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Chroniques
Dévaluation compétitive, dit-on
22/06/2017 | 18:03
3 min

Il est parfois des propos qui font sursauter de surprise. D’autres qui font carrément bondir. On ne sait comment qualifier ceux tenus par Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement et de la Coopération internationale et ministre des Finances par intérim qui constatait, mercredi 21 mars 2017, au micro d’une station de radio, que « la chute du dinar a fait que nous sommes devenus plus compétitifs par rapport à nos concurrents. On parle ici d’une dévaluation compétitive! ».

Ainsi, on serait devenu plus compétitif. Il est vrai qu’en économie, on apprend qu’une dépréciation d’une monnaie a une double incidence sur les échanges extérieurs. Elle freine les importations en raison du renchérissement de leurs coûts et booste les exportations par une augmentation de la demande extérieure. Malheureusement chez nous, cette logique économique ne résiste pas à l’épreuve des faits. Jusqu’à maintenant du moins. En effet, les indicateurs du commerce extérieur ne semblent pas corroborer l’affirmation de Fadhel Abdelkefi.

 

Il est vrai qu’au cours des 5 premiers mois de l’année 2017, les exportations tunisiennes ont augmenté de plus de 14% par rapport à la même période de 2016. Mais la dépréciation de change n’a pas eu d’effet sur le volume de nos exportations. En dinars constants, celles-ci ont affiché une baisse de 3,3% durant les 4 premiers mois de 2017 par rapport à la même période de 2016. Pourtant, l’effet change aurait dû accroître nos exportations de marchandises. Autrement dit, depuis le début de l’année, la Tunisie a encore perdu des parts de marché extérieur alors même que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit un accroissement du volume du commerce mondial des marchandises, situé dans une fourchette allant de 1,8% à 3,6%. La mécanique de la dépréciation compétitive n’a pas fonctionné.

En revanche, l’effet change semble avoir eu un impact sur les importations. A prix constants, les importations ont enregistré une baisse de 0,5% au cours des 4 premiers mois de 2017. Autrement dit, on a importé moins de marchandises que l’année dernière sur la même période. Cependant, cela nous a coûté plus cher.

 

Le solde des échanges du pays avec l’extérieur constitue une preuve supplémentaire. A la fin du mois de mai 2017, le déficit commercial s’est aggravé de plus de 1,3 milliard de dinars supplémentaires par rapport à ce qu’il affichait, une année auparavant, entraînant dans son sillage une dégradation du taux de couverture. Les statistiques mensuelles du commerce extérieur s’inscrivent dans le même sens puisque depuis le début de l’année, on observe un gap de déficit supplémentaire de 100 MD d’un mois à l’autre. A ce rythme, si toute chose est égale par ailleurs, le déficit commercial risque de se creuser d’un milliard de dinars supplémentaires à la fin de cette année par rapport à la fin de 2016.

La dépréciation de la monnaie aurait-elle eu un impact compétitif en termes d’investissement ? Là aussi, l’affirmation mériterait d’être nuancée.

 

Certes, les intentions d’investissement déclarées auprès de l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (API) ont augmenté de 37% au cours des 4 premiers mois de l’année 2017. Cependant, cette envolée reflète plus un renchérissement du coût de l’investissement qu’une augmentation du nombre de projets qui n’a évolué que de 8% environ. Cela est particulièrement remarquable pour les intentions d’investissement dans les projets de création d’entreprises. A la fin d’avril 2017, celles-ci ont augmenté de 7% en volume, à 583 MD contre 544 MD une année auparavant. En revanche, elles ont affiché une baisse de près de 1% en nombre de projets pour la même période. Cela étant, il y a cependant un aspect où cette dépréciation compétitive se matérialise en termes d’investissement. Il s’agit des intentions d’investissement en régime totalement exportateur. Là, le nombre de projets est en hausse de 12% pour un coût d’investissement qui affiche une baisse de près de 15%, par rapport à la même période de 2016.

Est-ce pour cette seule raison que Fadhel Abdelkefi a affirmé que nous sommes devenus plus compétitifs ?

   

22/06/2017 | 18:03
3 min
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Commentaires (10)

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Zug
| 25-06-2017 22:04
C'est une dévaluation technique pour le secteur off shore, précieux héritage de Nouira, puis de Ben Ali ... Quand on est un pays qui depuis 50 ans n'a rien appris à produire et dont l'agriculture demeure principalement sur de la faible ajoutée, idem pour le tourisme, forcément la valeur de la monnaie suit une courbe descendante. Le problème est que nos ministres à l'image de Abdelkafi n'ont aucune vision pour le pays alors voilà un coup c'est une mise à niveau de l'industrie, qu'elle industrie ?, Un coup un Tunisie 20-20, pourquoi faire ? ... Résultat : les gouvernements passent et la monnaie trepasse, mais ce n'est pas grave notre gouvernement est bien apprécié par nos bailleurs de fonds ! La belle affaire ?

G&G
| 23-06-2017 14:39
Fadhel ministro!!!
looool!!!

Nephentes
| 23-06-2017 10:38
Vos deux commentaires sont très affûtés

J'espère que des commentateurs de votre niveau seront de plus en plus nombreux sur ce site.

