Il est parfois des propos qui font sursauter de surprise. D’autres qui font carrément bondir. On ne sait comment qualifier ceux tenus par Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement et de la Coopération internationale et ministre des Finances par intérim qui constatait, mercredi 21 mars 2017, au micro d’une station de radio, que « la chute du dinar a fait que nous sommes devenus plus compétitifs par rapport à nos concurrents. On parle ici d’une dévaluation compétitive! ».
Ainsi, on serait devenu plus compétitif. Il est vrai qu’en économie, on apprend qu’une dépréciation d’une monnaie a une double incidence sur les échanges extérieurs. Elle freine les importations en raison du renchérissement de leurs coûts et booste les exportations par une augmentation de la demande extérieure. Malheureusement chez nous, cette logique économique ne résiste pas à l’épreuve des faits. Jusqu’à maintenant du moins. En effet, les indicateurs du commerce extérieur ne semblent pas corroborer l’affirmation de Fadhel Abdelkefi.
Il est vrai qu’au cours des 5 premiers mois de l’année 2017, les exportations tunisiennes ont augmenté de plus de 14% par rapport à la même période de 2016. Mais la dépréciation de change n’a pas eu d’effet sur le volume de nos exportations. En dinars constants, celles-ci ont affiché une baisse de 3,3% durant les 4 premiers mois de 2017 par rapport à la même période de 2016. Pourtant, l’effet change aurait dû accroître nos exportations de marchandises. Autrement dit, depuis le début de l’année, la Tunisie a encore perdu des parts de marché extérieur alors même que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit un accroissement du volume du commerce mondial des marchandises, situé dans une fourchette allant de 1,8% à 3,6%. La mécanique de la dépréciation compétitive n’a pas fonctionné.
En revanche, l’effet change semble avoir eu un impact sur les importations. A prix constants, les importations ont enregistré une baisse de 0,5% au cours des 4 premiers mois de 2017. Autrement dit, on a importé moins de marchandises que l’année dernière sur la même période. Cependant, cela nous a coûté plus cher.
Le solde des échanges du pays avec l’extérieur constitue une preuve supplémentaire. A la fin du mois de mai 2017, le déficit commercial s’est aggravé de plus de 1,3 milliard de dinars supplémentaires par rapport à ce qu’il affichait, une année auparavant, entraînant dans son sillage une dégradation du taux de couverture. Les statistiques mensuelles du commerce extérieur s’inscrivent dans le même sens puisque depuis le début de l’année, on observe un gap de déficit supplémentaire de 100 MD d’un mois à l’autre. A ce rythme, si toute chose est égale par ailleurs, le déficit commercial risque de se creuser d’un milliard de dinars supplémentaires à la fin de cette année par rapport à la fin de 2016.
La dépréciation de la monnaie aurait-elle eu un impact compétitif en termes d’investissement ? Là aussi, l’affirmation mériterait d’être nuancée.
Certes, les intentions d’investissement déclarées auprès de l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (API) ont augmenté de 37% au cours des 4 premiers mois de l’année 2017. Cependant, cette envolée reflète plus un renchérissement du coût de l’investissement qu’une augmentation du nombre de projets qui n’a évolué que de 8% environ. Cela est particulièrement remarquable pour les intentions d’investissement dans les projets de création d’entreprises. A la fin d’avril 2017, celles-ci ont augmenté de 7% en volume, à 583 MD contre 544 MD une année auparavant. En revanche, elles ont affiché une baisse de près de 1% en nombre de projets pour la même période. Cela étant, il y a cependant un aspect où cette dépréciation compétitive se matérialise en termes d’investissement. Il s’agit des intentions d’investissement en régime totalement exportateur. Là, le nombre de projets est en hausse de 12% pour un coût d’investissement qui affiche une baisse de près de 15%, par rapport à la même période de 2016.
Est-ce pour cette seule raison que Fadhel Abdelkefi a affirmé que nous sommes devenus plus compétitifs ?
Commentaires (10)
CommenterOffshore
La mauvaise competence chasse la bonne
looool!!!
@Tunisie Polémique : bravo
J'espère que des commentateurs de votre niveau seront de plus en plus nombreux sur ce site.
Exportations en dinars
Exportation interdite
Les pieds nickelés au commandes de l'économie tunisienne
Vous avez en effet absolument raison de souligner que le volume de nos exportation n'a pas bénéficié de cette mesure mal étudiée et que notre déficit commercial s'est aggravé.
La mesure de cette dévaluation "compétitive " est une mesure superficielle et bâclée , prise à la sauvette. Irresponsable et imbécile.
L'objectif de la prouesse de notre ministre est que nos produits
et services à l'exportation deviennent plus compétitifs du seul effet mécanique de la dévaluation du dinar, entraînant une hausse du volume de nos exportations.
Manque de pot. Ou plutôt de vision stratégique.
S'il est vrai, compte tenu de l'insignifiance de notre poids économique, que nos partenaires commerciaux n'ont pas dévalué à leur tour leur monnaie, le gain de compétitivité à l'export escompté ne peut se réaliser que si les coûts de production des entreprise tunisiennes ne sont pas ou peu affectés par la dévaluation.
Et là, gros problème.
Apparemment le risque, pourtant évident, n'a pas été pris en compte
Nos 'stratèges' auraient quand même pu prévoir qu'en dévaluant à l'EXCES le dinar, nos produits seront certes désormais moins chers à l'exportation mais que, symétriquement nos IMPORTATIONS DEVIENDRONT BEAUCOUP PLUS ONÉREUSES.
Or la plupart des produits intermédiaires utilisés par notre activité économique sont importés
C'est donc en définitive le tunisien lambda , éternelle bourrique, qui perd encore une fois une partie substantielle de son pouvoir d'achat, avec l'accroissement de l'inflation découlant du renchérissement des biens de consommation et services importés.
La bourrique est cette fois ci accompagnée par un dindon : l'entreprise tunisienne manufacturière.
Alors qu'une politique de relance par la consommation aurait pu être judicieuse.
Mais cela on s'en fiche.
Il faut obéir au FMI.
De quelles exportations parle-t-il?
Chaos
Une dévaluation est une baisse d'énergie ...
Pour dire que le souhait du figurant est de voir la Tunisie inondée de devises!
Alors qu'elles sont les mouvements des devises en Tunisie?
Les crédits étrangers
Juste une question...
Votre Dinar Tunisien n'a que la valeur que vous lui donnez chez vous et n'en a aucune à l'extérieur.
Essayer de payer quelque chose en Dinar à l'extérieur de la Tunisie et vous comprendrez ce que je veux dire.
Dans un San Antonio, il est dit par un indigène d'une ile complètement inconnue :"vous voulez me payer en Dollars mais je n'en veux pas, cette monnaie n'a pas cours chez nous..."
Vous êtes cette ile inconnue, votre monnaie est complètement locale et n'a que la valeur que vous lui donnez chez vous, si vous n'avez plus de devises réelles, vous n'avez plus rien.
Comme tous les pays d'ailleurs.