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Chroniques
El Jem, ville sainte
24/03/2017 | 16:59
4 min

 

La ville d’El Jem a été cette semaine le théâtre de troubles. Des tensions ont éclaté dans la soirée de mardi entre forces de l’ordre et manifestants qui ont barré les routes menant à la ville, brûlé des pneus et bloqué le trafic ferroviaire reliant El Jem à Tunis.

 

Non, il ne s’agit pas d’une bande de jeunes revendiquant leur droit à un travail décent. Non, les protestataires ne réclamaient pas des investissements et du développement au bénéfice de leur région. Non, ils ne manifestaient pas pour demander une quelconque justice sociale ou défendre une noble cause.

 

Ces indignés se sont élevés comme un seul homme contre la réouverture d’un point de vente de boissons alcoolisées. Rien de plus, rien de moins ! Il fallait pousser à la fermeture de cet antre de Satan, de ce repaire de la débauche, pour justement préserver les bons et innocents habitants des tentations que la présence d’un tel commerce représenterait.

 

Ces preux citoyens, en véritable réminiscence des anciens inquisiteurs, ont pris sur eux-mêmes et se sont posés comme étant les garants de la moralité, les combattants de l’hérésie. C’est ainsi, se croyant investi d’une pieuse mission, qu’ils se sont déchaînés.

 

Escarmouches avec les sécuritaires, pneus calcinés, blocage de la voie ferrée, bombes lacrymogènes, arrestations… La révolte pro-prohibition était en marche. Les protestataires n’en démordaient pas. À tout prix, il fallait que les autorités reviennent sur la décision de rouvrir le débit d’alcool. La Tunisie est avant tout terre d’islam, rien à cirer donc de l’autorisation de vente accordée par l’Etat.

 

Mais si on venait à creuser plus loin et indépendamment des motivations purement confessionnelles de certains, l’enjeu de la fermeture de ce point de vente est de taille pour les barons du marché parallèle dans la région.

 

Déjà, à sa première ouverture en 2015, des manifestations similaires avaient éclaté, amenant les autorités locales à sa fermeture provisoire. Le propriétaire, pourtant bénéficiant d’une licence en bonne et due forme, a été obligé de porter plainte et a eu gain de cause.

 

La réouverture du magasin n’a pas été du goût de tout le monde. On sait que la ville d’El Jem est l’une des plaques tournantes de la contrebande en Tunisie. Tout y passe et tout s’y vend. Une grande proportion des habitants (on ne généralise pas) vit du commerce parallèle. Les réseaux de contrebande sont bien implantés dans la région et un débit légal de vente d’alcool viendrait faire tâche et menacerait leurs affaires. Le marché noir en prendrait un sacré coup, et ceci n’arrange personne. Alors, on crée une situation de chaos, on joue sur la conscience religieuse, on fait pression en endossant le rôle du défenseur des bonnes mœurs, afin de faire fléchir les autorités. Autrement dit, un pied de nez à ces mêmes autorités et aux lois régissant le pays.

 

C’est là que les deux partis vainqueurs des dernières élections entrent en jeu. Nos deux compères ont rappliqué via des communiqués presque identiques, pour tout bonnement exiger des autorités et en l’occurrence du gouvernement la fermeture du point de vente, dans le but de calmer les tensions sociales.

 

Qu’Ennahdha, parti islamiste notoire, prenne une telle position, ceci n’a pas choqué grand monde. Pourtant, le mouvement jouait à se racheter une virginité et a adopté une stratégie bien ficelée qui consiste en la séparation entre prédication et action politique. Chassez le naturel, il revient au galop…

 

C’est la position adoptée par Nidaa Tounes qui en a offusqué plus d’un. Pourquoi un parti qui se dit progressiste et qui s’est donné comme cheval de bataille de rétablir le prestige de l’Etat, se mettrait-il à agir aux antipodes de ce qui fait son ADN ? Ceci ne devrait plus étonner, le Nidaa dans lequel des milliers de Tunisiens ont cru n’est plus. Circulez, il n’y a plus rien à voir !

 

Le plus beau dans toute l’affaire, c’est que les autorités ont finalement cédé aux pressions décidant de fermer le magasin de la discorde.

Que cela soit dit, la prochaine fois, pour fermer un resto-bar, un point de vente ou n’importe quel établissement vendant légalement de l’alcool, il suffira de barrer les routes, de brûler des pneus, de crier à l’apostasie et surtout d’avoir le soutien d’Ennahdha et de Nidaa. La prochaine fois, peut-être, on interdirait une bonne fois pour toute la vente d’alcool en Tunisie comme le demande Ridha Jaouadi…

24/03/2017 | 16:59
4 min
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Commentaires (12)

Commenter

Sami
| 27-03-2017 12:08
Un grand conflit pour un dépôt de vente d'alcool ! Excellente réactivité de la part du parti Ennahdha et du parti Nidaa et ils disent vrai. Il faut changer la place de ce dépôt c'est simple !

Ghaya
| 27-03-2017 11:06
Fermer ce dépôt et suivez ce que dit Ennahdha et tout ira mieux pour ce pays

Dhiaa
| 27-03-2017 10:37
Il faut à tout prix éviter les conflits. Donc comme disent Ennahdha et Nidaa il faut fermer ce dépôt c'est mieux.

La cause du peuple
| 26-03-2017 19:16
Dysdrus jamais arabe
El-jam Africa romano

momo
| 25-03-2017 18:46
bande de tarés gardez votre paradis
vive la bière lubrifiant social

CONQUERANT
| 24-03-2017 20:01
En pastichant Molière je pourrais à juste titre écrire :
"Couvrez ces bouteilles, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées." / Tartuffe

Nous y sommes, justement !
Des Tartuffes et des Pères fouettards, il y en a à foison de ce pays où le ridicule a cessé de tuer.