Tunisie Polémqiue
| 23-06-2017 10:29
A Mounir13: Justement, hors les produits cotés sur les marchés internationaux (pétrole qu'on n'exporte plus et phosphates non plus et quelques autres produits), l'essentiel des exportations sont facturés effectivement en dinars. Les "dévaluations" ne sont pas autre chose en Tunisie qu'une taxe perçue par les barrons de l'hôtellerie sur les tunisiens en sus du financement de la Caisse de compensation dont ils profitent le plus.

Tunisie Polémique
| 23-06-2017 10:23
A Letranger: ce n'est pas parce qu'une monnaie ne "s'exporte " pas qu'elle na pas de valeur. Il n'y a pas si longtemps, aucune monnaie ne s'exportait et pourtant chacune avait une valeur. Sans Antonio, c'est vrai n'est pas allé à l'école pour comprendre ce genre de choses.

Nephentes
| 22-06-2017 21:51
Vous démontrez une fois de plus Si BEN ACHOUR la qualité de vos analyses qui tiennent lieu ici de la démonstration.

Vous avez en effet absolument raison de souligner que le volume de nos exportation n'a pas bénéficié de cette mesure mal étudiée et que notre déficit commercial s'est aggravé.

La mesure de cette dévaluation "compétitive " est une mesure superficielle et bâclée , prise à la sauvette. Irresponsable et imbécile.

L'objectif de la prouesse de notre ministre est que nos produits
et services à l'exportation deviennent plus compétitifs du seul effet mécanique de la dévaluation du dinar, entraînant une hausse du volume de nos exportations.

Manque de pot. Ou plutôt de vision stratégique.

S'il est vrai, compte tenu de l'insignifiance de notre poids économique, que nos partenaires commerciaux n'ont pas dévalué à leur tour leur monnaie, le gain de compétitivité à l'export escompté ne peut se réaliser que si les coûts de production des entreprise tunisiennes ne sont pas ou peu affectés par la dévaluation.

Et là, gros problème.

Apparemment le risque, pourtant évident, n'a pas été pris en compte

Nos 'stratèges' auraient quand même pu prévoir qu'en dévaluant à l'EXCES le dinar, nos produits seront certes désormais moins chers à l'exportation mais que, symétriquement nos IMPORTATIONS DEVIENDRONT BEAUCOUP PLUS ONÉREUSES.

Or la plupart des produits intermédiaires utilisés par notre activité économique sont importés

C'est donc en définitive le tunisien lambda , éternelle bourrique, qui perd encore une fois une partie substantielle de son pouvoir d'achat, avec l'accroissement de l'inflation découlant du renchérissement des biens de consommation et services importés.

La bourrique est cette fois ci accompagnée par un dindon : l'entreprise tunisienne manufacturière.

Alors qu'une politique de relance par la consommation aurait pu être judicieuse.

Mais cela on s'en fiche.

Il faut obéir au FMI.

Mounir13
| 22-06-2017 21:48
La Tunisie exporte du tourisme, quelques produits agricoles et pas grand chose d'autre. Est ce que les principales exportations tunisiennes se font en dinars? Je ne pense pas. Par contre, ce qui est certain ce que les importations de produits de consommation se fait en devises. Donc, à moins que ce gouvernement prenne son courage à deux mains et interdisent l'importation de produits de consommation courante, la chute du dinar n'as qu'un seul mecanique qui est de creuser le déficit de la balance commerciale. Monsieur le ministre a copie une formule à la mode qui n'est malheureusement pas adaptée à la triste réalité économique de notre pays.

Zug
| 22-06-2017 20:42
Il n'y a plus aucune analyse qui tienne. On ne mesure pas encore l'ampleur de l'impact du coup d'État contre Ben Ali et depuis l'absence de vision pour le pays. Remonter la pente va être difficile si tant est que ce soit possible ! De toutes façons dans le contexte politique actuel où notre soit disant élite politique est quasiment interdite de voyage aux USA et étant donné l'échec du duo actuellement au pouvoir, ce n'est pas pour maintenant, la reprise. Quant aux commentaires du ministre des Finances, ils ne sont guère plus intelligents que ceux de sa cons'ur qui l'a précédée à ce poste et là on touche le mal qui ronge la Tunisie, disons le, l'absence d'élite. Nous sommes désormais un pays sans élite et c'est grave !

DHEJ
| 22-06-2017 18:57
Pour accentuer ou freiner une autre energie cinétique de devises ... cest du bernoullisme par excellence que les économistes appellent ELASTICITE?


Pour dire que le souhait du figurant est de voir la Tunisie inondée de devises!


Alors qu'elles sont les mouvements des devises en Tunisie?


Les crédits étrangers

Letranger
| 22-06-2017 18:33
Comment peut-on apprécier la valeur d'une monnaie nationale alors même que son "exportation" est interdite et illégale.
Votre Dinar Tunisien n'a que la valeur que vous lui donnez chez vous et n'en a aucune à l'extérieur.
Essayer de payer quelque chose en Dinar à l'extérieur de la Tunisie et vous comprendrez ce que je veux dire.
Dans un San Antonio, il est dit par un indigène d'une ile complètement inconnue :"vous voulez me payer en Dollars mais je n'en veux pas, cette monnaie n'a pas cours chez nous..."
Vous êtes cette ile inconnue, votre monnaie est complètement locale et n'a que la valeur que vous lui donnez chez vous, si vous n'avez plus de devises réelles, vous n'avez plus rien.
Comme tous les pays d'ailleurs.