moyens financiers? Les politiques sociales pourraient-elles soutenir la nouvelle croissance économique? Quels sont les investissements nécessaires aujourd'hui pour ne pas aider et subventionner dans les années à venir? Comment minimiser les charges sociales? Comment passer des politiques sociales de prise en charge et de distribution gratuite à une politique dont la base est l'investissement social? Il est temps de concevoir autrement les dépenses sociales. Non pas comme une charge qui gêne la croissance économique, mais comme un investissement qui soutient le passage vers une meilleure économie avec moins de chômeurs et de hauts salaires

Les politiques sociales en Tunisie doivent avoir une fonction économique en tant que paramètre de fortunes futures. L'accroissement des richesses produites est la condition la plus évidente de la réduction de la misère matérielle

L'État Tunisien est dans l'obligation de limiter non seulement les écarts de revenus, mais aussi de lutter contre l'exploitation de la masse pauvre au profit de la bourgeoisie et de l'oligarchie, il suffit de considérer les emplois précaires et sous-payés au nom de la réduction du chômage. Certains de nos entrepreneurs n'offrent que des emplois sous-payés! Il est temps de remédier à cette injustice du marché.


De même l'équilibre à long terme entre croissance démographique et approvisionnement alimentaire est indispensable et nos politiciens n'en parlent jamais.

Très Cordialement

Jamel Tazarki

DHEJ
| 17-11-2017 11:46
Ou encore le nombre des membres du gouvernement ainsi que celui des conseillers...