En clair, le vice, si tant est que l'on puisse considérer le breuvage Dionysiaque ainsi, serait licite à la condition qu'il ne se voie pas. Les transgressions, pour être tolérées, devraient avancer masquées.
Il y a un commandement, d'ailleurs, qui le prescrit...(WA ITHA 3ASAYTOM FASTATIROU). Tout est prévu. Même l'interdit est codifié. A la bonne heure!
C'est à cette aune que l'on juge du degré de turpitude d'un peuple ou de son hérésie; c'est selon.

Qui a bu boira ! Atteste un vieil adage. A ne pas confondre, néanmoins, avec le nectar enivrant ; cela signifie tout simplement qu'il est fort difficile de se défaire d'une ancienne habitude; je veux insinuer: l'hypocrisie, la fourberie et les simulacres en tous genres.

Nous sommes ce que nous répétons dirait un autre amateur de la dive bouteille.

Sacrés Tunisiens.


ZEYTOUNIEN
| 24-03-2017 19:10
La liberté individuelle et collective rétrécie, elle rétrécie de jour en jour depuis que l'islam politique est au pouvoir en Tunisie. GHANNOUCHI et B.C.E appliquent à la lettre les directives sociétales conformément à l'idiologie des frères musulmans de HASSEN EL BANNA( fondateur du mouvement des frères musulmans en 1926) en Egypte. La Tunisie dérive dangereusement dans l'irrationnelle, exemple, L'imam ne peut être que guide à la prière, l imam attitré est proscrit en islam, le musulman est libre dans sa pensée comme dans son comportement. De quel droit tel ou tel( fausse) institution religieuse ou politique vienne s'interférer sur mes relations personnelles avec dieu. Dieu m'a créé libre et quoique vous fassiez je resterai libre, et je n'ai de compte à rendre qu'à dieu.

N.Burma
| 24-03-2017 18:45
L'islamisation du pays ne date pas d'aujourd'hui, elle précède même l'arrivée des islamistes au pouvoir, par conséquent, les montées de fièvres islamistes n'ont strictement rien d'étonnant, pour les islamistes il s'agit de gonfler la montgolfière politique pour provoquer les derniers naïfs et naïves de ce pays, pour faire croire à l'ascétisme islamique et à la généralisation de l'interdiction de la vente de produits alcoolisés.
D'ailleurs pour ceux et celles qui croient que la bagarre politico-religieuse porte sur l'apparent, c'est-à-dire l'interdiction de la commercialisation de l'alcool, ils se trompent à leur tour, pour la bonne et simple raison que les suppôts d'Ennahdha poussent leur périmètre toujours plus loin, persuadés qu'ils sont, au nom du fonds de commerce de l'islam, détenteurs la vérité révélée qui leur permet d'édicter les fatwas du jour, ils sont persuadés d'être des Trump tunisiens à l'égal du Trump d'Hollywood qui traine de jour en jour des casseroles judiciaires parce que la société civile américaine n'entend pas se coucher devant un détraqué mental, alors que la société civile tunisienne, apeurée comme pas une, trouillarde comme des poules de basse-cours, hypocrite comme des parlementaires de l'ARP, cette société civile courbe l'échine, baisse la tête et fait semblant comme si de rien n'était et c'est ainsi que la marche de l'islamisation de tout un pays, se passe comme la marche d'un régiment d'infanterie de l'armée ottomane.
Devant cette démonstration qui a eu lieu dans la ville d'El Jem, on pourrait appeler tous les patriotes et toutes les nationalistes de toutes les vertus, les faits sont là, la société islamiste appuyée par le marché parallèle, joue et gagne sur tous les terrains, parce que devant cette société islamiste des valeurs, il n'y a plus de résistance aussi effrontée pour lui faire face et la contrecarrer comme une équipe de rugby qui dans la foulée virile, arrache parfois, quelques membres à l'équipe adverse.
Les islamistes savent que de provocation en provocation sur tous les terrains et surtout en période pré-électorale, tout est bon dans le mouton, il suffit de mordre pour gagner et ils ne se gênent pas de mordre à pleine bouche, fétide par ailleurs.

Nephentes
| 24-03-2017 18:15
C'est quand même une sacrée populace !!

Les gens viennent à El Jem en provenance de Bizerte, Tunis, Beja, Tozeur pour s'approvisionner en gros de jus de Vitis vinifera...

Ce jus naturel à 100 % fait d'ailleurs aussi bien le bonheur des touristes venus admirer le Colisée que celui des autochtones.....

Il n'y a qu'à recenser le nombre d'officines dédiées à Bacchus, officines officieuses connues de tous.

Ennahdha préserve la sainteté des lieux, et les mafias trabendistes le dynamisme "socio-économique " local.

En toute bonne foi.

Pour une fois qu'on trouve en Tunisie une si belle dynamique de prospérité et d'entraide mutuelle, cela s'arrose !!

TeTeM
| 24-03-2017 17:56
La fermeture de cet établissement est un très mauvais signal qui est envoyé aux Tunisiens :

1/ Cela montre un état faible qui cède à la pression

2/ Cela encourage ce type "manifestations" et comme ça marche, l'histoire sera un éternel recommencement.

3/L'Etat aurait du utiliser cette protestation afin d'asseoir son autorité. Moi premier ministre, j'aurai fait appliquer le Droit en vigueur et j'aurai réprimé cette manifestation illégale.